28 janvier 2025

A moi seul bien des personnages

John Irving

*****


Le narrateur, William (dit Bill) Dean, est un vieil homme qui reprend ses souvenirs depuis son enfance, si bien que j'aurais aussi bien pu dire que le narrateur était un jeune homme. Celui qui dit "Je" commence par nous parler de l'adolescent qu'il fut et auquel le hasard fit découvrir en même temps la littérature et la sexualité. Bill, qui n'a jusqu'à présent guère été un lecteur, constate avec perplexité et gène, qu'il est amoureux du beau-père que sa mère vient de lui donner. Bill n'a jamais connu son père et sa mère, qui est souffleuse dans un petit théâtre, vient de se marier avec Richard, professeur de littérature, acteur, puis metteur en scène de théâtre amateur. C'est ce Richard qui amènera Bill à la bibliothèque municipale car il estime que tout adolescent doit avoir sa carte de bibliothèque. Il lui y présentera Melle Frost, la bibliothécaire (aux USA, les bibliothécaires semblent avoir un rôle beaucoup plus dirigiste qu'ici vis à vis des jeunes) qui saura lui faire lire les romans qui le transformeront en lecteur passionné. Et Bill tombe aussitôt amoureux de Melle Frost aussi, ce qui lui paraît d'ailleurs moins saugrenu que de son beau-père, mais reste la différence d'âge.

Nous suivons Bill qui grandit, qui poursuit sa scolarité dans un internat de garçons, et dont le gros problème est que, plus ses pulsions sexuelles se manifestent, moins elles lui semblent aller dans le sens qu'elles devraient avoir. Bill se met à se tracasser beaucoup pour ses "erreurs d'aiguillage amoureux" qui l'étonnent, l’embarrassent et ne lui offrent qu'un avenir d'autant plus bouché que le sujet est tabou, autant chez lui qu'au collège.

Et pourtant! Pourtant, sa famille n'est pas particulièrement stricte et le théâtre shakespearien auquel ils vouent leurs loisirs, multiplie les ambivalences sexuelles (belles pages sur les pièces de Shakespeare, très vivantes et captivantes à l'occasion des répétitions). Pourtant encore, son grand-père (patron d'une scierie, travail viril s'il en est, ne joue que des rôles de femmes, toujours déguisé). Alors que Miss Frost (belles pages à nouveau sur ses lectures conseillées par elle) continue à le fasciner et notre Bill, qui ne se sent pas plus homo qu'hétéro, grandit en se considérant "de sexe indécis" et en se tracassant pour "son orientation sexuelle déroutante".

Nous le verrons ainsi grandir, devenir un homme, puis un homme âgé, sous les deux focales de sa sexualité particulière et de la littérature qu'il ne quittera plus car il va devenir écrivain. A travers les lectures du jeune Bill et les pièces du répertoire des troupes de théâtre, ce roman atteint une vraie dimension littéraire.

Comme le dit l'auteur, c'est un livre sur la tolérance sexuelle. Ne se contentant pas de dynamiter, les classes homme-femme, en particulier avec les transsexuels (on dit "transgenre" maintenant), il va poursuivre de même l'intolérance des homosexuels qui méprisent les bisexuels etc. montrant par là que même ceux qui souffrent de l'ostracisme sont capables très facilement de le reproduire.

Après nous avoir fait entrer dans ce milieu particulier et y avoir pris place, Bill nous fera traverser les années Sida à New York dans toute leur horreur mais sans jamais aucun larmoiement. C'est remarquablement documenté et rendu. Le drame n'est plus individuel, il prend une dimension sociale universelle. Face aux milliers de morts, le non-dit explose.

Si vous avez des problèmes avec les catégorisations sexuelles, vous allez vous sentir très mal à l'aise en lisant ce roman, mais en échange, peut-être serez-vous débarrassé de vos barrières mentales une fois la dernière page tournée (on peut rêver). Si vous êtes plus tolérant que cela, vous allez le devenir encore plus.

C'est un des tout bons romans de John Irving, un hétéro (je crois) qui arrive à nous y faire croire complètement et nous montre, en creux, où est le moyen-âge.

978-2757841433

23 janvier 2025

Vernon Subutex (BD)

de Virginie Despentes & Luz

*****


J’avais lu le roman dès sa sortie, et beaucoup apprécié, mais c’était il y a dix ans et je l’ai beaucoup oublié depuis. Je me souviens par contre très bien à quel point j’avais été gênée par la très longue attente que nous avions dû endurer entre le premier tome et sa suite qui avait quand même beaucoup gâché la lecture. Je me souviens que j’avais regretté de l’avoir lu dès sa sortie et j’enviais ceux qui ne s’étaient lancés qu’une fois la totalité de l’œuvre publiée et avaient ainsi pu la lire intégralement d’un même mouvement. Ce que je dis là ne concerne que le roman, mais sa version BD a connu la même mésaventure avec 2 ans entre la sortie du T1 et celle du T2 !

