15 septembre 2024

Billy Summers 

de Stephen King

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Pas d'horreur, ni de terreur dans ce roman de Stephen King, pas non plus de science fiction, pas de fantôme, et strictement aucun élément irrationnel. "Billy Summers" serait plutôt un thriller, mais un thriller lent.

Billy Summers ex-tireur d'élite de l'armée est devenu tueur à gages, l’un des meilleurs en fait, mais comme il éprouve le besoin de s'auto-justifier, il n'acceptera pas de contrat si vous ne lui avait pas d'abord assuré que la victime est "un méchant". Quelques anecdotes sur la vilenie de la cible sont aussi nécessaires qu'un salaire élevé. Après... Billy ne va pas non plus jusqu'à vérifier que ces anecdotes sont exactes, mais leur évocation suffit à calmer sa conscience. Billy qui a déjà une longue carrière derrière lui songe à prendre sa retraite et on lui propose justement une prime tellement mirobolante pour un nouveau contrat, qu'il estime que cela lui permettrait de le faire. Et il accepte, encaissant dès sa réponse donnée, un acompte somptueux.

On l'installe dans un bureau dans un immeuble face au palais de justice. Il devra abattre une crapule sur les quelques mètres qui sépareront le fourgon de l'entrée du tribunal. Comme on ne sait pas du tout à quelle date aura lieu le procès, il faut que Billy puisse attendre longtemps, devenir familier de tous dans cet immeuble surveillé, sans éveiller le moindre soupçon. Il sera prévenu au dernier moment. On lui a fait une "couverture", il sera un écrivain qui vient tous les jours à ce bureau pour ne pas se laisser distraire du roman qu'il doit absolument terminer rapidement. Cette couverture amuse les truands car Billy est plutôt un type un peu simple, mais il est connu pour sympathiser facilement avec tout le monde et c'est ainsi que le camouflage fonctionne parfaitement. La planque dure des semaines, des mois, il est devenu familier à tous et personne ne se méfie de lui. Pour occuper son temps libre et comme il dispose d’un ordinateur, Billy raconte un peu ses mémoires, puisqu'il est écrivain et à sa grande surprise, il se prend tout de suite au jeu et écrit pendant des heures avec beaucoup de facilité et de plaisir. Bientôt, il ne pourra plus envisager vivre sans écrire, chose que personne n'avait prévue, même pas lui. Et voilà que S. King se met à nous parler de l’écriture en même temps que de meurtres...

« Il a commencé à écrire du point de vue de Billy l’Idiot, mais c’est devenu autre chose (…) c’est peut-être ça l’effet de l’écriture lorsque ça compte vraiment. (…) Billy se met à taper sur les touches, lentement d’abord, puis en accélérant. Autour de lui l’été s’écoule. »

Il y a encore une chose qu'il faut savoir au sujet de Billy, c'est qu’au même titre qu'il a des réserves d'argent, d'armes ou de faux papiers dissimulées en divers endroits "en cas de coup dur imprévu", il a considéré depuis le début qu'il était bon que tout le monde sous-estime considérablement ses capacités intellectuelles. En fait, Billy Summers n'est pas du tout l'homme bas du QI que tout le monde suppose et cela lui donne une bonne mesure d'avance sur tous, amis ou ennemis.

La cible finit par arriver et Billy tire. Après, rien ne se passe plus comme prévu.

Un roman captivant qui m'a énormément plu, avec une excellente psychologie des personnages, une vie et un savoir faire propre à Stephen King qui peut nous faire croire à n'importe quoi avec une parfaite apparence de réalisme. Les personnages, qu’ils soient secondaires ou principaux, ont tous une vraie épaisseur et une vitalité frappante. On les "voit" tous. Une histoire qui prend son temps, nous installe bien confortablement et nous emmène où elle veut. On est vraiment encore une fois immergé dans ce monde qu'il a créé pour nous. C'est ça que Stephen King sait faire et c'est encore pleinement le cas cette fois. Ce titre, ce thriller lent, va faire partie de mes King préférés.

