La couleur des sentiments
de Kathryn Stockett
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- Grand prix des Lectrices de Elle 2011
Ce roman dort dans ma PAL depuis des années et des années. La lecture en était déjà prévue pour les Pavés de l'été, mais l’année dernière! Ca ne s'était pas fait, mais cette année, en y ajoutant le Petit Bac, il fallait que j'agisse. Cette procrastination n'avait que trop duré. Et je l'ai fait, je l'ai lu mais, j’ai remis à plus tard la rédaction du billet, et un peu plus... je ratais le coche encore une fois! Cet excellent roman ne méritait vraiment ni cet excès d'ho(rr)eur ni cette indignité. Il est temps de conclure.
Jackson, Mississippi, début des années 60, la ségrégation raciale y bat encore son plein comme nulle part ailleurs et quoi que puissent dire les nouvelles lois. Martin Luther King n'a pas encore été tué, au contraire, il s’apprête à déclarer qu'il a un rêve, devant le Lincoln Memorial à Washington, D.C. Quelques voix noires commencent à s'élever, soutenues par quelques blancs aussi, mais pas à Jackson. A Jackson, vous seriez massacré pour la moindre apparence de sympathie pour cette cause. A Jackson, la ségrégation la plus stricte s'applique, qu'elle soit affirmée à coups de fusils ou de battes de baseball, ou qu'elle soit simplement appliquée dans les moindres détails de la vie quotidienne. Blanc et noirs ne peuvent partager ni lieux d'éducation ou de culte, ni hôpitaux, ni magasins, ni quartiers, ni bibliothèques où les livres pour noirs sont sévèrement censurés, ni vestiaires, ni toilettes, Il suffit d'être blanc pour faire partie des nantis, ou noir pour faire partie des domestiques, puisqu'on ne peut plus dire esclaves. Mais les "dames" blanches à la conscience tout à fait tranquille, sont dans le déni et se chargent de répandre la doxa selon laquelle tout cela est ce qui convient le mieux pour tout le monde. Parmi elles, Skeeter est à ce point innocente que, comme elle veut devenir écrivaine, lui vient l'idée de faire raconter par les bonnes noires, comment elles sont traitées chez les blancs qu'elles servent. Tout le monde sait bien qu'il ne faut pas faire ça, et Skeeter elle-même réalise peu à peu les risques que son initiative fait courir à toutes celles qui acceptent de collaborer avec elle, c'est le chômage définitif sans aides qu'on risque, l'attaque nocturne de sa maison et le lynchage, la mort peut-être. Mais les choses sont lancées, Le mouvement des Noirs se fait entendre au loin, en arrière plan, et surtout, une fois que les langues ont commencé à se délier, tout sort.
Parallèlement, mais moins fort, on aperçoit les autres oppressions, les petits garçons à qui on apprend dès six ans à tuer des animaux à mains nues, les filles dressées à séduire et à se vendre, les maris violents, l’homosexualité complètement taboue, la violence partout contre celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule (la scène du médecin lors de la fausse couche est une pure horreur).
Un roman vraiment indispensable qui parle d'humanité, de femmes faibles mais fortes, d'hommes qui, même bienveillants, renoncent rarement à jouir des avantages qu’ils ont, si abusifs soient-ils. Wikipédia m'apprend que "The help" (titre original) a été refusé par soixante agents littéraires sur une période de trois ans, avant d'être publié en 2009 mais qu'il a immédiatement été un énormissime succès (comment les éditeurs font-ils pour manquer à ce point de flair?) "En août 2011, les ventes totales, toutes éditions confondues, sont estimées à sept millions d'exemplaires." et ça continue.
Plaisamment présenté partout comme "Le premier roman de Kathryn Stocket", mes recherches ne m'ont pas permis de trouver qu'elle en ait publié d'autres.
PS : L'oiseau moqueur de Harper Lee est plusieurs fois évoqué (encore un qui se languit dans ma PAL)...
978-2330026691