La dizaine d’années écoulée depuis ma lecture a effacé de ma mémoire une grande partie de l’histoire d’origine mais je cherche d’autant moins à repérer les différences que la quatrième de couverture annonce d’emblée : « cette nouvelle version - réécrite à quatre mains et en bande dessinée - offre un nouveau regard sur le parcours de Vernon » A propos de cette réécriture, Virginie Despentes précise : « La quasi-totalité de la seconde partie est originale. Il y a un plaisir fou à faire évoluer un texte publié - de façon à ce qu'il trouve la meilleure forme possible dans l'imagination d'un autre. »

Du coup, il pourrait être intéressant que je relise le roman, ce qui est d’ailleurs très envisageable. Mais en attendant, pour en revenir à cet énorme roman graphique, à mon avis, on est vraiment dans ce qui se fait de mieux actuellement. On le sait déjà, Luz est un dessinateur de BD qui pulvérise absolument tous les critères. C’est plus qu’un dessinateur, c’est un artiste remarquable. Allié à un scenario comme celui-ci, à la fois passionnant, témoin de son temps et même par moment, profond, on atteint des sommets. Je sais que l’achat des deux volumes (300 pages l’un et presque 400 l’autre) est une dépense sérieuse (65 € actuellement) mais quel cadeau à (se) faire ! Un des fleurons d’une belle bibliothèque de BD. Luz a d’ailleurs reçu un très mérité Prix Inrocks en 2022 pour ces albums.

Alors, petit rappel de l’histoire pour ceux qui ne seraient au courant de rien, mais sans spoiler, vous me connaissez : Vernon Subutex a toujours gagné sa vie en vendant des disques dans une boutique connue et appréciée, plutôt spécialisée variété moderne, Rock, pop etc. mais les temps changent, On vend de moins en moins de disques et Vernon se retrouve bientôt obligé de mettre la clé sous la porte, sans emploi, sans revenus et sans domicile à la mort de son ami Bleach qui étant devenu une star, le dépannait régulièrement financièrement. Après avoir un peu squatté chez les uns et les autres, Vernon commence une vraie vie de SDF. Pourtant, Bleach lui a donné une clé USB qui contient des enregistrements qui pourraient tout changer.

Parallèlement, nous faisons connaissance de La Hyène, femme de main, employée à diverses basses œuvres par un ponte de l’industrie du spectacle. Au fil des évènements, nous rencontrons également dans des milieux très différents, divers personnages hauts en couleur qui se mêlent à l’action. Mais Vernon lui, se perd de plus en plus, touche le fond et part à la dérive.

Le tome deux commence tout doux, un peu à la Bisounours. La vie reprend son cours et grisés par la chaleur des amitiés qui se sont formées, personne ne semble se souvenir que le tome 1 s’était terminé sur la découverte d’un crime, peut-être deux. Mais cela ne va pas durer et bientôt tout s’accélère au contraire et devient de plus en plus violent. Tout le monde va payer le prix fort dans cette histoire. Le show-biz, c’est la jungle et pas seulement métaphoriquement.

Un roman graphique plein de musique avec des titres et des albums qu’on a tous connus et qu’on a l’impression d’entendre à nouveau pendant qu’on lit (parfois plus qu’une impression d’ailleurs. C’est si facile maintenant de les rappeler sur son smartphone que bien sûr, je l’ai fait).

Si vous ne l’achetez pas, faites le vous offrir, trouvez-le à la bibli, mais lisez-le !


978-2226446534          978-2226446541

18 janvier 2025

Mes amis 

de Hisham Matar

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J’ignorais tout de l’auteur et de ce livre, cette lecture est un pur hasard de main qui traîne sur la table des nouveautés à la bibliothèque, et le hasard a été généreux, c’est vraiment un excellent livre.

Quatrième de couverture :

"Lorsque le jeune Khaled découvre à Benghazi, attablé avec ses parents autour du poste de radio, la puissance d'une nouvelle lue par un grand journaliste libyen expatrié à Londres, il est loin d'imaginer qu'un jour il vivra lui-même dans cet eldorado, et qu'il deviendra l'ami de l'auteur de ce texte, le brillant Hossam. Une trentaine d'années plus tard, le même Khaled se balade dans les rues londoniennes et retrace sa vie d'exil, de son arrivée imprévue à Londres, encore étudiant animé d'idéaux politiques, à ses longues amitiés si essentielles avec Hossam et Mustafa, un autre expatrié libyen. Alors que ses deux amis font le choix de retourner sur leur terre pour combattre la dictature de Kadhafi, Khaled, plus tiraillé, prend racine dans une existence loin des siens. Son amour de la littérature et la force de ses amitiés l'empêcheront-ils de ressentir le poids du regret ? Bouleversante déambulation dans les souvenirs et dans un Londres magnifié, Mes amis explore avec une grande délicatesse le conflit intérieur lié à chaque exil. Tout en dévoilant de manière unique l'histoire déchirante de la Libye et de sa révolution récente, Hisham Matar nous émerveille par la force de son écriture, aussi subtile qu'intense."

