Affichage des articles triés par pertinence pour la requête la guerre des mondes. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête la guerre des mondes. Trier par date Afficher tous les articles

05 janvier 2022

La guerre des mondes

de H. G. Wells

*****

Passionnant ! 

Et comme ce roman a bien vieilli ! Sauf si vous êtes allergique à l'écriture classique vous allez passer un excellent moment avec cette "Guerre des Mondes" que tout le monde croit connaître, mais que peu ont vraiment lu. Eh bien, vous avez tort. Même si vous pensez connaître l'histoire (c'était mon cas) , cela vaut vraiment la peine d'être lu, et, comme le souligne J. Altairac dans son ouvrage "Il semble bien qu'avant Wells, il n’existe qu'un seul texte décrivant l'invasion de la terre par des extraterrestres . (...) Et revoilà Wells dans le rôle de créateur de thèmes de science-fiction. L'invasion extraterrestre va devenir, comme le voyage dans le temps, un des motifs les plus exploités du genre."

Et à propos, pourquoi "Martiens" et non "Marsiens", puisqu'ils viennent de Mars ? Eh bien, je vous le dirai vers la fin de ce commentaire, vous aurez au moins appris quelque chose.

Revenons à notre histoire. Nous sommes à Londres et sa proche banlieue, à la toute fin du 19ème siècle. Les Martiens, donc, débarquent près de Londres, dans des fusées (pas de soucoupe) qui atterrissent au rythme de une par jour. Les Anglais, déjà amplement persuadés de leur supériorité sur le reste du monde, ne doutent pas non plus beaucoup de l'élargir à cette nouvelle engeance. Pour l'instant, on observe, sans que cela déclenche un grand émoi dans la capitale toute proche et en répétant abondamment que la gravité bien plus forte sur Terre que sur Mars, les condamnera à une pénible et lente reptation...

 Et ce n'est pas faux, sauf que les Martiens n'ont jamais eu l'intention de se déplacer sur Terre, ils ont des machines, pour s'occuper de cela. Machines qui correspondent bien à ce qui est dessiné sur la couverture de l'édition Folio montrée ici. Après un temps de récupération, les machines se mettent en marche pour vaquer à leurs affaires. Les Terriens s'interposent, les Martiens les écrasent. On envoie l'armée, les canons, de plus en plus gros, d’autant que c'est vers Londres qu'ils vont. Il n'y a même pas vraiment de bataille, les envahisseurs s'en débarrassent comme nous nous débarrasserions  d'insectes envahissants... et poursuivent sans y prêter plus d'attention. Les populations fuient dans la plus grande pagaille. Le pays tout entier cesse bien vite de fonctionner. Pour tout arranger, on ne tarde pas à s'apercevoir que les Martiens se nourrissent du sang des humains, et les fusées continuent d'arriver : une par jour...

Le récit nous en est fait par un narrateur (ressemblant énormément à Wells lui-même) qui se trouvait non loin du lieu de la chute de la première fusée et qui, d'une curiosité insatiable, tient beaucoup à observer tout ce qui se passe. A un moment, son récit est complété par celui de son frère qui se trouvait à Londres même.

Par ailleurs, "Il est à mon avis absolument admissible que les Martiens puissent descendre d'êtres assez semblables à nous"... mais qui seraient beaucoup plus avancés dans l'évolution et auraient atteint un niveau qui nous réduit en comparaison, au rang d'animaux. A ce propos, Wells esquisse une prise de conscience de la réalité animale et de la nécessité qu'il y aurait à respecter en eux l'être vivant, au stade d'évolution où il est, même s'il est bien inférieur au nôtre. C'est assez avancé pour l'époque. "A coup sur, si nous ne retenons rien d'autre de cette guerre, elle nous aura cependant appris la pitié, la pitié pour ces âmes dépourvues de raison qui subissent notre domination."

En cours de route, nous verrons exposée par un autre personnage, une philosophie élitiste, eugéniste et dictatoriale dont on voit à son développement que, sur ces bases qui peuvent paraître défendables, ne peut s'installer qu'une épouvantable dictature stérile. Par ailleurs, un développement nous fera la surprise de rejoindre une idée développée dans "La machine à explorer le temps", nous aidant à mieux la comprendre.

Et alors, les Martiens ont-il gagné ? Eh bien, regardez autour de vous, vous aurez la réponse. Mais alors comment ??? Pour le savoir, il vous faudra le lire. N'hésitez pas.

En fin de roman, le narrateur tire la morale de la terrible leçon que les Terriens viennent de recevoir, elle tient en deux règles :

Ne pas se prendre pour les rois de l'univers, quelque chose d'inconnu peut tomber du ciel à tout instant et nous anéantir.

Inversement, puisqu’ils peuvent venir chez nos, nous pourrons aussi bientôt aller sur d'autres planètes et il faut y réfléchir.

J'adore Wells.

Néanmoins, je ne peux résister à vous présenter la terrible cuisine anglaise (surtout à l'époque) "Nous réparâmes nos forces en absorbant le contenu d'une boite de tête de veau à la tortue et une bouteille de vin." Ça fait envie.

Hum, et donc, nos marTiens... Le nom de la planète Mars vient du latin (Mars, Martem, Martis, Marti, Marte). L'adjectif martial par exemple a la même racine. Il semble que les deux écritures (martien et marsien) aient coexisté un moment en français. Mais c'est "martien" qui s'est imposé.


