12 janvier 2021

   Le complot contre l’Amérique 

de Philip Roth

****+


L’intérêt de la politique-fiction, c’est qu’elle nous permet, par l’imagination de réfléchir à ce qui pourrait ou aurait pu se passer dans le monde réel et, surtout peut-être, comment cela se passe. De ce fait, on n’est pas loin de savoir comment elles se passeront, ou tenteront de se passer la prochaine fois et, si cela ne nous convient pas, de réagir suffisamment tôt pour les en empêcher.
  
   Il est bon et utile de jouer à ce jeu là parce que, rappelons-le, si l’Histoire a un grand H, c’est qu’elle est la nôtre à tous, par opposition à nos histoires individuelles, passionnantes, certes, mais h minuscule.
  
   Ainsi, est-ce bien ce qui se passe dans ce "Complot contre l’Amérique" qui imagine que Lindbergh, antisémite sympathisant nazi devienne Président des USA au moment où la question se pose là-bas d’intervenir ou non dans la guerre qui oppose Hitler à d’autres pays d’Europe.
  
    Nous voyons un candidat (ici Lindbergh) qui, dès avant sa candidature s’est fait repérer de ses concitoyens pour ses convictions extrémistes (ici antisémites et pronazies). C’est là le premier mouvement.
  
   Candidat qui ensuite mène campagne sans plus évoquer cette position, mais en choisissant un autre terrain (voter pour moi, c’est la certitude qu’on ne fera pas la guerre en Europe). Candidat enfin qui s’empresse de s’allier un représentant suffisamment notable des futurs cibles (ici le rabbin Bengelsdorf ) pour les rassurer et leur assurer qu’ils n’ont absolument rien à craindre, leur conseillant même de voter pour ce candidat là, ce que certains feront, bien sûr, et libérant la mauvaise conscience des quelques autres qui n’auraient pas voulu les prendre pour cible. (Ceux qui voulaient s’empressant eux de rester sur les toutes premières déclarations).
  
   Eh bien, ce déroulement est particulièrement bien observé. Il suffit de regarder un peu l’Histoire (avec un grand H, cette fois) pour constater que c’est bien ainsi que les choses se passent généralement et sont encore en train de se passer de nos jours.
  
   Je détaille ici le début du livre, mais cette description fine des mécanismes politiques, rendus sans peser du tout sur le récit romancé, se poursuit avec justesse jusqu’à la fin où là, il me semble tout de même que l’explication finale (dont la responsabilité est d’ailleurs laissée au rabbin Bengelsdorf) est un peu excessive. Je crois d’ailleurs que l’on aurait pu s’en passer totalement, le livre se serait terminé sur un flou plus intéressant.
  
   Je reprochais souvent à Philip Roth, dans ses autres romans d’éprouver bien trop le besoin d’expliquer. Cela n’est pas le cas ici (au moins jusque vers la fin) et l’on voit que cela peut en effet donner des résultats beaucoup plus savoureux.



978-2070337903

2 commentaires:

  1. Certainement mon écrivain préféré entre tous. J'ai quasiment terminé de lire toute son oeuvre romanesque et à chaque fois c'est un plaisir inégalable...

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    1. Sans doute pas mon écrivain préféré entre tous (mais en ai-je?) Mais je l'aime beaucoup et j'ai beaucoup d'estime tant pour l'homme que pour l'écrivain.

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