« Ecriture aussi subtile qu'intense » dit la quatrième de couv’, on sait à quel point ces publicités de fin de livres sont complaisantes, mais pour une fois, je peux reprendre ces termes à mon compte mot pour mot. Cela faisait un moment que je n’avais pas lu un texte de cette qualité littéraire. Ça fait du bien. Je ne reviens pas sur l’histoire, la couverture citée vous en dit assez, c’est un livre qui traite de la situation précise en Libye de la prise de pouvoir par Kadhafi aux années qui ont suivi le Printemps arabe, soit quatre décennies‎. A ce titre, j’ai appris des choses, et j’aime apprendre. Le narrateur nous y dépeint la vie quotidienne à travers ses souvenirs et les liens discrets qu’il ne cesse jamais d’entretenir avec sa famille restée sur place…  Il traite également de l’exil, de ce qu’éprouvent ceux qui sont loin de chez eux, intégrés ou non, désireux ou non de revenir à leur terre natale. Cette psychologie d’exilés est représentée par trois hommes de caractères et de parcours différents, Khaled le narrateur -très proche de l’auteur psychologiquement, je pense-, Hossam l’écrivain et Mustafa que Khaled a rencontré quand il a commencé ses études en Grande Bretagne et dont il restera proche jusqu’à la fin du récit. Par ce bais, il parle également avec justesse et finesse des liens de l’amitié durable, de l’amour et des relations intrafamiliales : « Aucun homme ne devrait chercher à voir sa famille de manière objective, a-t-elle continué. Pas seulement à cause de l’impossibilité même de la tâche, mais parce qu’une telle ambition suffit à rompre le pacte entre proches. L’idée, jeune imbécile, c’est justement d’aimer d’un amour insondable où la haine et l’affection, la confusion et la clarté, sont tressées si finement qu’elles forment une corde incassable, capable de soulever une nation. »

Le hasard, encore lui ! A voulu que je lise ce roman à une période où à l’arrière plan, les infos nous tenaient informés des méandres du procès de N Sarkozy. On revoyait Kadhafi tout sourires et poignées de mains, planter ses tentes à Paris. Au même moment, je lisais ce que c’était alors de vivre en Libye sous un régime d’enlèvements arbitraires, de tortures sadiques et d’assassinats innombrables. Alors oui, je sais, la realpolitik, les milliards et le pétrole… mais la justice, la liberté et le respect des Droits de l’homme. Alors on lit, on écoute les écrivains au lieu de les mettre en prison.

« Ma foi en la littérature aussi est revenue. Les livres, les grands romans en particulier, ne m’avaient jamais paru aussi utiles au métier qui consistait à vivre. Les derniers doutes que je pouvais avoir à ce sujet s’étaient envolés. »

Ce roman a été présélectionné pour le prix Booker 2024 et le National Book Award for Fiction, et a remporté le prix Orwell 2024 pour la fiction politique.

978-2073033932

14 janvier 2025

La Carrière du mal

de Robert Galbraith - J.K. Rowling

****


Ceux qui me suivent le savent, au fil des occasions, je lis dans l’ordre la série de Robert Galbraith, "Cormoran Strike". C'est que j'aime bien le duo Robin-Cormoran, le décor londonien et la façon classique et musclée dont ils mènent les enquêtes... Bref, c'est un tout qui fait que je trouve cette série sympathique. Cette "Carrière du mal" est le troisième volume, et pour l’instant, il a été le moins plaisant à lire pour moi. Non que nos deux héros aient changé, mais parce que l'auteur a choisi de nous faire entrer dans les pensées du coupable, un sadique fou de haine qui ne rêve que de mutiler des femmes (excusez du peu) et dont les délires vont revenir d’un bout à l’autre du livre. Je sais que l'époque ne répugne pas à ces évocations et que beaucoup de lecteurs ne vont pas tiquer là-dessus, mais comme vous savez, je suis old school et moi, ça m'a été pénible. Ça commence d'ailleurs dès le premier chapitre, cela vous permettra de voir tout de suite si vous appréciez ou non. En ce qui me concerne, si ça n'avait pas été une série que je commençais à bien connaître et aimer, n'étant pas intéressée par les dingues, je ne serais pas allée plus loin, mais là, je savais bien qu'il y aurait autre chose. Et je dois reconnaître qu'en dehors de ces passages réguliers dans la poubelle puante qui lui sert de cerveau, ce volume est aussi bon que les autres. J'ai seulement dit plus haut que j'y avais pris moins de plaisir. Cormoran est égal à lui-même et son agence oscille toujours entre opulence et ruine totale. Le rôle de Robin dans cette aventure est plus important que précédemment. Cormoran ne peut plus nier ses qualités. Son mariage est prévu pour la fin du volume et la voilà promue associée! Ou pas.

