Dans ma peau
de Doris Lessing
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“Dans ma peau” est le premier tome de l’autobiographie de Doris Lessing. Elle y raconte ses mémoires de sa naissance en 1919 à son installation à Londres en 1949. Il y a un second tome, “La Marche dans l'ombre” qui nous mène de 49 à 1962. Mais je ne l’ai pas lu car il était épuisé (mais Albin Michel l'a rééduté depuis).
Cette autobiographie manifeste le sérieux souci d’une grande exactitude et d’une grande précision, tant dans les faits, les dates que dans la description des états psychologiques. Doris Lessing ne nie pas que les souvenirs sont sans cesse remodelés au gré de ce qui a été vécu depuis et de notre évolution mentale, mais elle ne se soucie pas de façon majeure de ce défaut. Elle tente de son mieux de nous raconter son histoire avec exactitude, fournissant détails, lieux, dates, noms, explications, qu’elles lui soient favorables ou non et sans tenter de justifier qui ou quoi que ce soit, ni chez elle, ni chez autrui. C’est cette liberté ce détachement et cette approche de l’objectivité qui rendent ce livre passionnant pour tous ceux qui s’intéressent à Doris Lessing
Elle se raconte, mais on n’a jamais l’impression qu’elle se regarde vivre ou se met en scène.
Nous la voyons petite fille, très proche de son frère, Harry et tout de suite opposée à sa mère dont il ne lui semble jamais recevoir assez d’amour et dont parallèlement elle ne supporte pas le caractère autoritaire. Nous faisons connaissance de son père, auquel la guerre de 14 aura volé une jambe et que ce handicap affaiblira lui ôtant la possibilité de rentabiliser jamais sa petite ferme de Rhodésie.
Nous la verrons grandir, se plaire à se coudre de jolies robes, à aller boire et danser et à séduire les garçons (qui étaient bien loin de se douter qu’ils tenaient dans leur bras un futur prix Nobel de littérature). Flirter donc, se marier et avoir des enfants, ce qui nous en apprendra beaucoup sur les maternités et surtout la révolution qui s’est accomplie en matière de soins aux nouveaux nés. (A cette époque, quand une maman quitte la maternité au bout d’une semaine, elle n’a jamais pu nourrir son bébé à sa guise et n’a jamais encore passé plus d’une ½ heure dans la même pièce que lui.)
Doris ne se sent pas femme à consacrer sa vie à élever des enfants. Ce qu’elle fait, elle le fait de son mieux, mais elle préfère assez tôt se séparer d’eux et de ce premier époux, d’autant qu’elle s’est lancée à corps perdu dans la politique. Elle est farouchement et sans compromission, communiste et antiraciste dans ce pays où la moindre remise en cause du racisme le plus caricatural et le plus primaire est perçu comme une menace*. Antiraciste, cette fille de colons blancs le restera toute sa vie et communiste, ce sera jusqu’à ce que ses yeux se décillent et que s’envolent les illusions qui furent celles des meilleurs de son époque. Son premier roman va bientôt paraître en Grande Bretagne : « Vaincue par la brousse » (The Grass is singing) … mais nous arrivons là à la fin de ce premier tome.
Avant cela pourtant, D. Lessing nous aura montré comme nulle autre une société coloniale obtuse, raciste et cruelle, mais qui a assez souvent elle aussi une existence difficile. La vie des «petits blancs» est dure. C’est peut-être de cette souffrance que leur vient l’impression qu’ils ont fait quelque chose pour ces colonies. En fait, l’interdiction de tout Noir à un poste de responsabilité ne pouvait, à leur départ, que laisser un pays sans cadres et sans personne formé pour le diriger.
*D’ailleurs, elle n’oublie pas : « J’ai été interdite de séjour pendant des décennies en Rhodésie du Sud, et aucun Blanc n’a élevé la voix en ma faveur » (p. 416)
978-2253141143