30 novembre 2020

  La succession  

de Jean-Paul Dubois

*****


Paul est un homme heureux. Depuis quatre ans, suite à sa rupture des liens familiaux, géographiques, professionnels etc. Paul s'est installé dans sa vie de rêve, c'est à dire, exactement l’existence dont il rêvait. Il a dit adieux à une famille hautement toxique, à sa carrière de médecin toute tracée, avec reprise du cabinet paternel et à la France, pour se téléporter à Miami, dans une carrière de pelotari professionnel. La pelote basque, c'était la seule chose au monde qui l'intéressait et le faisait vibrer, alors, pouvoir en vivre, même modestement...
   
   Il nous raconte sa vie maintenant, dans ce monde de soleil, de sport, de parieurs, ce Nirvana d'éternel adolescent. Il a une modeste demeure, une voiture qui tient de la pièce de collection, et un bateau guère plus vaillant, mais qui lui permet quelques échappées sur la grande bleue. C'est d'ailleurs là qu'il va rencontrer et sauver son meilleur ami en la personne d'un jeune chien tombé à la mer ou jeté d'un autre bateau -va savoir- et bientôt il rencontrera la femme de sa vie...
   
   Pendant qu'il nous raconte tout cela, il mêle à son histoire des récits, des souvenirs de sa famille, une famille très étrange, aux mœurs nettement psychotiques, et une famille de suicidés. Des quatre personnes auprès desquelles il a grandi, trois se sont suicidées : son grand-père, son oncle, sa mère. Il ne reste que son père, qui ne va plus tarder à faire de même. C'est de lui qu'il recevra la Succession du titre. Bientôt, s'en sera fini du paradis terrestre qui n'aura duré que quatre ans...
   

   Une très belle histoire, très poignante, pleine de vie (paradoxalement) et de mort aussi (d'accord). Une très belle écriture. Un personnage principal vraiment sympathique (pour moi, du moins) que l'on suit avec intérêt tout au long du récit de ses pensées et de ses souvenirs, récit qui risque d'autant moins de lasser que les anecdotes sur tous ces personnages étranges qu'il a côtoyés sont nombreuses, surprenantes, et bien faites pour piquer notre curiosité et notre intérêt. Le chien, la voiture, le bateau, la maison, feront le voyage -littéraire- avec nous tout au long de ce récit d'une totale cohérence. Je me suis régalée.


978-2757869406 

28 novembre 2020

Le Roi n'a pas sommeil 

de Cécile Coulon

***+


Cécile Coulon, qui signait là son troisième roman, nous raconte la vie de Thomas Hogan, en remontant aux racines de son histoire, à savoir la vie de ses parents. Son père, William, était un homme dur, taiseux, sombre et qui considérait la vie comme un combat. Il s'était choisi dès le départ un challenge très difficile en jetant, petit garçon, son dévolu sur une belle propriété délaissée qu'il s'était mis en tête, quand il serait un homme, d'acheter et de faire fructifier. Dès qu'il le put, il mit tout ce qu'il possédait dans l'achat de ses rêves et en fait, se condamna ainsi, à une vie d'un travail forcé au-dessus des forces d'un seul homme. Marié, il ne rendit pas sa femme heureuse, père d'un fils unique, il lui transmit ses humeurs coléreuses et le fardeau de cette propriété. C'est ainsi que Thomas, qui aurait pourtant pu faire de bonnes études, se retrouva lié à ce bout de terre, et ce d'autant plus qu'il avait entièrement intériorisé et fait sien cet attachement morbide; d'autant plus également que tout le village observe et les a figés, son père et lui, dans ces rôles sombres et inéluctables. On n'en s'en aperçoit qu'un peu tard, mais la ville a valeur de personnage, et même d'un des principaux, dans cette histoire. (Le roi qui n'a pas sommeil, c'est justement l'opinion publique, l’œil du village).
   
   On sait dès le départ que tout finira mal puisque c'est sur ces pages que le livre s'ouvre. Reste au lecteur à découvrir l'inexorable cheminement. L'affaire est menée de main de maître par Cécile Coulon qui fait preuve d'un déjà fort grand savoir-faire.
   