En attendant, elle semble bien être la cible du tueur dont je vous parlais au début. A moins que ce ne soit Cormoran... ? On est en plein brouillard londonien et on ne le quittera que pour des virées écossaises, ce qui, vous ne serez pas surpris, n'améliorera pas la météo.

Les têtes de chapitre sont toutes des citations de chansons du groupe "Blue Oyster Cult » dont j'ignorais jusqu'à l'existence mais que J.K. Rowling semble apprécier. Je suis bien sûr, allée me renseigner, écouter etc. C'est si facile de tout savoir avec internet! Vous ferez de même si votre curiosité est titillée.

Je tiens à dire que pour la première fois j’avais trouvé le coupable, ce qui n’est jamais désagréable. Je suis tout à fait prête à plonger dans le tome quatre "Blanc mortel" à la moindre occasion, mais je n'ai quand même pas que ça à lire alors ça se fera quand ça se fera mais j'espère de tout mon cœur que Galbraith se sera calmé sur les fouilles psychiatriques. Beurk!


Quatrième de couv

"En arrivant au bureau un matin, Robin – la jeune assistante du détective privé Cormoran Strike – trouve un colis qui lui est personnellement adressé. À l'intérieur : la jambe tranchée d'une femme. Pour Cormoran Strike, seuls quatre individus sont capables d’une telle atrocité. Quatre noms tout droit sortis de son propre passé. Persuadés que la police fait fausse route, Strike et Robin se lancent dans une enquête périlleuse, traquant un tueur psychopathe et fétichiste aux motivations insoupçonnables…"


Série Les Enquêtes de Cormoran Strike

 L'Appel du Coucou ( The Cuckoo's Calling, 2013)

 Le Ver à soie (The Silkworm, 2014)

 La Carrière du mal (Career of Evil, 2015)

 Blanc mortel (Lethal White, 2018)

 Sang trouble (Troubled Blood, 2020)

 Sang d'encre (The Ink Black Heart, 2022)

 Pas encore traduit : The Running Grave, 2023

 978-2253086536

10 janvier 2025

L'allègement des vernis 

de Paul Saint Bris

***+

Quatrième de couverture:

"Aurélien est directeur du département des Peintures du Louvre. Cet intellectuel nostalgique voit dans le musée un refuge où se protéger du bruit du monde. Mais la nouvelle présidente, Daphné – une femme énergique d'un pragmatisme désinhibé –, et d'implacables arguments marketing lui imposent une mission aussi périlleuse que redoutée : la restauration de La Joconde"

Excellente histoire, vraiment. Se déroulant dans un environnement très intéressant (les coulisses du Louvre) et mettant en scène (et même en danger) sa star numéro un, la Joconde. Et quand on quitte le Louvre, c'est pour se gorger des beaux paysages de Toscane !

Excellente histoire, disais-je, avec du suspens ; pas haletant, mais du moins qui ne retombe pas sans arrêt nécessitant des chocs de réanimation. Avec de plus, un petit vernis culturel qui vous donne l'impression d'apprendre des choses tout en vous passant un bon moment. Pour être sincère, il y a même des passages qui font penser à une resucée de guide ou de manuel, mais ça ne dure jamais plus de deux trois pages.

Le personnage principal est sympathique. On s'attendrit parce que sa femme, à laquelle il tient, est en train de s'éloigner. Il reconnaît qu’il est un peu casanier peut-être, quoique passant son temps à voyager ou à honorer des invitations. Assez lisse, le Aurélien. On (l'auteur?) ne lui trouve pas de défaut, et franchement, moi non plus.

Ajoutez à cela quelques belles histoires d'amour comme on n'en voit que dans les romans (alors justement, c'était le moment), des personnages qui disparaissent discrètement quand on n'a plus besoin d'eux. Des grandes passions, mais entre gens bien élevés.

Bref, ce roman sera très plaisant à lire pour beaucoup. Il a même reçu un prix. On sait ce que ça vaut, mais bon, quand même. Comme vous vous doutez, tout ne va pas être facile dans ce grand projet "Joconde" , et tout ne se passera pas non plus exactement comme prévu. De quoi maintenir l’intérêt du lecteur. Je connais des gens à qui je le conseillerai ou même l'offrirai, et je sais d'avance qu'ils seront contents de leur lecture.

Bon, maintenant, vous regardez les étoiles et vous tiquez un peu: pourquoi 3 1/2, alors? Eh bien pour moi, c'est le style. J'ai trouvé que c'était un peu léger d'un pont de vue littéraire. Entendons nous, c'est correctement écrit, mais le style, ou la littérature, c'est autre chose, quelques mots recherchés saupoudrés ici ou là ne suffisent pas.

