21 novembre 2021

Le troisième Reich 

de  Roberto Bolano

****+

Fin d'été sur la Costa Brava

Udo Berger, Allemand de 25 ans, s'est accordé une semaine de vacances en Espagne et cette semaine sera également la première durant laquelle il vivra vraiment avec sa compagne du moment, la très belle Ingeborg dont il est fort épris et cela semble réciproque, bien que franchir le pas de la vie commune les effraie tous les deux. Il a choisi de retourner pour cette semaine de vacances, en un lieu qu'il connaît : la pension où, enfant, il venait chaque année avec ses parents et son frère. Elle était tenue par Frau Else, dont le mari est « très malade » et dont il était tombé amoureux enfant. Elle lui plaît toujours beaucoup d'ailleurs, mais elle, se souvient à peine de lui.

Udo a un petit emploi sans grand intérêt qui assure sa subsistance, mais sa grande passion, ce sont les jeux de plateau-jeux de rôle, qui eurent une grande vogue dans les années 70-80 et dont Roberto Bolano était lui même grand amateur. Je suppose que si on écrivait ce roman aujourd'hui, on utiliserait les jeux en ligne. Chez Udo, ce goût a pris la puissance d'une véritable addiction, comme en connaissent tous les dépendants et il ne peut envisager de s'en couper une semaine, même pour une semaine cruciale pour son couple. Il y consacre même encore de nombreuses heures chaque jour, ce qui n'est sans doute pas ce que sa compagne espérait. D'autant qu'Udo est LE champion et, spécialiste reconnu, il rédige des articles pour des revues de plusieurs pays. Le jeu auquel il s'adonne à ce moment s'appelle "Le troisième Reich"* et, utilisant des personnages et pays réels, il rejoue interminablement la deuxième guerre mondiale. Udo joue pour les forces du troisième Reich bien que ses idées ne soient pas nazies « même plutôt le contraire ».

Très vite, Inge et lui rencontrent un couple de touristes allemands, Hanna et Charly, avec lesquels ils sympathisent, bien qu'ils se révèlent rapidement envahissants et agités. Parallèlement, ils font tous connaissance avec quelques « locaux », et peut-être pas les plus recommandables. Il y a Le loup et l'Agneau, deux employés on ne sait où qui songent davantage à s'amuser avec et profiter des, touristes qu'à travailler (spécimens communs dans les stations touristiques) et Le Brûlé, le loueur de pédalos, défiguré on ne sait comment car il n'est pas du pays et qu'on ne sait pas trop non plus d'où il vient. On parle d'Amérique latine... Lui-même ne fournit pas de renseignements. Bientôt, l'alcool aidant, les situations deviennent plus scabreuses ou inquiétantes et Charly, grand nageur mais également grand buveur, finit par disparaître. Que lui est-il arrivé ?

Les femmes rentrent en Allemagne, Udo reste, officiellement pour attendre qu'on retrouve Charly, en fait parce qu'il espère arriver à ses fins avec Frau Else et tout autant parce qu'il a entamé une partie avec le Brûlé qui, bien que découvrant le jeu et les finesses stratégiques, se révèle être un adversaire bien plus coriace que prévu. Et d'ailleurs, qui est-il, ce Brûlé, et quel est exactement l'enjeu de cette partie ? Udo s'agite, s'inquiète, ses rêves deviennent cauchemars, mais leur interprétation reste difficile.

J'en ai peut-être dit beaucoup sur l'histoire, mais sans révéler les fins et parce que l’intérêt majeur du livre n'est pas dans les péripéties de l'installation, mais dans le jeu lui-même, autant en ce qu'il fait revivre de la deuxième guerre mondiale qu'en ce qu'il révèle sur l'addiction et qui devrait fortement parler aux lecteurs d'aujourd'hui, surtout ceux qui ont mis le doigt dans cet engrenage-là. C'est un livre passionnant, très original et superbement écrit. Il mérite de récupérer les lecteurs que son titre, peu éclairant sur son contenu réel, lui a peut-être fait manquer.


* Jeu existant réellement

978-2267020861

2 commentaires:

  1. Peut-être pas le meilleur de l'auteur, mais un titre dans lequel on discerne les prémisses des œuvres à venir, ce style propre à Roberto Bolaño, qui traque dans l'insignifiance du quotidien les manifestations sous-jacentes de la violence et de la barbarie.

    (j'ai fait ma feignasse, en copiant une partie de la conclusion de mon -vieux- billet...)

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