   C'est pour cette raison que je lirai d'autres livres d'elle car celui-là ne m'a pas emportée. J'ai bien vu toutes les qualités, la bonne écriture (malgré une faute comme "il avait interdiction formelle de ne plus toucher à une goutte d'alcool" p.115 Que font les correcteurs?), la justesse des caractères, l'habileté de la peinture, mais j'ai besoin aussi, dans l'histoire ou dans les idées, d'un élément qui me surprenne, de la petite étincelle qui allume mon intérêt et ma curiosité, et là, je ne l'ai pas trouvée. Cette histoire est au fond prévisible et banale, ce qui fait que la belle peinture qu'en fait C. Coulon, si elle permet de l'accepter, ne m'a pas suffi à être conquise, ni même réellement intéressée. Mais je retenterai ma chance auprès de cette auteure.. 


978-2210740549

26 novembre 2020

 

Le bouddha de banlieue  

de Hanif Kureishi

*****


Titre original : Buddha of Suburbia 

  Brillant premier roman
J'ai passé quelques heures vraiment plaisantes avec ce roman à la fois gai et incisif, distrayant mais non dépourvu de profondeur, qui nous ramène dans les années 70, en Angleterre. Le narrateur, Karim Amir, est un ado de dix-sept ans, assez déluré, très libre (d'esprit, mais aussi sexuellement). Il vit, du moins au début du récit, encore chez ses parents qu'il aime bien. Son père, pakistanais, s'intéresse au bouddhisme et étant peu à peu considéré comme un guide spirituel par les Britanniques que cette philosophie attire, il s'engage de plus en plus dans cette activité. Il sera le Bouddha de banlieue. Parallèlement, il a une liaison avec une femme pour laquelle il va quitter son épouse, une Anglaise. Amir va rester chez sa mère, tout en gardant le contact avec son père, d'autant qu'il aime bien sa nouvelle compagne, et plus encore Charlie, le fils de celle-ci qui est d'une "foudroyante beauté"...

A travers cette situation originale et au fil des aventures qui vont s'en suivre, nous allons faire connaissance avec la vie d'un petit "Paki" des années 70 anglaises. Le racisme est bien présent et ne se cache pas aussi bien qu'il peut le faire maintenant. Sous le débridé des péripéties, la fantaisie paillarde des aventures, transparaît l’âpreté de la vie d'un Pakistanais en banlieue londonienne, soumis à toutes les brimades, à tous les sévices qu'il plairait à un environnement raciste de lui faire subir. On se rend compte qu'il faut tout l'humour et l’indéfectible vitalité d'Amir pour survivre à tout ça en gardant le sourire, avec un petit air de "même pas mal".

Charlie va devenir une star du Punk (il fait tellement penser à des vedettes qui se sont crées ainsi ces années-là...) Amir lui, finira par s'orienter vers le théâtre, puis vers l'écriture et sa grande capacité d'adaptation et sa résistance aux chocs, lui assureront également le succès.

Nous, de notre côté, nous aurons bien replongé dans ces années dont certaines idoles n'ont jamais pu être remplacées, voire égalées. On s'en étonne encore... A croire qu'il y avait vraiment quelque chose de spécial dans cette époque à la fois rude et libre. De nombreuses anecdotes font clairement partie d'expériences vécues ou vues par l'auteur, sans que l'on puisse vraiment parler de roman auto-biographique. Mais cette source "première main", donne une grande vigueur au roman. L'humour et la grande liberté de ton font le reste du charme de ce roman iconoclaste.

PS : le plaisir pris à cette lecture m'a donné envie de lire le premier titre "My Beautiful Laundrette", pour m'apercevoir à la réception qu'il s'agit d'un scénario et non d'un roman (alors que je pensais que le film avait été tiré d'un roman), du coup, je ne sais pas si je le lirai. Je ne suis pas très attirée par cette forme, autant voir le film, mais comme je l'ai sous la main, on ne sait pas...



978-2264018199 

24 novembre 2020

  Le patriote

de Pearl Buck

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Injustement oubliée, Pearl Buck mérite largement d'être rappelée à nos esprit volages. « Le patriote » est un grand roman. On peut le classer dans la catégorie des romans historiques si l'on veut souligner le fait qu'il montre de façon précise et documentée, la Chine devenant celle de Chiang Kaï-Shek ainsi que le début de sa guerre avec le Japon. 
 
 Nous suivons I-Wan, fils d'un très riche et influent banquier de Shanghai. Il s'éprend de l'idéal communiste pendant ses études et prépare avec eux l'insurrection de la ville pour soutenir l'arrivée de Chiang Kaï-Shek, mais ce dernier, qui n'a jamais aimé les communistes, préfère les livrer et conclure un accord avec les autorités. Des milliers de communistes sont tués, I-Wan perd ses amis et ne devra la vie qu'à la position de son père qui, partie prenante du dit accord, parvient à lui faire quitter le pays en catastrophe vers le Japon où il vivra chez un ami de son père qui fait le commerce international d’œuvres d'art asiatiques. Il y restera dix ans. Pendant ce temps, le Japon et la Chine entrent en guerre, une guerre longue, cruelle et très meurtrière. I-Wan se retrouve bientôt dans une situation intenable. 
 