On parle d'une adaptation au cinéma et je n'arrive pas à savoir si elle est faite ou non. Di Caprio serait dans le rôle de Billy Summers. C'est ok pour moi. Il conviendrait parfaitement. Je ne suis pas du tout cinéphile, je ne sais pas si je verrai ce film mais à l'occasion, pourquoi pas? Par à l'occasion, je veux dire s'il passe sur une chaîne et que je ne suis pas obligée d'aller au cinéma. Je l'ai dit: je ne suis pas cinéphile, de toute façon, même quand j'aime les versions vidéo, je préfère toujours la lecture et mes images à moi.


Relevé :

« Dans le monde entier, des livres inachevés -des mémoires, des poèmes, des romans, des méthodes infaillibles pour maigrir ou devenir riche- attendent dans des tiroirs car ce travail est devenu trop lourd pour les personnes qui essaient de le porter, alors elles l’ont reposé. »


« Le temps passe. Il a un don pour ça. »

978-2226460332

 Attention!

Le Challenge des Pavés de l'été 

se terminera dimanche prochain!

Le 22/09 à minuit

Dépêchez-vous d'envoyer vos derniers liens. 😉

11 septembre 2024

L’eau du lac n'est jamais douce

de Giulia Caminito

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Le récit nous est fait à la première personne par Gaïa qui nous raconte son enfance. Née dans la banlieue de Rome, dans une famille très pauvre d'un père ouvrier travaillant au noir dans le bâtiment. Elle a trois frères (merci la très proche Radio Vatican qui, non contente d'empoisonner tout le monde de ses ondes toxiques, veille à la non maîtrise du contrôle des naissances). Ils n'ont pas de logement et le livre commence par la scène épique que sa mère Antonia va faire dans les bureaux de la mairie pour tenter d'en arracher un pour sa famille. Loin de la soutenir dans ce combat difficile, GaÏa estime que sa mère se donne en spectacle et a honte.

« Je la juge et ne lui pardonne pas. »

Bientôt le père tombe d'un échafaudage, reste paralysé, et, n'étant pas déclaré, n'a droit a aucune aide. Antonia se met à faire des ménages avec une efficacité féroce et pointilleuse. Antonia est une femme dure et fière qui n'a qu'une idée en tête: faire vivre sa famille, bien élever ses enfants.

« Celle qui tient seule les murs quand tout s’écroule, celle qui nous sort sur son dos de la maison en flammes. »

Son combat numéro un reste l'obtention si difficile en ces temps de passe-droits et de dessous de table, d'un logement décent. Elle finit par en obtenir un, mais pas à Rome même, dans sa banlieue, près du lac du titre, ce qui vaudra à Gaïa de nombreuses heures dans les transports pour aller étudier. Car Gaïa étudie, et pas trop mal, elle se sort mieux que ses frères de ce qui concerne l'école, si ce n'est des relations sociales.

Nous verrons ainsi grandir la petite fille, devenant une jeune fille dure comme sa mère, tendue vers un but qui est de réussir par les études et se heurtant à l'entrée dans les études supérieures au mur de la Reproduction mis en lumière par P. Bourdieu. On ne pouvait pas mieux l’illustrer.

Si au départ, à part la gène occasionnée par son reniement de sa mère dans les bureaux du logement, le lecteur se sent plein d'empathie pour cette gamine qui a un démarrage si difficile dans la vie, il prend peu à peu quelques distances en découvrant l'égoïsme et l'insensibilité, puis la violence que ces conditions difficiles ont développés en elle. On la plaint et on admire sa ténacité. Comme on dit, il faut qu’elle aille tout arracher avec les dents, mais on l'aime moins. Son frère deviendra un ouvrier militant anarchiste, sans qu'elle comprenne ses idéaux, sa mère mettra en elle tous ses espoirs de progression sociale sans qu'elle lui en soit reconnaissante, Gaïa ne conçoit que son propre point de vue et son propre intérêt et s’il comprend parfaitement comment ses conditions de vie difficiles et son héritage maternel l'ont amenée là, le lecteur prend néanmoins ses distances avec la personnalité dure et égoïste qui voit ainsi le jour. Sa mère, bien qu’incapable de déléguer ne serait-ce qu’un peu de ses pauvres pouvoirs pour s’en faire une alliée, poursuit elle aussi bille en tête. Deux parcours parallèles qui auraient eu besoin de se fondre pour n’en faire qu’un.

