18 février 2021

 

L'anomalie

Hervé Le Tellier

***+

J'ai eu beaucoup, beaucoup, de mal à entrer dans ce roman qui m'a ensuite parfois intéressée mais jamais passionnée. Cela commence tout de même par une centaine de pages de courtes scènes nous présentant les divers personnages (stéréotypés : le tueur, l'écrivain, l'homme d'affaire, la femme au foyer etc.) J'avoue que j'ai connu plus habile et plus envoûtant comme introduction de personnages... Puis vient la scène clé : l'apparition de l'avion double. Normalement, je ne vous l'aurais pas dit ici puisque je ne dévoile jamais les secrets des romans, ni ne brise les progressions. Comme l'auteur met un tiers du livre à nous le faire découvrir, j’aurais respecté ce suspens, mais il s'avère qu'il va lui-même de télé en radio pour nous l'annoncer tout de go, donc, j'avais mal compris, cette annonce après cent pages n'est pas du suspens, c'est un hasard, et on aurait pu le dire tout de suite.

Une fois les doubles (qui n'en sont pas d'ailleurs, ni des jumeaux, car ce sont bel et bien la même personne, mais à des stades un peu différents) donc une fois les doubles apparus, nouvelle suite de séquences pour voir chacun, puis la réaction de l'autre, puis leur mise en présence. Comme on l'aura compris, les différents personnages stéréotypés n'étaient là depuis le début que pour illustrer plusieurs réactions possibles à cet événement éminemment déstabilisant. Jamais hélas, ils n'obtiendront une réelle épaisseur psychologique, un peu d'humanité.

Une théorie est même avancée pour expliquer le phénomène. Elle est granguignolesque mais là, ce n'est pas un reproche, j'aime les pseudo-explications scientifiques des romans de science-fiction. De tout temps ils en ont fourni et moi, je trouve que ça a un côté attendrissant. Mais autant celle de la logique non-aristotélicienne du Monde des Ā en avait fait cogiter plus d'un pendant un moment, autant je pense que ce ne sera pas le cas de celle-ci.

La fin n'est pas mauvaise. Arrivés à ce point-là, il fallait bien trouver quelque chose.

Ce n'est pas un mauvais roman de SF. Mais pour ce qui est de faire un Goncourt, je suis plus dubitative. Pour le côté littéraire, surtout. M. Le Tellier dit que ce roman a commencé par avoir plus de 6OO pages et qu'il a dû l'élaguer pour l'amener au format actuel (315 pages) et en entendant cela, je me suis dit que c'était peut-être à cela que l'on devait cette impression de « haché », ce manque de fluidité que j'ai ressenti. J'ai eu l'impression que cela ne devenait jamais vraiment une histoire, que cela restait une succession de séquences. Certaines de ces séquences sont par ailleurs parachutées et expédiées en quelques pages, sans souffle précurseur, sans montée émotionnelle et sans que le lecteur ait pu s'y introduire vraiment. Quel gâchis ! Par exemple la scène des deux starlettes du petit écran présentées au public dans le théâtre. (bien que j'avoue que cette scène a beaucoup gagné à être lue deux jours après l'invasion du Capitole. Là au moins, il y avait du saisissant et cela m'a aidée à visualiser de façon plus chaude).

Encore une fois pas convaincue par le Goncourt, mais il se vend comme des petits pains. Grand bien lui fasse.

978-2072895098

Ils l'ont lu aussi: Nuages et vent  Antigone   Je me livre   Keisha

6 commentaires:

  1. Il ne me tente pas du tout et ton billet ne va pas me faire changer d'avis ..

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    1. Moi, on me l'a prêté, je ne serais sans doute pas allée l'acheter.

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  2. Je suis bien d'accord sur le fait que les personnages sont très stéréotypés, sans consistance, et on les endure longuement ! Pourtant l'intrigue m'a plu et plusieurs passages sont réellement comiques. Quant à l'explication du phénomène, elle est assez jouissive!

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    1. Tout à fait d'accord (bien que je ne me souvienne pas trop de passages vraiment drôles ?) Je lui ai mis 3 étoiles 1/2 quand même. C'est bien. Mais pas TRES bien ;-)

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  3. Succès incompréhensible... J'évitais déjà de lire ses billets du Monde. J'éviterai cela aussi !

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