 On peut, disais-je considérer que nous avons là un roman historique compte tenu de tout ce qu'il nous apprend sur l'histoire de la Chine et du Japon du début du vingtième siècle. Il nous présente les faits (que nous ne connaissons pas forcément en détail) mais également les personnages et en particulier ce Chiang Kaï-Shek au caractère si puissant qu'il impressionnait et dominait tous ceux qui l'approchait (et qui auraient parfois mieux fait de chercher à bien comprendre ses buts ultimes). 
 
 Mao n'est pas encore en vue. 
 
 Nous découvrons également les fonctionnements de la vie quotidienne de cette époque, tant en Chine qu'au Japon (et c'est pour constater sans surprise que le patriarcat est partout tout puissant). 
 
 C'est un roman passionnant aussi par la justesse de ses personnages et la finesse du portrait qui fait que bien que leurs psychologies soient bien éloignées des nôtres, nous parvenons sans peine à suivre leurs pensées et à les comprendre. Nous sommes également intéressés par les péripéties de leurs vies et, chaque fois que nous en perdons un de vue, nous nous demandons ce qui lui arrive pendant ce temps. Le suspens sur leur avenir dure jusqu'à la dernière page 





23 novembre 2020

 Le nageur dans la mer secrète 

de William Kotzwinkle

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A lire absolument

 Bon, moi, c'est ça que j'appelle un «livre pour adultes» 
 
 Un livre exceptionnel, et je pèse mes mots, tout comme est exceptionnel cet écrivain qui vous «pond» E.T, une quarantaine d'autres romans de genres divers mais plutôt proches du polar, ou de la comédie et puis ça, ce nageur dans la mer secrète. Un livre unique. Un livre à vous couper le souffle. 
 
 D'abord, c'est un petit bouquin qui n'a l'air de rien. Pas très épais, pas très tape à l’œil. 
Quand on a compris le sujet, quatrième de couverture aidant, « accouchement dramatique », on se dit « Je ne vais pas lire ça ». Et on le pose. Puis on le reprend, juste pour voir le début. Et on est happé par le ton et le style et la personnalité si proche du narrateur, son extraordinaire honnêteté. La vérité de son récit et on comprend qu'on peut le lire, qu'on n'en sera pas blessé mais enrichi. Et on le lit, et on ne l'oublie jamais. 
 
 On se dit. On sait : «La vie, c'est ça» La vie et la mort. La joie et la peine, profiter et souffrir. Etre un humain. 
 
 Ce sont ces hasards, ces détails, ces chances et ces malchances, ces riens. Pas une fausse note dans les sentiments, pas une hypocrisie, pas une concession qui trahit. Ni grandiloquence, ni haine, ni reproches, ni accusations qui rendent l'autre seul responsable. «La vie, c'est ça.» C'est tout. 
 
 100 pages qui ne vous blesseront pas, qui vous rendront plus humain, un petit livre qu'on n'oublie jamais. 


978-2742737321 

21 novembre 2020

 Miss Islande 

de Audur Ava Olafsdottir

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Le hasard a voulu que je lise à peu de temps d'écart, deux romans ayant beaucoup de points en commun. Il s'agit de celui-ci et de "Souvenirs de l'avenir" de Siri Hustvedt. A partir de là, il est intéressant d'établir les parallèles. C'est un chemin comme un autre pour parler d'un livre.
  
   Les deux romans racontent ce qui est arrivé à une jeune-femme ayant juste passé vingt ans et qui a quitté une famille aimante mais trop rurale pour gagner la grande ville (ici Reykjavík) où elle aurait plus de chances de réaliser son rêve de devenir écrivain. Dans le cas de S. Hustvedt, le récit est autobiographie, dans celui d'Audur Ava Olafsdottir, on peut penser que certaines choses le sont, mais c'est plus nettement un roman. Bien que sur des continents différents, les deux récits sont situés à peu près à la même époque.
  