978-2070308552 



09 avril 2021

 La Ferme des animaux 

de George Orwell 

*****


Orwell en lanceur d’alerte

   En 1937, par conviction, Eric Blair, alias George Orwell, est venu se battre en Catalogne au côté des Républicains. Il assiste, écœuré, à l'arrestation et au massacre des trotskistes que dirigeait Andreu Nin — ce dramatique épisode de la Guerre d'Espagne que rapporte Javier Marias dans “Ton visage demain”. Nin et ses camarades du POUM ont été exécutés sous les ordres du général Orlov. Tout a été manipulé par les hommes de Moscou. C'est sans doute l'un des événements qui décident l'écrivain anglais à régler ses comptes avec Staline et sa version du communisme, comme il le suggère dans la préface de 1945 pour la première édition d' "Animal Farm" : "L’idée de ce livre, ou plutôt de son thème central, m’est venue pour la première fois en 1937, mais c’est seulement vers la fin de l’année 1943 que j’ai entrepris de l’écrire". Désormais George Orwell, profondément socialiste et démocrate, se donne la mission de dénoncer le régime totalitaire de Staline.

     En cette fin des années trente d'autres livres, presque simultanément, démystifient le stalinisme, par exemple le fameux “Retour d'Urss” d'André Gide, ou le moins connu “Au pays du grand mensonge” d'Ante Ciliga. Après "Animal Farm", l'étape suivante du combat d'Orwell sera "1984". Dans les deux cas l'auteur situe l'action de son roman en Angleterre — ce qui permet d'éviter la critique d'anti-soviétisme primaire. Orwell ne trouva pas facilement d'éditeur pour "Animal Farm" et sa préface fut censurée par les éditeurs — Londres était alors alliée de Moscou — et on l'ignora jusqu'en 1985, trente-cinq ans après la mort de l'auteur. Ce temps perdu a permis au texte d'être durablement réduit à un conte pour enfants, une histoire de petits cochons pour la jeunesse, mais dans le meilleur des mondes où nous vivons il est devenu une fable anti-totalitaire adaptée à la fin du collège puisque le programme d'histoire de la Troisième passe par l'étude de la Révolution russe et du régime de Staline.

     Que retenir d'une lecture littérale? La jolie et prospère Ferme du Manoir appartenait à Mr Jones, exploitant agricole et exploiteur des animaux, mais une révolution dirigée par les cochons l'en a chassé. Instruit par Sage l'Ancien (Old Major), leur théoricien bientôt décédé, un trio de cochons éclairés a pris les choses en mains, promettant monts et merveilles aux autres bêtes. Napoléon, Boule de Neige (Snowball), et Brille-Babil (Squealer) confisquent bientôt le pouvoir et organisent ce qui est désormais la Ferme des Animaux, une société idéale fondée sur l'idéologie des Sept Commandements, dont le premier suffit à comprendre où va l'Animalisme : "Tout deux pattes est un ennemi". Quant au septième, il doit faire l'unanimité des bêtes de la ferme : "Tous les animaux sont égaux". Outre les cochons, la ferme comprend des chiens, des chevaux, des chèvres, des moutons (beaucoup de moutons), des poules, des oies, des pigeons, etc. Mais l'utopie accouche progressivement de son contraire. Les cochons deviennent la classe privilégiée qui n'hésite pas à faire des affaires en secret avec les autres fermiers, à coucher dans les lits du manoir de Mr Jones, à boire de la bière et s'enivrer au whisky, à faire trimer le peuple, quasiment réduit à l'esclavage et à la famine pour réaliser de grands projets industriels. Pour installer sa tyrannie, Napoléon dénonce son rival Boule de Neige transformé en ennemi du peuple, à qui on attribue tous les déboires, s'entoure d'une police politique efficace et soumet la ferme à la terreur. La chute du conte? Les cochons en viennent tellement à se comporter comme les hommes qu'ils ont chassés qu'ils se mettent à marcher sur deux pieds... "Tous les animaux sont égaux mais certains le sont plus que d'autres."

     La lecture politique? Avec un chef des cochons nommé Napoléon, il est clair que George Orwell s'adressant à des lecteurs britanniques institue ainsi Staline dans le rôle de l'ennemi — alors que Hitler vient juste de perdre la guerre... Les lecteurs d'hier comme d'aujourd'hui peuvent se divertir à deviner quels personnages réels se cachent derrière les animaux de l'apologue, encore faut-il avoir une certaine connaissance de l'histoire soviétique. Sage l'Ancien décédé peu de temps après l'ascension de son parti incarne Lénine. Brille-Babil a des airs de Zinoviev mais c'est aussi la Pravda, etc. Quant à Trotsky, aucun doute, c'est ce Boule de Neige qui après avoir été un artisan de la victoire dans la Bataille de l'Etable devient petit à petit un "traître", un bouc émissaire —c'est dur pour un cochon— et un exilé conspirateur. Le cheval Malabar qui se tue au travail fait évidemment penser à Stakhanov, l'ouvrier modèle. Plus exaltant que de mettre le bon nom dans la bonne case comme dans un texte à trous, on appréciera les épisodes du roman se rapportant à l'expérience soviétique des années 1920 à 1940. Jones et les autres fermiers représentent les forces hostiles du capital et le marché est moqué dans l'épisode de la fausse monnaie. La manipulation de l'histoire, les statistiques mensongères, le “vertige du succès” de la planification quinquennale, la famine provoquée par les exportations de vivres (et invisible aux yeux des visiteurs étrangers), la querelle autour de l'industrialisation (avec les grands travaux que sont les “moulins”) autant de sujets qui attestent d'une compréhension de l'histoire soviétique encore rare vers 1945. Ce roman à clefs a anticipé brillamment sur la connaissance que nous avons désormais de l'histoire de l'URSS et du stalinisme en même temps qu'il a pris sa place au rayon des grandes œuvres du combat contre toute tyrannie.

   En cadeau:   Texte en français de la Préface écrite par G. Orwell pour l'édition de 1945.  

978-2072921414

25 mars 2003