D'abord, c'est bavard. On est loin de l’écriture "à l'os". Beaucoup de choses sont dites en cinq phrases au lieu d'une. Et puis, il y a des sautes de style, comme on a des sautes d'humeurs. J’ai évoqué les pages-documentaires, mais il y a de plus en plus en progressant dans l'ouvrage, des variations de styles affirmés qui ont toutes la particularité de ne pas convenir à la situation évoquée. Par exemple, la trivialité incongrue d'une femme magnifique dans un décor somptueux : "Elle alluma une cigarette qu'elle fit crépiter longuement. Elle était contente d'avoir quitté Paris, elle s'y était fait globalement chier." J'avoue que j'ai eu un mouvement de recul, d'abord parce que j'aurais mis "globalement" avant fait, et ensuite parce que d'un coup, la femme me semblait beaucoup moins magnifique. A un autre moment, l'auteur se lance dans une scène torride et se dit que se serait tout à fait le moment de faire des phrases et le résultat est aussi érotique qu'un dictionnaire de rimes. "Ils roulèrent encore; il la coucha dans un halo de lumière sélène, son visage maintenant baigné d'une clarté bleutée. Ils ralentirent. Il arracha pour l'éternité les images macro du grain de sa peau perlée de sueur, d'une mèche brune plaquée sur la tempe, d'un hélix percé d'argent. Il captura le profile ourlé de ses lèvres entrouvertes et l'aile frémissante d'une narine. Elle " Il... elle... etc. Je m'ennuie.

La dernière partie est agrémentée de quelques scènes-montagnes accouchant d'une souris (les toits du Louvre, le plongeon de Gaetano…).

Conclusion: roman agréable qui comblera davantage ceux qui aiment les belles histoires que ceux qui aiment la belle littérature.

 ‎ 978-2848769882

06 janvier 2025

La Dame de Berlin 

Les Aventures de Boro, reporter photographe, Tome 1

de Dan Franck & Jean Vautrin

****


J'ignorais tout de cette série et voici comment je l'ai découverte : Adepte régulière des boîtes à livres, j'ai eu la surprise d'y trouver un beau jour 4 tomes de cette série aux couvertures d’Enki Bilal.. Les séries abandonnées sont rares. Le pactole! Un peu humide, certes, mais rien qui empêche vraiment de les lire. Une fois rentrée et me renseignant sur internet pour savoir dans quel ordre les aborder, je découvris qu'il y avait en fait 9 tomes et qu’il me manquait le premier -à savoir, celui-ci dont je vais vous parler aujourd'hui- mais un rapide passage à la bibl a rectifié cette erreur, et me voilà partie dans les aventures de Boro, reporter-photographe. La boîte à livres m’avait offert les tomes 2 à 5 inclus. Arrivée là, si j’ai envie de continuer, il me faudra me débrouiller.

Nous sommes en 1930. Blèmia Borowicz, dit "Boro" est à Paris, jeune, désargenté et handicapé d'une jambe, il rêve de gloire, il veut égaler Robert Capa, mais pour l'instant il n'est rien, bien heureux quand il dégote une rubrique des chiens écrasés. Quand on a la grossièreté de l'interroger sur sa jambe perdue, il sort à chaque fois une histoire différente. Seule sa famille peut savoir ce qui est vraiment arrivé. 

A propos de famille, Boro est fou amoureux de sa cousine Maryika qui persiste à ne voir en lui qu'un cousin et un ami, qu'elle aime beaucoup certes, mais "pas comme ça". Pendant qu'il s'évertue à se forger un destin à Paris, elle est en train de devenir une star du cinéma à Berlin où elle vit. Mais à Berlin, une boue brune monte sournoisement mais irrésistiblement, pour laquelle tous ceux qui ne collaborent pas activement sont des ennemis à détruire, et le monde du cinéma est en première ligne, Maryika en tête. Directement menacée à mesure que les nazis gagnent en pouvoir à Berlin, Boro viendra l'aider et tenter de la sauver de la seule façon possible: la fuite à travers l'Europe jusqu'à Paris, et même là, l'ennemi peut être menaçant...

