01 août 2021

Le grand jeu  

de Céline Minard

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Une femme puissante

Céline Minard aime changer de genre. Ses romans successifs s'apparentent tous à des genres différents. C'est peut-être cela, son « grand jeu » à elle : vérifier son talent sur ses diverses facettes.

Le récit est fait à la première personne par une jeune femme qui nous raconte ce qu'elle vit, et ce qu'elle vit est une aventure absolument hors du commun. Elle a conçu une sorte de capsule extrêmement bien aménagée, dotée des technologies de pointe, et qu'elle a fait fixer à la paroi abrupte de la portion de montagne qu'elle a achetée. Cette capsule lui fera un habitacle réduit mais confortable et sûr. Elle compte y passer plusieurs mois, absolument seule.  

Si elle est venue ici, c'est parce que selon elle, lorsqu'on vit en société, on est sûr de croiser chaque jour "un ingrat, un envieux, un imbécile" et que les relations humaines sont forcément basées sur la menace ou la promesse. Elle veut, même si elle y retourne plus tard, réfléchir sur cette problématique et découvrir en elle seule, ce qui lui permettra de guider sa vie sur une ligne juste et justifiée.

"Qu'est-ce que je fous là ? De quel genre relève (cette) activité (…) ? Un loisir ? Une occupation contemplative, sportive, mentale ? Une expérience ? Une pratique de détachement ?"

 Evidemment, tout cela à la fois. Déstabilisée par une expérience dont on ne saura rien, notre narratrice est maintenant à la recherche d'un sens, ou du moins, d'un but. Elle cherche à reconnaître le pur et le vrai de la vie, sans se laisser influencer par des relations humaines en particulier "Je m'exerce et cherche à savoir si l'on peut vivre hors jeu, en ayant supposé qu'on le peut et que c'est l'une des conditions requises pour obtenir la paix de l'âme."

Elle s'installe donc au moins, s'installe un potager et explore son territoire. Malheureusement, aussi invraisemblable que cela soit, elle y découvre bientôt un intrus, une sorte d'ermite complètement sauvage, avec qui aucun dialogue ne semble possible, mais qui est bien là, et pour le coup, complètement insensible aux lois normales de relations humaines quelles qu'elles soient.

C'est un livre magnifique mais aride. Les faits sont strictement décrits, pas de pathos, les réflexions sont passionnantes mais complexes. C. Minard n'use pas de ces séductions plus ou moins subtiles grâce auxquelles les écrivains se lient leurs lecteurs. C'est straight. Pas de facilités, pas plus de bienveillance que d'hostilité, rien qu'une quête exigeante droit devant. Merci pour cela. Toutes ces questions qu'elle se posait, le lecteur se les pose en même temps, partage ou non la progression de sa pensée, progresse lui aussi sur sa voie tendue comme le fil d'un équilibriste au dessus du vide. Et j'ai marché avec elle d'un bout à l'autre.

978-2743645908

7 commentaires:

  1. Un roman qui m'avait laissé dubitatif : "quand j’ai refermé le livre, j’étais plus que dubitatif sur ce que je devais en penser : était-ce un roman intelligent ou bien un roman rusé fait d’un blabla joliment agencé ? A cette heure, je m’interroge encore."

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    1. Ce doute ne m'a pas effleurée, surtout ayant lu d'autres œuvres de Céline Minard. Ça n'a rien de creux.

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  2. Exact, une auteure qui se risque à chaque fois. Cela se passe bien ou pas, pour le lecteur, mais au moins ça ne ronronne pas!

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    1. Oui, c'est une de ses grosses qualités. J'ai aussi lu "Olimpia" encore un autre univers et tout à fait spécial. On n'en a pas beaucoup des écrivains qui peuvent faire ça. Oups! j'y songe. Il n'y a qu'elle. :-))

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    2. Dis, Keisha, tu reviens bientôt nous parler de tes lectures? Ca manque...

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  3. Je suis sortie de cette lecture avec la même sensation que Le Bouquineur ! J'ai adoré Faillir être flingué, et j'avoue que lire celui-ci ensuite m'a un peu fait l'effet d'une douche froide. Je n'y ai pas compris grand-chose, ce qui fait que je suis restée en-dehors de ce texte ..

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    1. Eh bien moi, tout au contraire. J'ai aussi aimé "Faillir être flingué" ou "Le dernier monde", chacun tout à fait différent. J'aime sa façon de passer d'un style à l'autre. Mais ce "Grand jeu" a vraiment résonné en moi. Je suis entrée à fond dedans. Je m'y voyais. :-)

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