25 novembre 2021

Juste avant l'oubli  

d'Alice Zeniter

****+

Paru pour la rentrée littéraire 2015, le thème de ce roman m'intéressait bien. Il y avait un couple à un tournant crucial de son histoire (pourra-t-il continuer sa route, ou pas), une réunion d’universitaires spécialistes d'un écrivain solitaire à la forte personnalité, venus autopsier

« un cadavre littéraire offert en pâture à leurs études, à leurs esprits analytiques, à leurs méthodes de dissection. »

une île déserte, ou presque,

« C'est une île cuirassée, protégée par une armure d'impossibilité-d'y-vivre. »

 où s'était retiré le dit-écrivain et uniquement peuplée d'un gardien étrange et inquiétant, la mort mystérieuse de l'écrivain des années auparavant, corps non retrouvé, et le flot des conjectures qui avaient suivi et suivaient encore... C'était simple : Je devais absolument lire cela.

Et je ne regrette pas de l'avoir fait. Si ce n'est pas un coup de cœur absolu, cela à tout de même été un excellent moment de lecture. L'histoire ne suit pas tout à fait les voies que l'on pouvait supposer (elle reste plus réaliste que le genre « Dix petits nègres ») sans pour autant décevoir. Réaliste. C'est cela. J'étais prête à embarquer pour des licences romanesques bien plus aventureuses (et qui n'auraient sans doute mené nulle part, tout a déjà été fait dans ce sens-là) mais Alice Zeniter, dans l'original, certes, est néanmoins restée dans le réalisme le plus vraisemblable. Et tout compte fait, elle a sans doute eu raison.

Nous commençons par faire la connaissance de l'élément mâle du couple : Franck, infirmier, très sympathique, et que nous ne quitterons plus jusqu'à la dernière page. Puis ce sera sa compagne, qui prépare une thèse sur Galwin Donnel (l'écrivain). Franck est très complexé par son prénom (personnellement, je me serais plutôt attendue à ce que ce soit Galwin) mais nous comprenons vite que c'est plus exactement son infériorité intello-sociale qui peut poser problème. Le confinement sur une minuscule île peu hospitalière de ce gardien taciturne, de la jeune thésarde inquiète, de notre infirmier incertain et de cette fournée de spécialistes d'un auteur de polar, dans l'ambiance de sa mort mystérieuse sur les lieux-mêmes risquait fort d'aboutir à un drame, et cela ne manquera pas.

J'ai bien aimé qu'Alice Zeniter se pique au jeu de donner toutes les marques de la réalité à son écrivain célèbre. Elle indique sa bibliographie en détail, nous livre des citations avec titre et numéro de la page, elle nous livre des extraits de la page Wikipédia qui lui est consacrée... J'ai trouvé cela amusant. 

Galwin Donnel avait créé un détective récurrent, qui prenait le contrepied de tout ce que l'on peut espérer chez ce genre de personnage. Il avait tellement de défauts qu'il devait être drôlement difficile pour les lecteurs de s'attacher à lui. Mais ils l'ont néanmoins fait et les aventures se sont multipliées. J'ai aimé tous les petits clins d’œil qui font par exemple que Donnel étant fasciné par Conan Doyle avait appelé son héros Adrian Dickson Carr. J'ai adoré cette idée du dernier roman resté orphelin à l'avant dernier chapitre, qui fait que le lecteur a toute l'intrigue, mais pas le nom du coupable ! 

« Car les polars habituels entretenaient le lecteur dans l'illusion qu'il existait partout dans le monde des génies prêts à résoudre n'importe quelle affaire, alors même que les systèmes policiers et judiciaires affrontaient en réalité des monceaux de dossiers classés sans résolution aucune. »

Beaucoup de petits détails de la narration m'ont absolument enchantée (comme, par exemple, le tracé de la route, pages 57-58 de mon édition pour ceux qui liront). Et tout cela se termine comme cela devait se terminer, si l'on y réfléchit bien, et il y a même à mon sens, un crime littéraire...

Si vous êtes comme moi, vous passerez un très bon moment avec ce livre.

978-2290126486 


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