C’est un récit âpre et sans douceur. Jamais rien n’est facile pour Gaïa, sans même que les mieux nantis qui l’entourent ne s’en rendent compte. Non, rien n'est doux dans cette histoire qui est finalement l'histoire de la malédiction qu'est la misère.

978-2351788875

07 septembre 2024

 L'oreille interne 

de Robert Silverberg

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Quatrième de couverture:

"David Selig, Juif new-yorkais d'une quarantaine d'années, se considère comme un raté. Il est pourtant télépathe et pourrait profiter de ce don pour faire fortune, conquérir - et garder ! - les plus belles femmes... Mais non, rien à faire, il estime être un monstre tout juste bon à faire le nègre sur des devoirs d'étudiants, incapable de réussir sa vie. La dernière preuve en date : ce talent qu'il déteste tant, mais qui est finalement son seul lien avec le reste de l'humanité, est en train de le quitter ! Apeuré à l'idée de se retrouver seul avec lui-même, Selig nous conte sa misérable existence."

Ce qu'i faut savoir en ce qui concerne ce roman, c'est qu'en dehors du fait que le narrateur est télépathe, il n'y a rien qui le rattache au domaine de la Science Fiction ou de la fantasy. Il n'est pas mauvais non plus de savoir qu'il n'y a ni aventures, ni suspens, ni même action. Nous dirons que c'est un roman psychologique. Nous suivons le personnage principal qui nous raconte comment à la suite d'on ne sait quel caprice de la génétique, il est né avec un don supposé ne pas exister: il lit dans les pensées des humains proches de lui aussi clairement qu'il les voit de ses yeux. Tout de suite, il a le réflexe de dissimuler son don. D’abord, pour ne pas être jugé « différent » et rejeté par ses camarades, puis plus tard, de crainte de devenir cobaye pour scientifiques. 

On pense tout de suite que c'est un sacré avantage, et c'en est un, effectivement, mais passé l'insouciance de l'enfance, notre télépathe opte pour une vision dépressive du monde et de sa "différence" et loin d'utiliser son don au mieux de ses besoins ou désirs, il sombre dans l'auto-apitoiement de l’homme inadapté car différent et refuse d'en tirer partie. Il végète ainsi dans une vie qui lui assure juste les revenus nécessaires à sa survie à New-York (il se fait payer par des étudiants pour leur faire leurs devoirs même les plus ardus en leur garantissant au moins un B). David est très cultivé et Silverberg voit là l'occasion de nous refiler quelques uns de ses propres devoirs de fac (Kafka, Euripide etc.) in extenso. Personnellement, je les ai lus sans déplaisir (je suis du genre que tout intéresse), mais franchement, ça n'avait rien à faire dans un roman de SF. Ça n'avait aucun rapport avec le reste et on ne peut pas dire que ça ne ralentissait pas le rythme déjà bien pépère.

Nous voyons notre David Selig qui après avoir passé la première partie de sa vie à médire du don inespéré qui lui était échu, va passer le moment que nous lisons avec lui à constater avec terreur et regret son affaiblissement, puis le reste de sa vie à regretter sa disparition. Et nous, on pense à tout ce qu’il aurait pu faire… Soupir.

Bref, notre télépathe aurait mieux fait de mieux saisir les vertus du carpe diem.

Donc, ce roman de la première période Silverberg est plutôt un roman psychologique qu'un roman de SF. Il n'est d'ailleurs pas désagréable à lire. Tout cela est plutôt bien vu et bien raconté. Le style est séduisant Franchement, je l'ai lu sans déplaisir, mais il y a quand même tromperie sur la marchandise



978-2070319374

03 septembre 2024

L’île du Point Némo

de Jean-Marie Blas de Roblès

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480 pages, pas 500 ! 😛

« Tout se passe, dit-elle en préambule, comme s’il n’y avait qu’une seule histoire à raconter, un seul récit dont certains pans ressurgissent par bribes, se complètent ou se nient au fur et à mesure qu’ils affleurent à la mémoire. La longue approche en hélice d’un cœur sombre qui ne se laisse deviner que par la récurrence de motifs obstinés et mystérieux. »


COM-PLE-TE-MENT foutraque, ce roman ne saurait manquer de séduire les esprits aventureux et légèrement déjantés (et pas bégueules car certaines scènes sont carrément offshore).

