Le pouvoir des fleurs
J M Laclavetine
***+
J.M Laclavetine sait nous trousser de ces aventures étonnantes et pleines de rebondissements qui ne reculent pas devant les excès romanesques. En voici une qui nous fera voyager, de Cuba au Quartier Latin.
Nous sommes tout d’abord à Paris en Mai 1968. Dans un squat communautaire s’épanouissent quatre amis de 18-20 ans tous épris de Lola, 10 ans de plus qu’eux, fille de bourgeois, ce qu’ils ignorent d’ailleurs. Ce qu’ils vont apprendre tout de suite par contre, c’est qu’elle est enceinte et, comme l’époque invente ses nouvelles formes d’amour, ils décideront d’être les pères, conjointement si l’on peut dire. Hélas, le bébé est kidnappé à la naissance et le reste du livre nous mènera sur 20 ans à travers les diverses tentatives pour le récupérer. Car Lola l’ignore encore, mais elle a un ennemi… et il est féroce et acharné.
Ce qui fait le charme de ce roman un brin déjanté, ce sont d’abord les personnages: Les quatre pères qui ont chacun une vraie originalité, un monde à eux et une réelle épaisseur psychologique, ce qui les rend tous intéressants. La personnalité de la mère et du reste de son entourage n’est pas faible non plus, comme on aura bien l’occasion de le constater. Tous les personnages sont hauts en couleurs, chacun va de toutes ses forces dans sa propre direction ce qui permet de belles rencontres comme de jolis carambolages. Et, l’époque y étant favorable, nul ne manque d’imagination ni d’esprit d’invention. Nous en verrons les fruits. Le crayon de Laclavetine est toujours là pour tracer en trois pages ou en trois lignes, le portrait d’un personnage que l’on imaginera immédiatement avec précision.
La vedette suivante est l’époque qui, de 1968 à 1988 a connu une vingtaine d’années où tout était possible ou semblait l'être. L’auteur, qui sait de quoi il parle, nous en transmet l’ambiance et l’humeur avec art, on s’y voit et on surfe sur cette vingtaine tonique (surtout au début). Le récit est assaisonné de slogans ou de phrases-clés de chansons que les contemporains reconnaissent au passage avec plaisir (il en est une de Ferré que l’auteur semble apprécier particulièrement puisqu’il la cite dans plusieurs romans). Les soixante-huitards échevelés, 20 ans après, se sont trouvé une place, quelle qu’elle soit. Nos héros comme les autres.
Le dernier atout, évidemment, c’est le style de J.M Laclavetine qui sait tout raconter avec aisance, élégance et humour. Ainsi, sous sa plume, voici à quoi ressemble un chantage:
"Ce sera pour moi l’occasion de vous restituer certains documents qui m’encombrent. Des photographies par exemple, que j’ai prises machinalement alors que vous étiez en train de négocier des doses de produits illicites avec un pourvoyeur bien connu sur la place."
Un message de ce genre ne rend-il pas le premier contact moins rugueux? Après, pour la suite, faut voir bien sûr, il n’y a pas que des non-violents dans cette histoire.
J’aurais tendance à classer ce roman dans la catégorie "polars" Ce n’en est pas vraiment un mais il y a enlèvement, recherches, diverses escroqueries, des morts violentes, des fusillades, alors on dira polar et un bon en plus.