Daphné disparue
de José Carlos Somoza
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L’écrivain et/est son personnage
Ce que je remarque, au moment d’entamer ce commentaire de ma lecture, c’est que ce que j’ai l’intention de dire n’a aucun rapport avec ce qui est déclaré en 4ème de couverture. Si ce commentateur a bien lu le même livre que moi, c’est qu’il l’a lu d’une toute autre façon. Et pire encore, cette 4ème m’aurait plutôt incitée à ne pas m’intéresser davantage à ce roman. Ce qui m’a amenée à me souvenir de ce que J.C. Somoza dit des "rabats", plus rares chez nous, et qui doivent être l’équivalent espagnol de la 4ème de couv. Mais le rabat, c’est aussi l’étiquette que l’on colle sur un livre ou sur un auteur et dont le pouvoir est immense:
"Nous savons que «La Bible» prétend être la parole de dieu, tandis que «Les Mille et une nuits» sont un recueil de contes fantastiques. Le rabat, c’est ça: ce que nous savons, ou croyons savoir, sur ces livres. Maintenant, imaginons que «La Bible» et «Les Mille et une nuits» aient échangé leurs rabats il y a des millénaires: à ce stade, les aventures de Yahvé constitueraient un délice pour les petits enfants, pendant que de nombreux dévots seraient morts pour Aladin ou auraient été torturés pour avoir nié Schéhérazade… et ne croyez pas que j’exagère: le rabat est comme le cours d’une rivière, et notre lecture coule toujours soumise à ses limites." (p. 78)
Il faut donc que j’oublie ce que je viens de lire sur cette couverture, et que vous lirez aussi si vous le voulez, pour retrouver ce que moi, j’ai ressenti à cette lecture.
On recommence.
Tout d’abord, une image de couverture que je trouve très belle. Eh oui, ça compte, c’est elle qui capture le regard et amène les "vue basse" comme moi à venir lire le titre, l’auteur, puis la quatrième et quelques lignes chez le libraire ou la critique dans le magazine (dans mon cas, ce qui valut mieux)… et sortir le porte monnaie.
Ensuite, un univers fabuleux et captivant, pour un auteur dont, ça y est, c’est décidé, je vais tout lire, pour l’immense plaisir qu’il me procure.
Donc voilà de quoi il s’agit : Un homme se réveille dans une clinique. Il vient d’avoir un accident de voiture dont il est sorti miraculeusement indemne, si ce n’est qu’il est totalement amnésique. La seule chose qu’il finit par savoir sur lui, c’est ce qu’on lui dit: qu’il est écrivain et vit seul avec une vieille bonne ; et un petit carnet noir qui était en sa possession et sur lequel il lit : "Je suis tombé amoureux d’une femme inconnue". C’est peu.
Désireux de se retrouver, il décide de partir de cette phrase et de rechercher cette femme. Sa vieille bonne lui apprend qu’il avait dû passer la soirée dans un restaurant appelé "La forêt invisible" et il part donc de là et du fait bientôt découvert qu’il est un romancier très apprécié. "J’avais perdu la mémoire, j’ignorais donc si j’étais génial. Je l’étais peut-être, ou je l’avais été, mais pour le savoir je devrais le demander aux autres."
Arrivé là, on s’aperçoit que, malgré les apparences, loin de s’embarquer dans un roman policier, on part dans une étude littéraire, étude en rouge, monde fantastique ou le possible et l’impossible se fondent et où , sous couvert de rechercher une identité puis un assassin, on enquêtera en fait plutôt et de manière approfondie sur le fait littéraire, sur ce qu’est «être écrivain», sur le monde des écrivains, sur leurs rapports avec leurs personnages, leurs confrères, leurs éditeurs, la création, le succès ou l’insuccès, la fiction, la réalité, la vie etc.
"La police résoudrait-elle mes problèmes littéraires ?"(p. 66)
On y vivra certes l’enquête du héros qui traque ce qui se cache derrière son amnésie, mais plus encore ce qui se cache dans la littérature et n’hésite pas à suivre la piste à l’intérieur de divers processus de création (y compris et même, en particulier, la création à contrainte). D’ailleurs, cette expérience d’écriture à contrainte vécue par le personnage nous amène (sans que l’auteur ait même à nous le suggérer) à nous interroger sur la construction complexe du roman que nous-mêmes sommes en train de lire.
Vous l’avez déjà compris, c’est un vrai régal pour le/la passionné(e) de livres, une délectation de toutes les pages, portée par une écriture "pleine de fantaisie". Une réussite totale à mon sens.
978-2742777334
Vendu! Je suis une fan de Somoza qui réussit à explorer sans lasser les zones obscures de l'âme humaine. La cerise sur le gâteau, l'univers des livres dans l'intrigue. Dès qu'il paraît chez Babelio poche je l'achèterai.
RépondreSupprimerRéjouis-toi, il est déjà en poche: 978-2330078836
Supprimer;-)
Je suis très intriguée !
RépondreSupprimerEh oui! Comment ne pas l'être ;-))
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