31 juillet 2022

Nulle part dans la maison de mon père 

d'Assia Djebar

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Souvenirs d’enfance et d’adolescence

"Je n’ai plus de «maison de mon père». Je suis sans lieu, là-bas, non point seulement parce que le père est mort, affaibli, dans un pays dit libéré où toutes les filles sont impunément déshéritées par les fils de leurs pères."

Cet ouvrage est un ouvrage de souvenir qui couvrirait la période qui va de la petite enfance aux 17 ans de l’auteur. Nous y découvrons une petite fille maghrébine mais fille d’une famille aisée et dont le père a de plus la fonction très honorifique d’instituteur. Sans doute n’est-il pas l’égal des enseignants français (et l’on sent là une gène pas approfondie) mais il occupe néanmoins une fonction prestigieuse aux yeux des Algériens, car il est de plus celui qui peut permettre à leurs enfants de s’élever socialement. Le père est donc entouré ainsi et par son aisance financière, d’une aura qui le met au-dessus des autres, comme il est déjà au-dessus des femmes en tant qu’homme musulman et au-dessus des membres de sa famille en tant que pater familias. Son image est magnifiée, il est LA référence. Assia Djebar, en tant que fille et qu’aînée, sera celle qui devra se libérer de cette chape, d’autant qu’aussi évolué soit-il, ce père reste un musulman pratiquant pour qui la liberté des femmes est loin d’être chose acceptable. Ainsi, l’une des scènes marquantes de la jeune enfance d’Assia est-elle celle où son père, la voyant découvrir ses mollets en apprenant à faire du vélo, lui interdit de façon traumatisante car absolue et porteuse d’un lourd non-dit, de se livrer à cette activité. Sans le comprendre vraiment, la petite découvre alors le poids des tabous. Elle avait vu sa mère sortir soigneusement voilée mais le luxe des dits voiles et la supériorité sociale de sa mère sur les autres femmes arabes, ainsi que l’amour réel qui unissait ses parents, lui avaient caché la réalité oppressive de la situation. Cette leçon de vélo est une première alerte.

Pourtant, la jeune fille poursuivra ses études bien plus loin qu’il n’est habituel pour une jeune femme et se libérera de plus en plus de l’emprise paternelle, sans rébellion ouverte, mais par l’esquive. Elle parviendra ainsi à sauvegarder une grande partie de sa liberté.

Après cette première scène de la bicyclette, nous progressons dans ses souvenirs, découvrant une réalité maghrébine bien éloignée de celle de "La grande maison" de Mohamed Dib par exemple. On est dans un milieu aisé, cultivé et proche des Français. On y fait des études, on y apprend le piano etc. on n’a pas de problèmes financiers graves. Assia grandit et déroule le fil de ses souvenirs jusqu’à une scène marquante et fondatrice vers laquelle on s’aperçoit que le livre tend depuis le début et qui, vécue par l’auteur à l’égal de la scène du vautour pour Léonard de Vinci, donne lieu à de nombreuses pages, récits et commentaires. Je pense qu’il vaut mieux que je ne vous en dise pas plus, il est préférable que vous découvriez (éventuellement) par la main de l’auteur cet évènement qui aurait –pense-t-elle- marqué et influencé la totalité de son existence.

Mon avis sur ce livre ? Je dois dire qu’il est très mitigé. J’ai été très moyennement intéressée par les souvenirs évoqués, somme toute assez banals, et la peinture (peu visible par ailleurs car le sujet est totalement Assia Djebar) de cette société algérienne bourgeoise. D’autre part, j’ai été plutôt rebutée par le lyrisme -revendiqué- du style de l’auteur. Là, c’est un goût personnel, mais vraiment, quand je lis : « Ma passion pour Lucrèce n’est pas retombée après tant de décennies, plus pure que tant d’autres enthousiasmes, comme si l’imagination stimulée par la vision du grand poète –tel un ciel rempli de constellations chatoyantes- m’entrainait vers un état d’enchantement… »

ou

« Car tu as beau tourner, te retourner, te laisser porter à l’oblique, par un rythme presque incontrôlé, tu ne veux plus de jeu. Tu veux pouvoir dormir, et tu dors, et tu oublies, et tu regardes devant, derrière toi. La main qui écrit attend de ta tête –machine à rêves- l’impulsion, la vitesse d’un départ. Mais plus de toiles d’araignée au plafond ! »

J’ai plus tendance à fuir qu’à être séduite. C'est lourd. On a perdu la beauté poétique de l'écriture habituelle d'Assia Djebar. Pour moi, l’œuvre romanesque de l’auteur est plus intéressante. 

978-2742784851 

2 commentaires:

  1. Une autrice que je ne connais pas, et un style que je fuis aussi. Mais tu sembles apprécier ses romans. Il y aurait un titre à lire en particulier ?

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    1. Assia Djébar (écrivaine algérienne qui fut académicienne) est vraiment un classique, alors oui, je pense qu'il faut en avoir lu au moins un. Je conseillerais peut-être plutôt "Vaste est la prison" ou "L'Amour, la fantasia", mais bien sûr, c'est une question de goût.

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