   Arrivées en ville, les jeunes femmes doivent trouver à se loger et un emploi pour subvenir à leurs besoins, tout en se ménageant le temps nécessaire à l'écriture. Toutes deux se trouvent tout de suite confrontées à un monde d'hommes qui ne voit que leur jeunesse et leur beauté et fait peu de cas de leurs aspirations littéraires, voire intellectuelles. Les hommes vont tout de suite jusqu'au harcèlement voire l'agression frontale. Dans les deux romans, les jeunes femmes ne s'attendaient pas à se heurter à une barrière aussi sournoise et hermétique. Elles luttent et s'acharnent à poursuivre leur rêve quoi qu'il leur en coute jusqu'à la réussite ou l'échec.
  
   Dans "Miss Islande", par l'intermédiaire des deux amis de Hekla (l'héroIne), l'auteur élargit son propos à deux autres problématiques : avec son amiE Isey, elle montre la vie des femmes qui elles ne luttent pas pour sortir de leur condition... et elle est désespérante ; et avec son amI Jon John, elle montre celle des homosexuels, et elle ne l'est pas moins. Dans ce monde très rude qu'est l'Islande du milieu du 20ème siècle, la littérature et particulièrement la poésie, a beau y être tenue en étonnamment haute estime, le machisme exercé sans plus de complexes que de nuances par des hommes ayant eux-mêmes des vies difficiles, fait le malheur de tous.
  
   Rien n'étant possible en Islande, Hekla et Jon John parviendront à partir à l'étranger et leur très belle amitié les aidera à affronter tous les combats, mais pas forcément à les gagner. Comme nous voyons tout ce que fait Hekla, mais jamais ce qu'elle pense, elle nous étonne parfois et la fin vous surprendra.
  
   Pour reprendre ma comparaison entre les deux livres, les deux premiers romans de deux écrivaines, connaitront le même destin, que je ne peux révéler sur ce site qui ne divulgue pas les chutes... A la différence de "Souvenirs de l'avenir", et faute d'indication précise de l'auteur, on peut l’interpréter ici de différentes façons. Je ne cacherai pas que mon interprétation personnelle est la plus pessimiste.
  
   J'ai adoré ce roman.

978-2843048692 

20 novembre 2020


Souvenirs de l'avenir 

de Siri Hustvedt

****
Un livre un peu difficile que le dernier roman de Siri Hustvedt, ce qui explique sans doute qu'on n'en parle pas tant que cela sur les blogs littéraires. Un roman qui va demander à ses lecteurs un effort intellectuel et donc perdre assez vite ceux qui ne cherchaient qu'une bonne histoire à lire.
  
   Déjà, sous ses airs de récit autobiographique, nous avons bien un roman, mais si proche cependant de la Siri Hustvedt de cette année-là, l'année 78-79, à New York- que le lecteur est sans arrêt sur le fil entre réalité et fiction. Cette instabilité était peut-être bien justement la meilleure façon de lui faire éprouver l'une des thèses de l'auteur, à savoir que le souvenir n'est pas la vision d'un moment inaltérable de notre passé, mais une vue toujours changée depuis notre présent. Nous avons changé, l'époque a changé, ainsi que le contexte tant personnel que social, notre expérience et nos connaissances ; l'oubli a fait son œuvre aussi, ainsi que les déformations de la mémoire. Le passé que l'on a si souvent dit non-modifiable est au contraire une chose toujours au moins partiellement différente...
  
    Ce que la narratrice constate en retrouvant son journal intime d'alors. Elle avait vingt trois ans, alors qu'elle en a maintenant plus de soixante, ce sont deux femmes différentes et elle sait exactement ce que sont devenus tous ses espoirs, projets et craintes. Et je ne parle là que d'une même personne. Quand vous comparez les souvenirs de plusieurs personnes (comme S. Hustvedt le fait avec son amie de toujours, Whitney, et d'autres), vous multipliez les variations par dix ou cent...
   "Dans la mémoire, il n'y a pas vraiment d'avant ni d'après, n'est ce pas? La mémoire surgit dans le maintenant, dans un temps vertical. Et le temps remémoré, comme tu le sais, est teinté par l'imagination."
  
   Je pense que l'on peut considérer cette réflexion sur le passé, le temps et le souvenir comme l'axe majeur du roman. C'est d'ailleurs à ce point que se réfère le titre. Mais d'autres réflexions sont conduites parallèlement. D'abord, l'écriture. La narratrice (S. H.) s'est accordé une pause d'un an dans ses études pour tenter d'écrire son premier roman. Elle en a déjà les personnages et un vague projet en tête, ce sera une enquête policière à la Sherlock Holmes, menée par deux détectives adolescents... Le projet ne progressera pas selon son souhait malgré ses efforts, mais elle se trouvera rédiger en tant que nègre un roman ne la concernant en rien, si bien qu'ainsi, elle se trouvera avoir écrit son premier roman, publié et pas trop mal reçu par la critique, mais qui ne lui est rien...
  
