Vivre, Le compte à rebours
de
Boualem Sansal
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9782073044778
J'ai
lu ce livre pour reparler un peu sur mon blog de Boualem Sansal car
je trouve important de ne pas laisser tomber dans l'oubli les
écrivains emprisonnés pour délit d'opinion, que cette opinion soit
la mienne ou non. La place des écrivains n’est pas en prison.
Au
plus profond de son sommeil, Paolo, agrégé de mathématiques, sent
son cerveau "hacké" par une entité qui y installe
certaines connaissances, très parcellaires mais dont la principale
n'est pas anodine puisqu'il s'agit de l'annonce de la fin du monde
dans 780 jours et la seconde, qu'il est chargé de regrouper des
personnes de son choix qui seront sauvées au moment ultime. Comment,
pourquoi, qu'est-ce? et qui parle??? De tout cela il n'a pas la
moindre idée et c'est donc un Paolo plus que perplexe qui reprend le
lendemain sa routine quotidienne sans trop savoir quoi faire de ce
rêve ou de cette Révélation. J'avoue que je n'avais aucune chance
de résister à un tel point de départ. Je m'imagine immédiatement
à sa place, que faire ? que penser? Que croire? 780 jours,
c'est court quand même et d'abord, est-il bien utile de retourner
travailler?
Plongé
dans ses pensées, notre héros découvre un jour une affichette
"-780" collée à la fenêtre d'un appartement parisien.
Stupéfait, il se dit que cela ne peut être une coïncidence sans
signification et entre en contact avec l'auteur de l'avis, découvrant
ainsi qu'il n'est pas le seul à avoir reçu cette révélation. Nos
deux "Appelés" sympathisent et se mettent en tête de
rechercher d'éventuels confrères de par le monde…
Ça
aurait pu être génial, et pourtant, dans un premier temps, j'ai
vraiment détesté ce roman; mais vraiment détesté, au point de
l'abandonner... pendant une bonne dizaine de jours. Puis je me suis
dit que c'était Sansal quand même, que je ne pouvais pas ne pas lui
donner entièrement sa chance, et je l'ai repris.
Pourquoi
je l'avais détesté? Parce que notre Paolo, se prend pour un
trublion plein d'esprit et veut à tout prix nous faire profiter de
sa verve et que pour moi, ça tombait à chaque fois à plat. Il
multiplie les remarques annexes qui, non seulement diluent le récit
mais de plus sont parfois douteuses voire ridicules. Comme par
exemple page 64 quand il utilise l'expression "Fouette cocher"
et fait ensuite semblant de craindre les attaques des défenseurs des
animaux ce qui nous vaut une note de 6 lignes! 6 ! Pour cette
blague vaseuse ? Et ce n'est pas le seul exemple.
Au moment de
choisir qui il va sauver ou non, il consulte des "Sages",
ce qui nous vaut une galerie de portraits ni très clairs, ni très
bien vus (à mon sens) et s'oriente vers un choix des Sauvés en
reproduction du monde actuel. Ce qui m'a semble aussi peu clairvoyant
que peu audacieux. Mais bon, notre Paolo libère ses détestations et
comme toujours, la haine l'égare. Il lance des piques un peu dans
tous les sens comme si son esprit pétillait mais hélas, je ne
trouvais pas cela drôle, même pas amusant, des remarques qui ne
tombaient pas justes ou des enfonçages de portes ouvertes, des
simplifications, bref de la pacotille. C'était bavard, verbeux, il
jacassait, Paolo. J’espère qu’il ne représente pas l’auteur.
Je me suis tout de même fait la réflexion que Sansal devait être
depuis trop longtemps entouré d'une cour de flatteurs trop empressés
à s'esclaffer de ses moindres mots. Mais qu'en sais-je? Et
qu'importe d'ailleurs, ce temps est loin hélas et je remettrais bien
volontiers Sansal parmi ses admirateurs mais là, le livre au si bon
sujet m'ennuyait au lieu de me passionner. Et c'est ainsi que j'avais
abandonné ma lecture, plutôt agacée qu'autre chose par ce gâchis.
Mais
j'ai déjà vendu la mèche, je suis revenue. Pas tant par attirance
que par une sorte de "sens du devoir". Pennac a beau dire,
il y a des lectures qu'on n'a pas vraiment le droit d'abandonner.
Et
le temps avait passé. De -780, nous étions passés à -365, j'avais
fait mon deuil du chef-d’œuvre de SF espéré et j'étais prête à
me contenter de bien moins, peut-être aussi que je m'étais
habituée, peut-être que de son coté, l'auteur avait usé le plus
gros de son stock de traits d'esprit et commençait à se calmer, je
ne sais, mais au final, la fin du livre s'est mieux passée. Bon, il
a quand même éludé tout le socio-politique, il est resté dans le
flou quant aux critères de choix et a fait abstraction de deux ou
trois continents, bref, raté au niveau SF. Mais, il y a quand même
eu des moments plus intéressants où j'ai retrouvé le Boualem
Sansal que j'aime..
"...
l'humanité est entrée dans un temps inversé dans lequel
l'intelligence, les sciences et les arts, se développent dans les
mémoires vives des ordinateurs pendant que l'ignorance et la bêtise
s'agitent pompeusement dans les cerveaux stériles des hommes. Entre
les deux, il y a encore des passeurs, des traducteurs, des défenseurs
des droits humains, et plein d'invisibles agents de service chargés
des utilités, mais arrive le jour, pas si loin, où les machines
devenues quantiques n'auront plus besoin des hommes, pas même pour
leur brosser les câbles, déboucher les grilles de ventilation, les
épouiller, les débarrasser de leurs virus, les rafraîchir. Et,
comme allant de soi, une fois abrités dans leurs blockhaus
aseptisés, ils ne se laisseront plus approcher…"
L’IA m’intéresse et je me demande moi aussi si ça va se passer
comme ça.
Bref,
sûrement pas le meilleur Sansal, mais à lire quand même en
espérant qu'il recouvre très bientôt la liberté, la sécurité et
son stylo. Le monde a besoin d'écrivains.