Conque
de Perrine Tripier
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978-2073056894
Je le fais rarement, mais cette fois, je vais vous fournir la quatrième de couverture, on gagnera du temps :
« Quelque part dans un pays battu par le vent du large, Martabée, historienne de renom, est mandatée par l’Empereur sur un chantier archéologique qui vient de mettre au jour les vestiges des Morgondes, guerriers-marins millénaires, dont seuls les bardes avaient gardé la trace. Martabée est chargée de les étudier afin de redorer le roman national.
Pour entremêler sa gloire à celle du pays, Martabée excave des héros et des mythes, avec émerveillement.
Mais quelque chose murmure sous le sable froid. Un appel sourd, dissonant, qu’elle devra choisir de suivre ou d’ignorer.
Lorsque la lucidité prendra le pas sur l’ivresse et sur la vanité, qui choisira de voir, et qui s’aveuglera encore ?
Fable politique et poétique, ce deuxième roman de Perrine Tripier allie le mystère à la contemplation.
Dans cette Conque s’enroulent des énigmes, portées par un souffle épique. »
Roman extrêmement ambitieux, fin et cérébral, qui n’a peut-être pas trouvé son public. « Conque » est une réflexion sur ce qu’est l’Histoire, sur le besoin que les sociétés ont d’avoir une Histoire et des historiens et sur les liens de ces derniers avec le pouvoir. Tout le monde connaît le lieu commun qui consiste à rappeler que l’histoire est toujours le récit du vainqueur, mais cela ne considère que les relations entre deux nations, deux sociétés différentes. Qu’en est-il à l’intérieur d’une même société ? Comme les individus, les sociétés ont besoin d’un récit qui les structure et les justifie. Ce récit leur est fourni au départ par leur environnement et leur histoire, puis ils le corrigent, l’organisent et l’améliorent dans le but de se renforcer. C’est de cela que Perrine Tripier a voulu parler, et c’était très ambitieux.
Pour simplifier et ne garder que ce qui servait vraiment son sujet, elle a épuré. Elle a sorti son récit du temps et de la géographie. On ne sait pas où cela se passe. En fait on comprend vite que c’est dans un lieu imaginaire et dans un temps imaginaire aussi, qui mêle l’image primaire d’un empereur tout puissant qui trône torse nu sous des fourrures, et celle moderne des armes à feu, des journalistes, des musées etc. Cette nation s’est construite sur le glorieux passé d’ancêtres appelés Morgondes, braves, beaux et brillants qui ont investi le pays et bâti leur monde. Malheureusement, de ces ancêtres, il ne reste que des contes et légendes. Aucune vraie trace historique. Pour une raison qu’on ignore, il y a eu une coupure et le monde actuel n’a plus de ses fondateurs que ces chansons et ces contes. Jusqu’à ce qu’on découvre enfin ce site archéologique inviolé. Martabée, femme solitaire et historienne reconnue, est chargée de diriger les fouilles et bénéficie de tout le soutien de l’empereur. Dès le départ, elle sent bien que ce soutien luxueux est aussi une main-mise sur les travaux mais elle ne peut l’éviter et puis, c’est toujours comme ça et ce n’est pas si grave. Mais que se passerait-il si on découvrait quelque chose qui jetterait à bas la légende des glorieux ancêtres ? Quelles seraient les conséquences ? L’empereur mécontent, certes, mais peut-être pas seulement. Toute la nation actuelle n’en serait-elle pas bouleversée, menacée même ? Et dans ce cas, quelle serait la réaction du peuple ? Du pouvoir ? Allons plus loin, quelle devrait-être selon vous la réaction du pouvoir ? Et des historiens ? Si découvrir le passé peut détruire le présent, que doivent-ils faire ? Et à propos, quel était leur rôle depuis la création de leur science ?
C’est à tout cela que Perrine Tripier vous fera réfléchir. Quand je vous disais que c’était ambitieux. Tout le monde ne suivra pas. Pourtant, les romans qui vont là où on n’est pas encore allé mille fois sont les seuls qui vaillent la peine d’être écrits.