   Et puis bien sûr, la défense féministe. Les temps ont changé. L'époque et la place de la femme ont changé, mais la narratrice a évolué plus encore. La jeune fille vulnérable et inconsciemment soumise à des critères machistes est devenue une femme méfiante et éclairée, qui constate sans même plus pouvoir les comprendre vraiment, ses soumissions imperceptibles (ou non) d'alors... Nous en sommes toutes là, nous les anciennes, ou du moins, je vous le souhaite. Il y a du règlement de compte là-dedans, au moins avec elle-même.
  
   A cela se mêle un peu de drame et de sorcellerie (eh oui), au moins une mort suspecte (le thème du détective réapparaît)... et pourtant, si je devais conseiller Siri Hustvedt à quelqu'un (ce qui m'arrive souvent) ce ne serait pas avec ce roman-là. Il y a des longueurs (le repas chez Patty !), surtout dans le dernier tiers, des complexités jamais éclaircies, une avalanche de références intellectuelles ou artistiques, des changements d'optique un peu brusques que j'avais ratés et qui m'ont demandé un réajustement, et globalement une fusion que j'ai trouvé trop grande entre l'auteur et son personnage principal, trop grande si l'on considère en même temps que ce n'est pas elle. Je ne suis jamais à l'aise avec ces "autofictions" et j'ai d'ailleurs été étonnée de voir S. Hustvedt s'y essayer. Bref, un livre qui aura peut-être du mal à trouver son lectorat, mais que les admirateurs/rices de l'auteur devront bien sûr tout de même lire. On ne peut pas s'en dispenser.
  
   PS: Oups ! Et j'ai oublié de parler de La Baronne (et de Marcel Duchamp) ! Vraiment beaucoup de choses dans ce roman. On ne peut pas tout évoquer.
   PPS: Et les dessins !!! Je n'ai pas parlé des dessins non plus. Finalement, c'est peut-être là que le bât blesse : trop riche, ce roman.re.


978-2330125806

19 novembre 2020

 

Photo d'adieu 
de Ngaio Marsh

**

  

Ramassé dans une bourse aux livres parce que j'en ai lu plusieurs de cette auteure quand j'étais jeune. J'ai voulu voir ce que cela donnait maintenant que je ne le suis plus.

Quatrième de couverture : « Quelques jours de vacances pour l'inspecteur Alleyn et son épouse, invités dans une île néo-zélandaise, chez l'amant de la plus grande cantatrice du monde. Mais la Sommita est persécutée par un photographe qui s'amuse à envoyer aux journaux des portraits grotesques de la divine. (…)  Une enquête délicate pour l'inspecteur Alleyn, d'autant que la tempête se lève sur l'île et que les invités se retrouvent prisonniers de leur hôte, un homme pour le moins énigmatique. Le paradis risque fort de devenir un enfer… »

Nous trouvons l'iné
narrable-galable inspecteur Alleyn et son épouse-potiche-artiste, enquêteurs récurrents de Ngaio Marsh, sur une île de milliardaire. On met plus de cent pages sans action à attendre qu'un crime y soit commis. On pourrait au moins s'occuper en se demandant qui va être tué si l'éditeur n'avait pas jugé bon de nous le dire tout de suite sur la quatrième de couverture. C'est la partie que j'ai remplacée par trois petits points pour vous permettre de lire ce livre sans le savoir si vous évitez la quatrième de couv.  Mais je ne suis pas sûre que ce que je vais vous dire vous en donnera l'envie.

Bon, donc, après une longue mise en place, tout le monde est dans l'île, un meurtre est commis et tout le monde se retrouve coincé sur l'île qu'on ne peut plus ni quitter ni ouvrir à de nouveaux arrivants. On ne va pas se mentir, c'est le genre de situation de départ qu'on a déjà vue cent fois, mais bon, moi j'aime bien les mystères de huis clos.

