Le bonheur en Allemagne
de Michel Tournier
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Fils de germanistes germanophiles, petit-fils de germanistes germanophiles et germaniste germanophile lui-même, Michel Tournier n'est pas vraiment né à la bonne époque puisqu’il a surtout connu les guerres franco-allemandes, destructrices, meurtrières et même massacrantes, ce qui n'est pas le meilleur moment pour les échanges culturels. Néanmoins, c'est à l'université de Tübingen qu'il a suivi ses cours de philosophie, juste après guerre, dans une Allemagne qui tente de se relever des ruines auxquelles l'a réduite le nazisme. Il ne parviendra pourtant jamais à être reçu à l’agrégation, ce qui l’amené à se détourner de la philosophie… pour la littérature. (c’était notre séquence « naissance d’un écrivain »)
"« J'ai découvert la philosophie à seize ans, et j'ai abandonné toute ambition littéraire pour m'y consacrer. Mais à vingt-cinq ans, j'ai renoncé à la carrière universitaire, car, au lieu d'être reçu dans les premiers à l'agrégation de philosophie, comme j'y comptais bien, j'ai été rejeté dans les derniers !», avoua-t-il avec humour.
Publié en 2004, cet ouvrage de moins de 100 pages en caractères plutôt gros comprend six textes. On devine qu'ils sont courts. Ont-ils été rédigés pour l'occasion ou extraits de carnets plus anciens, j’opterais pour la seconde hypothèse, mais sans le savoir vraiment. Ils s'agit d'extraits autobiographiques qui prennent leur intérêt de la grande connaissance et de la relation spéciale que l'auteur avait avec l'Allemagne.
Le premier texte présente son enfance puis sa jeunesse en lien avec l'Allemagne. Ses souvenirs sont intéressants par les nombreux renseignements qu'ils véhiculent. On le voit également s'attribuer un goût pour les femmes athlétiques et énoncer quelques contre-vérités sur les jeunes athlètes de l'Est.
Le deuxième texte est une intéressante page d'Histoire, celle de Bismarck et des relations entre nos deux pays au long de ce détonnant vingtième siècle.
Le troisième texte évoque la Suisse qu'il aime également, sa position politique et les séjours qu'il y a faits.
Le quatrième texte raconte ses relations très amicales avec François Mitterrand et les visites que celui-ci lui rendait à domicile. Il évoque ce que le Président pensait de la RDA.
Le cinquième texte raconte le discours qu'il a fait à Weimar pour le 240ème anniversaire de Goethe.
Le sixième texte évoque l'histoire de la Prusse qui arrive à ses 246 ans d'existence et nous offre cette déclaration qui à elle seule justifierait la lecture de l'ouvrage:
"Car dans un véritable socialisme, le travail n'est pas une marchandise _ comme le veut Marx sous l'influence du mercantilisme anglais _ mais un devoir moral. La place assignée à chacun dans le corps social répond à une vocation assumée librement et de façon désintéressée. Le seul socialiste digne de ce nom serait l'Allemand Auguste Bebel (1840-1913), parce qu'il concevait la communauté des travailleurs comme un tout organique, où les femmes libérées des sujétions sexuelles, joueraient un rôle éminent."
Un petit ouvrage intéressant pour ceux qui s'intéressent à l'Allemagne ou à Michel Tournier et que vous ne mettrez pas trop longtemps à lire. Néanmoins, je dois dire que je demeure perturbée et rebutée par ce que l'on sait maintenant des pulsions de celui qui "s'avançait masqué" et que j'ai beau tenter d'en faire abstraction, je n'y parviens pas. Je regrette.
978-207030799
Difficile de faire abstraction, en effet, de ce qu'on sait de l'auteur. Pour moi, le talent n'est pas une occasion d'amnistie. Je refuse de lire Gabriel Matzneff et, pour d'autres raisons, j'évite aussi Céline.
RépondreSupprimerVaste sujet. Que B. de Laforcade explore très finement dans son roman "Rouge nu".
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