Feuilleton à l'ancienne, très romanesque, beaucoup d'envolées, de folies et de déraison, mêlées à un pragmatisme abrupt de survie. Des chapitres assez courts dotés de titres comme on n’en fait plus : "L’homme aux gants de pécari", "Le prix du péché", "Victoire de Mme Merlu", et même l’audacieux "Pétomane révélé". Des personnages au-delà du vraisemblable mais restant dans les normes du roman, de l'action (beaucoup), des courses folles (un goût exagéré des belles voitures), des actions d'éclat, des personnages célèbres en arrière plan, des personnages archétypés au second plan, mais efficaces (artistes, nazis, chauffeur de maître, spartakiste etc.) On accepte les excès de la fiction et on se laisse emporter par l'aventure. Bref, on passe un très bon moment sans une seconde d’ennui. Les 700 pages passent très rapidement dans le rétroviseur et je me sens tout à fait prête à continuer avec les autres tomes (qui ont eu le temps de sécher) Mais ce sera à mon rythme, un de temps en temps et je gage que certains se retrouveront dans mon score des Pavés de l'Eté 2025.


Les Aventures de Boro, reporter photographe

    • La Dame de Berlin (1987)

    • Le Temps des Cerises (1990)

    • Les Noces de Guernica (1994)

    • Mademoiselle Chat (1996)

    • Boro s’en va-t-en guerre (2000)

    • Cher Boro (2005)

    • La Fête à Boro (2007)

    • La Dame de Jérusalem (2009)

    • Boro, Est-Ouest (2022)

978-225394012

02 janvier 2025

Houris

de Kamel Daoud

****


Comme vous le voyez, j'ai donné quatre étoiles à ce livre et non cinq, signe que je n'ai pas été totalement comblée par ce roman, je suis cependant très heureuse qu'il ait été écrit puis publié et également qu'il ait obtenu le Prix Goncourt qui lui a valu une diffusion énorme car c'est un bon livre, d'un excellent niveau littéraire, et cela dit ce qu'un pouvoir essaie de faire disparaître. Partout, toujours, quand un pouvoir tente d'effacer, de nier, d’empêcher de dire, quelque chose qui est arrivé, quelle que soit la raison donnée, il faut s'y opposer et prendre le contre-pied. Il faut parler, raconter, témoigner. Le pouvoir algérien a interdit d'évoquer ses dix ans de guerre civile et ses 200 000 victimes au prétexte que seul ce silence pouvait permettre la coexistence pacifique des deux factions un moment ennemies, et que ce n'était que sur ce no man's land de silence que pouvait se bâtir la suite de l'histoire, une suite pacifique, Mais ce n'est pas exactement ce qui s'est passé. Ce silence a en réalité permis aux responsables de cette période de se maintenir en place. Ils ont dû mettre fin aux exactions les plus sanglantes et se faire discrets, mais pas se retirer, pas tout perdre. Les victimes, elles, ont bien tout perdu. Elles ont perdu tout ce qu'elles ont subi pendant la guerre civile mais aussi depuis, le droit a être reconnues, respectées et aidées en tant que victimes. Au contraire, elles étaient le témoignage vivant et gênant d'une chose qu'on voulait oublier. On ne pouvait pas le leur dire mais on souhaitait les voir se cacher, disparaître, plus encore que les criminels. Elles témoignaient de l'injustice profonde dont tous étaient coupables et qu'elles avaient subi. On commence à douter (plus ou moins sincèrement) de leur réalité. On organise leur oubli. La mémoire est chose fragile. « Un souvenir est toujours écrit sur de l’eau, du sable, des matières qui changent et fuient. »

Ainsi en est-il de Aube qui, égorgée à cinq ans lors du massacre de son village (plus de mille victimes) et ayant miraculeusement survécu, arbore maintenant la cicatrice de son "sourire monstrueux" et oblige ceux qui la voient à se souvenir. Tous la craignent pour cela et sont mal à l'aise en sa présence. Cette tentative de meurtre l'a cependant laissée muette. Elle vit d'un petit salon de coiffure qu'elle possède a Oran et dans lequel se retrouvent les femmes du quartier de plus en plus interdites d'espace public. Malheureusement la mosquée est toute proche et le nouvel imam a la haine des femmes chevillée au corps. Ses prêches sont de plus en plus haineux. Un matin, Aube retrouve son salon de coiffure saccagé dans l'indifférence de la police.

Parallèlement, Aube, célibataire, est enceinte et ne désire pas garder le bébé à venir. Elle est persuadée que ce sera une fille et comment une fille pourrait-elle être heureuse dans l'Algérie qui est en train de se bâtir, de plus en plus répressive. Elle s'est procuré trois comprimés qui lui permettront d'avorter, en attendant, perturbée, elle fait le point de sa vie en se racontant en pensée à cette fille qu'elle porte. C'est ainsi que le lecteur en apprendra plus tant sur ce qui s'est passé pendant la guerre civile que sur ce qui se passe depuis. Ainsi, et également grâce aux rencontres qu'elle fera et aux récits que lui feront ces témoins.

Kamel Daoud use d'une langue très littéraire et belle.

"Les neuf ou dix ou dix-neuf soldats qui se trouvaient sur ce barrage avient été tués une heure après mon passage le matin. Je n'ai pas bougé, sauf une pierre dans ma poitrine qui me broya les côtes. Tout autour, le vent convoitait leur souffle et le grand Sahara nous tournait le dos. On a toujours l'impression qu'une personne vous observe de très loin dans ces lieux où rien ne pousse à part les songes ou les levers de soleil."