Quand Agatha Christie par exemple, brode sur ce thème, vous vous retrouvez avec un crime pour lequel tout le monde avait des mobiles, mais que personne n'a pu commettre. La tension est extrême. Avec Ngaio Marsh, c'est différent, tout le monde a pu le commettre, et personne n'a de mobile. C'est nettement moins dynamique.  Il y a bien un suspect principal quoi que l'on ne comprenne pas bien ses mobiles sauf un coup de folie, mais cette voie n'intéresse pas notre auteur qui décrète que le suspect boudeur s'enferme dans sa chambre dès le crime commis et qu'on ne le reverra plus jusqu'à la scène finale. Il ne faudra donc pas compter sur lui pour les rebondissements. D'ailleurs, des rebondissements, il n'y en aura guère jusqu'à ce que Alleyn inspiré leur  donne la clé du mystère (à propos de clés, on s'y perd avec elles, c'est compliqué à plaisir pour ne pas en apprendre grand chose). L'inspecteur nous déniche un mobile quand même un peu faible et tiré par les cheveux et hop, emballez, c'est pesé. Après 280 pages bien planplan le rideau est baissé. L'épouse-potiche-artiste n'a rien fait, ah si, les lits, à un moment. Saluée comme si elle venait d'accomplir un exploit (c'en était peut-être un pour elle, allez savoir). On constate que l'éditeur s'est emballé, il n'y a pas d'enfer finalement.

Morceau de bravoure : (quand l'inspecteur donne la solution)
« Il s'exprimait avec un méticulosité toute personnelle, sans la moindre hésitation. A un moment, Hazelmere s’arrêta d'écrire et le dévisagea.
 -  Je vais trop vite ?
 -  Ce n'est pas cela, Monsieur ! C'est votre façon de raconter... Passionnante ! »
Comme on aurait aimé pouvoir en dire de même !


978-2264029270

18 novembre 2020

 Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux 

de Kate Atkinson

****
 
Il n'y a plus beaucoup de romans de Kate Atkinson que je n'aie pas lus et je viens de me faire des vacances en m'en octroyant deux de suite. C'est que Kate Atkinson est synonyme de vacances assurément.
 
   Une histoire intéressante, des personnages (nombreux toujours, parfois à la limite du trop, mais sans franchir la-dite limite) qui ne le sont pas moins, des péripéties inattendues voire improbables (là, le final est over-improbable -dans le salon de Gloria-, mais ça plait quand même), un ton d'humour à froid tout à fait drôle et du suspens tout de même; n'oublions pas le suspens, il en faut dans un polar et Atkinson ne l'oublie jamais.
 
   Nous retrouvons ici Jackson Brodie, détective découvert dans "La souris bleue" et sommes bien contents de savoir ce qu'il est devenu. Les choses se sont bien arrangées pour lui. Au début de "La souris bleue" il n'avait rien, et à la fin, tout; est-ce que cette fois, ayant tout au début, il finira sans rien? Nous verrons bien. Les deux romans sont bien des polars, pas des "fantaisies" comme a pu l'être "Sous l'aile du bizarre" et il y a donc de l'action, des mystères à résoudre, des bons et des méchants.
 
   Cette fois, je dois admettre qu'on traîne un peu. Kate prend son temps pour raconter et le rythme pourrait être un peu plus vif, mais qui s'en soucie? On a tout le temps et on est si bien dans ses pages qu'on ne rechigne pas à y rester un peu. Bref, je suis satisfaite de ma lecture. Mes prochaines vacances de lectures seront encore pour cette auteure.


978-2253121763

Série Jackson Brodie : 

1- La Souris bleue - Case Histories (2004) 

2- Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux - One Good Turn : A Jolly Murder Mystery (2006)  

3- À quand les bonnes nouvelles ? - When Will There Be Goods News ? (2008)  

4- Parti tôt, pris mon chien  - Started Early, Took my Dog (2010)  

5- Trois petits tours et puis reviennent - Big Sky (2019) 

17 novembre 2020

 

La souris bleue

de Kate Atkinson

*****

  

Le livre commence par trois histoires dramatiques sans lien entre elles, si ce n'est qu'elles se soldent toutes par la mort d'un des personnages que l'auteur a eu la diabolique habileté de nous faire aimer. Le lecteur subit trois deuils en cinquante pages. Il est déjà à moitié traumatisé et se demande dans quoi il s'est embarqué...
 
   Moi, plus que tout autre puisque j'avais pris ce livre après l'amusant "Sous l’aile du bizarre" qui m'avait bien fait rire et dont j'avais adoré le style et l'humour. Celui-ci est bien différent... mais je l'ai aimé tout autant! C'est dire le talent de Kate Atkinson et l'ampleur de sa palette. La finesse et la justesse de sa psychologie des personnages! L'ambiance entre les sœurs... le père obèse, la meurtrière... Même les personnages secondaires ont de l'épaisseur, et il y a une vraie ambiance, qui vous prend tout de suite. On est souvent aussi près des larmes que du rire, comme cette scène où la vieille fille désespérée se lance à la tête du détective qui, pour le coup, n'avait rien vu venir. On souffre à la fois de sa solitude poignante et on rit de cette scène ridicule.
 
