Ohan
de Uno Chiyo
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C’est
un plaisir de vous parler de ce court roman de 90 pages car c’est
un petit bijou littéraire. L’éditeur nous le présente d’ailleurs
comme le chef-d’œuvre d’Una Chiyo, écrivaine japonaise du début
du vingtième siècle.
Le
narrateur est un homme velléitaire au plus haut degré. Paresseux,
il a coulé l’entreprise familiale et vivote actuellement d’une
vague boutique de brocanteur peu achalandée où il passe ses
journées à ne rien faire. En vérité, il est entretenu par sa
maîtresse, une geisha qui elle, mène ses affaires avec maestria et a maintenant sa propre maison. C’est chez elle qu’il rentre
tous les soirs. Elle s’est entichée de lui on ne sait trop
pourquoi et il y est fort bien traité. Pour vivre avec elle, il a
abandonné sa femme Ohan et l’enfant nouveau-né, il y a sept ans
de cela. Mais voilà qu’un jour, il la rencontre par hasard et que
l’envie le prend de renouer les liens.
« Mais
que cherchais-je donc ? Moi-même, je n’en avais pas la
moindre idée. »
Pourtant,
il n’a guère pensé à elle depuis leur séparation. Il semble ne
penser aux gens et aux situations que lorsqu’il les a sous les
yeux. D’ailleurs en fait, il donne l’impression de ne pas penser
à grand-chose, allant où le vent le pousse, suivant ses impulsions
du moment sans jamais prendre en compte les conséquences. Il se
contente de suivre ses désirs vagues et la pente de moindre
résistance. Ensuite, il se dit « Mais qu’ai-je donc
fait ? » et tremble
en songeant à ce qui peut arriver. Mais il oublie bien vite et
continue ainsi.
Il
n’a aucun courage, ni aucune capacité de décision. Il sait qu’il
fait des bêtises et que tout cela ne peut que mal tourner, mais il
est incapable de réagir. Si bien qu’il va ainsi mener
parallèlement des relations avec les deux femmes, alors qu’il est
à peine capable de veiller à ce qu’elles ne se rencontrent pas.
Évidemment, les liens s’affirment et tout cela va droit au fond de
l’impasse, surtout quand il se retrouve avec deux domiciles faute
d’avoir su dire non.
« Tiraillé
comme je l’étais entre deux femmes, je prenais une résolution un
jour, une autre le lendemain, je ne cessais de balancer, et ce
flottement pitoyable dû à la faiblesse de mon caractère, personne
n’était censé le connaître. »
Il a
parfaitement conscience de mettre tout le monde dans une situation
impossible mais à chaque fois il choisit d’esquiver et de reporter
si bien que « Du train où nous allions, je ne voyais
d’autre issue, pour l’un de nous trois que la noyade ou la
pendaison, comme on voit presque chaque jour à la rubrique des faits
divers. »
Le
récit qui court vers le drame, nous est fait sur un ton
paradoxalement assez léger. Le narrateur nous parle comme à des
familiers.
«Comme
vous le savez, pour venir de cette école jusqu’au quartier de (…)
Et vous voyez le grand orme qui se trouve entre la pharmacie et le
magasin de céramique ?»
et
plusieurs passages ne sont pas sans évoquer les ressorts du
vaudeville avec les personnages qui entrent et sortent, manquant de
peu de se rencontrer.
Il
ne cesse de se rabaisser plus bas que terre et s’accuser de tous
les pêchés, se reconnaissant responsable de tout, ce qui,
avouons-le, est une façon commode et connue de s’éviter les
reproches d’autrui. Mais au fond, ne disant jamais non, il est
facile à vivre et du coup, tout le monde l’aime bien, d’autant
que personne ne sait tout.
Tout
cela ne peut que très mal finir, il le sait bien, mais il continue
à se laisser porter, surtout parce qu’il est incapable de faire
quoi que ce soit d’autre, et il va, « flottant dans le
flou sans jamais pouvoir se fixer ».
9782809710052