Son récit progresse en un mouvement en spirale, comme celui qu'on fait pour nettoyer une vitre. De ce fait, il ne progresse pas vite et semble au contraire, insister sur chaque passage plutôt que filer plus loin. C'est ce qui, volontairement je pense, enlève de la fluidité au récit. L'idée n'est pas qu'il file avec aisance du début à la fin de l'histoire qui nous est racontée. L'idée est au contraire d'insister sur tout, que rien ne "passe tout seul" et même, que rien ne passe du tout. Kamel Daoud veut que les choses soient gravées dans le roc, qu'elles soient là, qu'elles soient dites, et qu'elles s'imposent à tous. La suite, oui, un après pacifique, oui, mais pas sur un déni. Il ne peut en fait se construire durablement que sur une vérité reconnue et publique. Or, "Le colonel voulait arracher mon talent, le déraciner ou l'écraser avec sa chaussure ou lui mettre un voile ou une arme dans la bouche, et même lui interdire d'avoir une bouche, d’ailleurs!"

Ce roman est une belle œuvre, mais elle n'est pas très facile à lire. Elle exige un effort de son lecteur. J'ai trouvé aussi que les motivations d’Aube dans la deuxième moitié étaient un peu incompréhensibles, mais que sais-je de la psychologie d'une rescapée d'assassinat? J'ai trouvé également le passage à cette seconde moitié trop abrupt pour moi. Il n'y a pas de transition et, désorientée, j'ai perdu du temps à resituer les personnages.

978-2072999994

 Mon Challenge ABC 2025 :

En quoi cela consiste-t-il?  C'est simple: lire tout au long de l'année, faire les billets et relever un lien par nom d'auteur de chaque lettre de l'alphabet. Le but est d'avoir rempli l'alphabet avant le 31 décembre 2025.

Si vous en faites un aussi, on peut échanger nos liens et suivre nos progrès pour nous encourager mutuellement. Dites-le moi. Nous échangerons nos liens. Ça sera sympa.

Le mien :


A -

B -

C -

D - Daoud Kamel,  "Houris"

E -

F - Franck Dan, "La Dame de Berlin"

G - Galbraith Robert  "La Carrière du mal"  

H -

I - Irving John "A moi seul bien des personnages"

J -

K -

L - Luz "Vernon Subutex" (BD) avec Virginie Despentes  

M- Matar Hisham  "Mes amis"   

N -

O -

P -

Q -

R -

S - Saint Bris Paul "L'allègement des vernis"

T -

U -

V - 

W -

X -

Y -

Z-

28 décembre 2024

Une trajectoire exemplaire

de Nagui Zinet

***+


En août dernier, pour la rentrée littéraire, parmi les livres (pas très nombreux, on ne peut pas tout lire) qui avaient retenu mon attention, il y avait celui de Nagui Zinet. Il s'est imposé comme une évidence car c’était celui qui attisait le plus ma curiosité. Pas long, en plus, c'était sûr que j'allais le lire, et voilà, c'est fait.

"Une trajectoire exemplaire" est un premier roman et j'ignorais tout de l'auteur. Je ne connaissais même pas encore son compte Instagram. Pour commencer, j'ai été vraiment séduite par son écriture. C'était vif, incisif original.

Le premier chapitre, deuxième personne du pluriel, vous recadre en vous rappelant ce qu'est la vie -du moins dans la vision que le narrateur en a- et vous découvrez ainsi également le narrateur. Le deuxième chapitre, troisième personne du singulier, vous raconte l'emploi du temps habituel de ce narrateur qui du coup, devient personnage du récit. Il s'appelle Guyader. La dernière femme de sa vie l'a quitté il y a six mois, le laissant dans la plus complète vacance. Il ne quitte plus son lit que lorsqu'il y est absolument obligé. Il est juge d'instruction et il est chargé du dossier de N. , accusé du meurtre de sa compagne. N. tenait un blog qui était son journal, autant dire que la tâche des enquêteurs est simplifiée. "Un tissu de mensonges, de délires où parfois la vérité a réussi à s'accrocher." Guyader le relit.