   Je lui mets 5 étoiles, parce que je ne vais pas bouder mon plaisir. Savoir si c'est de la grande littérature ou non (mais pour moi un vrai écrivain in-ven-te! Il imagine, il crée et là, on est servis). Oui, cela mérite 5 étoiles.
 
   J'apprécie toujours autant cet auteure exceptionnelle et je vais de ce pas me lancer dans un autre de ses romans, qu'il soit du même style que l'un des précédents ou encore une fois totalement différent. Je lui fais entièrement confiance. Je prends juste le temps de vous dire: si vous ne connaissez pas, essayez vite!


978-2253112129

Série Jackson Brodie : 

1- La Souris bleue - Case Histories (2004) 

2- Les choses s'arrangent mais ça ne va pas mieux - One Good Turn : A Jolly Murder Mystery (2006)  

3- À quand les bonnes nouvelles ? - When Will There Be Goods News ? (2008)  

4- Parti tôt, pris mon chien  - Started Early, Took my Dog (2010)  

5- Trois petits tours et puis reviennent - Big Sky (2019) 

16 novembre 2020

 

Une vie après l'autre

de Kate Atkinson

*****


  
Kate Atkinson continue dans ses explorations romanesques de présupposés fantastiques introduits dans un décor strictement réaliste. Elle garde d'ailleurs sa période favorite : le 20ème siècle. Par exemple, ici, Ursula Todd est une Anglaise qui nait en 1910 dans une famille aisée. Qui naît ou non, d'ailleurs, et nous allons ainsi suivre Ursula qui enchaine les existences, ponctuées de sa mort plus ou moins rapide marquée par la phrase rituelle "Et les ténèbres s'abattirent." . Les dates sont inchangées. Toute ses naissances ont lieu le 11 février 1910 et ses différentes morts s'échelonnent de cette date à plusieurs décennies après.
 
   Son environnement familial est toujours le même, et les personnages qui l'entourent, ainsi qu'elle-même, ont toujours à peu près le même caractère et la même trajectoire, mais ils ont eux aussi une espérance de vie plus ou moins longue selon l'histoire que l'on suit.
 
   Vous l'aurez peut-être remarqué, né en 1910 en Grande Bretagne, si elle ne meurt pas prématurément, Ursula va connaître deux guerres mondiales, auxquelles elle sera intimement mêlée, jusqu’à tenter de tuer Hitler dès la montée du National Socialisme, afin d'empêcher que le reste n'advienne. (Je ne trahis aucun suspens en vous disant cela, c'est la première scène du livre).
 
   J'ai trouvé l'idée tout à fait séduisante et intéressante à explorer. On est déjà, au premier degré, intéressé par les différentes existences. On reconnaît de plus en plus vite le décor, l'entourage. Il suffit de faire un peu attention à la date annoncée en tête de chapitre et on n'est pas trop perdu. Il y a des morts qui sont accidentelles et uniques et puis, il y en a d'autres qui semblent "coincées" à un nœud de l'histoire qui ne sera franchi qu'après plusieurs tentatives. C'est passionnant. Comme Ursula encore enfant, commence justement à partir d'un de ces nœuds, à garder un souvenir, elle se retrouve devant un psychiatre. Heureusement pour elle, le bonhomme est bouddhiste et donc, pas plus que ça troublé par la possibilité de réincarnations, il ne la martyrisera pas pour lui faire rejoindre l'orthodoxie.
   La vie reprenant toujours, évidemment, à ce fameux 11 février 1910, elle se déroule à peu près de la même façon, mais pas absolument, des détails varient et ils feront – ou non- la différence.
 
   J'ai vraiment passé un excellent moment avec ce roman original qui a, en plus de sa fantaisie, bien des qualités. D'abord, si vous avez peur de la mort, précipitez-vous dessus. Je vous assure qu'on s'habitue assez vite à mourir et cela ne semble plus si effroyable. Ensuite, j'aime la vision non psychanalytique des gens qu'a K. Atkinson. On cherche toujours ce qui, dans la famille, la société, ou son histoire personnelle, a pu faire que X ait tel ou tel caractère et défaut, elle non, pas du tout. Les gens sont comme ils sont. Ils naissent et meurent ainsi. Ils peuvent vivre 1000 existences, ils auront toujours cette personnalité (attachante ou rebutante). On les aime ou non en conséquence et on n'a pas à se forcer pour avoir bonne conscience. J'aime cette vision des choses. Ça repose et ça répond à toutes ces questions insolubles qui nous font perdre un temps fou et nous empêchent de progresser. -juste mon avis, on peut ne pas adhérer-. Ursula est hyper pragmatique "Ça ne sert à rien de penser, il faut juste continuer à vivre. Nous n'avons qu'une vie après tout, nous devons essayer de faire de notre mieux. Nous nous trompons toujours, mais nous devons essayer."
 