On s'en aperçoit dès les premières lignes. Rien ne colle. Holmes n'est pas Sherlock et le monde tout autour n'est ni celui d'aujourd'hui, ni celui d'hier, ni celui de demain. Alors on reconsidère la lecture qu'on vient de commencer et on reprend.


Nous sommes dans un univers steampunk qui s’accommoderait on ne peut mieux d'un traitement en bande dessinée. Martial Canterel à la fortune illimitée et ne perdant jamais son esprit hautement clairvoyant bien qu''il soit en permanence drogué jusqu'aux yeux, s’attelle à un mystère hautement incompréhensible. Des pieds droits dépourvus de leurs corps sont retrouvés en Angleterre. Ils portent tous une chaussure luxueuse de marque tout aussi totalement inconnue que leurs précédents propriétaires : Martyrio. C’est pour obtenir ses lumières sur ce troublant mystère que Holmes est venu consulter Canterel, mais voilà que le mythique diamant jaune de Lady MacRae a été volé en son coffre réputé inexpugnable et que la dame (anciennement liée -très- à Martial) demande leur aide pour le retrouver. Et c’est ce qui jette nos héros dans une aventure tout à fait hors normes et imprévisible

Pour être imprévisible, elle le sera. Nous ferons le tour du monde à pied, en voiture, en car, train, aéronef, bateau, sous-marin et j’en oublie. Nous travaillerons des heures dans une usine chinoise délocalisée en France pour goûter aux méthodes non orthodoxes du riche Wang, Nous irons découvrir le pouvoir des lectures à haute voix dans les manufactures de cigares cubains. Nous traverserons les steppes en train et seront attaqués par des brigands sanguinaires mais néanmoins philosophes. Nous chercherons le Point Némo (le trouverons-nous?). Nous serons roulés, trahis ou sauvés. Nous naviguerons. Il y aura une mutinerie à bord, il y aura des explosions, des amours tragiques, des femmes qui dorment trop et trop profondément, des hommes qui boivent trop. Des scènes problématiques, voire gênantes. Des gens très riches, des gens très pauvres, de l’héroïsme, de l’abus de faiblesse, de la révolte, de la surexploitation d’humains, des vilénies abjectes, de l’héroïsme d’une pureté exceptionnelle, de l’amour sans limite, de la haine illimitée… Il y aura tout et même, trop. Trop de tout dans une totale démesure.

Ça sent le Jules Vernes, le Ponson du Terrail, le Connan Doyle, le Dumas, le Eugène Sue, le Lovecraft etc. Il y a des clins d’œil dans tous les sens. Toutes les envolées romancées les plus audacieuses ont leur écho ici. Bref, un joyeux foutoir qui cache une structure romanesque complexe mais totalement maîtrisée.

J’adore. Mais ça ne peut pas plaire à tout le monde. C’est normal, et ça n’est pas un problème.


"Des solutions, Professeur, lesquelles? Continuer à faire comme si Dieu n'était pas mort depuis deux cents ans? Comme si les sciences pouvaient se suffire à elles-mêmes pour convoquer une éthique? Comme si les états offraient encore une once d'espérance? Comme si le capitalisme, le marxisme ou les autres idéologies globales n'avaient pas montré leur incapacité à assurer le bonheur des peuples? Comme si l'écologie pouvait être autre chose qu'une simple prise de conscience individuelle? Comme si la guerre et la paix ne s'étaient pas dissoutes en une malveillance continue?"

978-2843049309



01 septembre 2024

 Alors, attention!

Parce que si on continue comme ça,

on va avoir moins de pavés que l'an dernier...  


Je dis ça, je dis rien...  😉

Clic!