Chapitre trois, deuxième personne du singulier. N. , devenu le narrateur, se parle à lui même et commente ce qu'il vit et fait. Ce sera le cas presque jusqu'au bout. Nous découvrons un looser sans profession qui sombre dans l'alcoolisme et erre en jetant sur autrui comme c'est souvent le cas, des regards méprisants. C'est un alcoolique aux références littéraires, qui se voit lui-même écrivain. C'est un mythomane également, qui agrémente ses stations aux différents comptoirs, de ses affabulations. Il parle facilement aux gens. Il a une liaison mais là encore il bousille ses chances par égoïsme et paresse. J'ai regretté que l'auteur ait entretenu une ressemblance forte entre ce personnage et lui (initiale, goûts littéraires et cinématographiques, aspect) La ressemblance est si accentuée qu'on est obligé de se demander à quel moment ils ne partagent plus les mêmes opinions. C'est gênant car N. n'est vraiment pas sympathique et mieux on le connaît, moins on l'aime. Et puis, il faudrait qu'il se méfie de l'humour de comptoir, à la longue, ça déteint et ça salit... N. devient sexiste, lourdingue et perd complètement le sens des valeurs. Adios, N!

Finalement, on retrouve Guyader qui fait le point sur cette lamentable affaire. Dommage qu'il soit lui aussi un peu taillé sur le même modèle dépressif. Je n'aurais pas détesté voir des personnages mentalement plus contrastés. Par contre, j'ai beaucoup aimé l'écriture:

"Tu as vingt cinq ans, le physique d'un lycéen, le foie d'un pilier de comptoir et tu écoutes Souchon. Tous les matins tu as l'impression de commencer une partie de scrabble avec sept consonnes."

Et globalement, le livre m'a intéressée. Je lirai le prochain roman de Nagui Zinet. On verra bien. Car il a beau déclarer en interview "L'écriture ne représente pour moi qu'une occupation du temps, ni plus ni moins importante que le football ou toute autre activité", je serais bien étonnée qu’il n’y ait pas de second livre.

978-2073071798

22 décembre 2024

Zazie dans le métro

de Raymond Queneau et 

Clément Oubrerie (dessins)

*****


"Zazie dans le métro", je l'avais lu trop jeune et à l'époque, ni compris, ni apprécié. Je le relis aujourd'hui où je ne suis plus trop jeune pour rien, mais dans une version bande dessinée, que nous devons à Clément Oubreri. Et du coup, j’ai révisé un peu le texte original pour comparer.

L'insupportable gamine est toujours là, et toujours aussi mal élevée. Elle débarque à Paris où son oncle Gabriel va la garder pendant trois jours, le temps que sa mère s'accorde quelques vacances avec un amour de passage. Elle préfère ne pas les ramener à la maison depuis qu'elle a dû tuer le père de la petite à coups de hache pour la protéger de ses avances. Bref, Zazie n'a pas eu une enfance rose et sereine, ce qui a fait d'elle la gamine dégourdie mais ingérable qu'elle est devenue. D'ailleurs, toute la famille est hors normes, Tonton Gabriel, taillé comme une armoire normande, n’est-il pas danseuse artistique, la nuit, dans un cabaret. Il a beaucoup d'amis/es ou connaissances (quand ce n’est pas carrément un car de touristes) que Zazie va être amenée à rencontrer, et ces trois jours à Paris vont encore sérieusement enrichir son expérience de la vie. A la fin de ses vacances, elle aura vieilli -de trois jours, comme tout le monde, me direz-vous. Mais pas que.

Pour l’instant, Gabriel, aidé de son ami Charles, voudrait bien lui faire visiter les monuments de Paris, mais cela ne l'intéresse guère (sans compter qu'ils les mélangent un peu tous). La seule chose qui intéresse Zazie, c'est le métro, dans lequel elle veut absolument monter, mais, manque de chance, c'est la grève, aucun métro ne roule.

C'est donc à pied et en taxi que se feront leurs déambulations. Déambulations au cours desquelles ils rencontreront toute une série de personnages extravagants, la palme allant à Pédro-Surplus alias inspecteur Bertin Poirée, alias Trouscaillon, changeant sans cesse d’identité, fou amnésique incapable de se souvenir qui il est, à moins que ce soit parce que "Prince de monde et de plusieurs territoires connexes, il lui plaît de parcourir son domaine sous diverses apparences"… Allez savoir.

Cette adaptation en BD de l’œuvre de Raymond Queneau est bien fidèle. On y retrouve le "néo-français" qui intéressait Queneau à cette époque, ce qui nous vaut des dialogues fleuris et bien sentis. (Oulipo pas loin)



Mais en attendant, la bande infernale écume Paris, ses flics à képi, ses restaurateurs infâmes



Queneau ne semblait pas les porter dans son cœur et nous fera même assister à une bataille rangée de première grandeur dont l'issue nécessitera l'intervention d'un étrange Deus ex Machina qui gardera toujours sa part de mystère. Sur ce point comme sur d'autres, le voile ne sera pas levé. Nous refermerons l'album loin d'avoir eu toutes les clés, comme c'était également le cas dans le roman.

Le dessin est parfaitement adapté, parfois clair et net, et à d'autres moments plus sombre et/ou confus, comme ce qui nous est raconté. Cette version BD du grand succès de Queneau est à mon sens, une réussite.


9782070610143