   Mon intérêt a faibli (je ne sais pas pourquoi) lors de ses séjours adolescents en Allemagne, mais s'est par contre accru lors des bombardements sur Londres. Mais globalement, ce gros roman se dévore, tellement il agite l'imagination et il est un vrai plaisir de lecture.
 
   Ursula est-elle la seule à exister sur ce mode? Peut-être, mais on l'ignore. En tout cas, elle est la seule à accorder de l'importance à ce sentiment de "déjà vu" qu'il n'est pas si rare d'éprouver. Elle finira même par se souvenir de tout, mais "finira"? pas sûr, peut-être l'histoire se poursuit-elle? Y-a-t-il une cause, un but, à tout cela ou est-ce juste une fantaisie du mode d'être?
   …

978-2253087465

15 novembre 2020

 Sous l’aile du bizarre  

de Kate Atkinson

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La narratrice habite avec son étrange mère dans une ile déserte au large de l'Ecosse. Elles entreprennent de se raconter. C'est la fille, la narratrice, qui a lancé ce thème de discussion alors qu'elles sont toutes les deux isolées sur cette île. C'est qu'elle ignore à peu près tout de sa mère, Nora, de sa propre conception, de son père et du reste de la famille. Elle espère, en lui contant sa vie à l'université, l'inciter à se livrer elle aussi. Elle utilise un ton d'humour pince sans rire que j'apprécie particulièrement et se sent d'autant moins tenue à une exacte vérité qu'elle ne pense pas que sa mère sera elle même très exacte dans ses récits par ailleurs très parcellaires et difficiles à obtenir.
 
   Ce qui m'a le plus emballée dans ce roman, c'est le ton, l'humour, les réparties. On a l'esprit toujours en éveil et le sourire aux lèvres. Exemple, entre Chick chauffeur de taxi et Terry, étudiante et passagère :
   "- On dit que tout le monde a un roman en soi, n'est-ce pas? fit alors Chick que l'idée paraissait soudain séduire.
   - Ouais, grogna Terry, et peut-être que c'est là qu'il devrait rester.
   Chick riposta par quelques mots bien sentis sur les étudiants, soulignant en particulier qu'il payait des impôts pour que nous puissions nous prélasser toute la journée, en nous vautrant dans le sexe et la drogue.
   - Ne croyez pas que je ne vous en sois pas reconnaissante, fit suavement Terry."

 
   Et, cerise sur la gâteau, cet humour est parfois bien noir: "Sur quelque remarque innocente de ma part, la mère d'Archie entreprit de me raconter l'histoire de sa vie, banale, je suppose: un cœur brisé, un enfant perdu, la mort, l'abandon, la solitude, la peur. C'était, bien sûr, la version condensée, autrement,, nous en aurions eu pour soixante-dix ans et quelques années."
 
   Les longs passages durant lesquelles c'est notre narratrice qui raconte sa vie, ont un petit côté David Lodge déjanté, car ils nous font entrer dans la vie d'une université anglaise dans une classe de création littéraire. Les profs hyper susceptibles se jalousent âprement et se méprisent mutuellement. Parmi les élèves, personne ne veut travailler, tout le monde se prend pour un génie, prend les autres pour des nuls, et vogue la galère vers la gloire qui ne peut qu'être au bout. Plusieurs sont colocataires, amis, amants, bref, se fréquentent en dehors des cours (où ils vont les moins possible d'ailleurs, car qu'ont-ils besoin de cours?!) et nous les suivons donc hors des murs académiques.
 
   Du côté de la mère, il est vraiment difficile d'obtenir un renseignement à peu près fiable, mais peu à peu, sur leur île cinglée (elle aussi) par les vents, et parmi un tas de mensonges, certaines choses se disent... et ce ne sont pas forcément les plus vraisemblables.
 
   J'ai adoré ce bouquin déjà ancien mais que je n'avais pas encore lu. Si bien que j'ai immédiatement enchainé avec un autre du même auteur.



978-2877063821