Le Barman du Ritz
de
Philippe Collin
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978-2226479938
Roman historique dont on parle beaucoup en ce moment, ce «Barman du
Ritz» va nous placer supposément dans l’esprit du célèbre
barman et dans les coulisses de l’établissement iconique du luxe
et de l’esprit parisien. Le récit commence avec l’arrivée des
Allemands au bar et se termine avec celle des Américains. Quatre ans
se sont écoulés, quatre ans durant lesquels il a bien fallu…
s’adapter. La France envahie honteusement s’était repliée sous
la ligne de démarcation, Pétain entouré de sa clique qui n’allait
faire que croître et donner de plus en plus de gages aux nazis sans
trop se faire prier. Mais le Ritz est à Paris, je ne vous
l’apprendrai pas et lui, avait bel et bien les nazis à sa table et
à son zinc. Il fallait faire bonne figure, et sans avoir l’air de
se forcer. Et, comme tous les comportementalistes vous le diront, à
force de mimer un sentiment, on l’éprouve. Telle était la France
occupée. Une partie de la population essayant de vivre avec le
minimum de changements et qui dirait à la Libération ne jamais
avoir collaboré ; et une autre partie qui elle, de par sa
profession, était bien obligée de cohabiter de manière rapprochée
et donc de se soumettre davantage.
«
Au fond, le pays ne demandait que ça : la paix et basta cosi. »
Et
puis les lois antisémites, qui se mettent en place et là encore,
deux clans chez les Français, ceux qui approuvent et ceux qui
choisissent le déni. Souvenez-vous de vos arrières-grands-parents
vous racontant qu’ils ne savaient pas.
Les
années passaient, chacun avait une famille à nourrir, des proches à
protéger, un commerce, une carrière à mener… il fallait bien
faire avec. Il ne faut jamais oublier que la grosse différence entre
eux et nous, c’est nous savons que cela a duré quatre ans. Eux
l’ignoraient. Tel que c’était parti, les Allemands pouvaient
très bien être là pour toujours. Ça change la façon d’estimer
les choses et de choisir un comportement. Les irréductibles ont
organisé la résistance, mais on n’en parle pas dans ce roman. Les
autres se sont adaptés.
«
Quant à tous les autres, guidés par l’opportunisme et surtout par
la peur de perdre leurs privilèges, ils se sont adaptés aux
exigences des temps nouveaux. »
Le
Ritz au premier rang, c’est le moins qu’on puisse dire, mais
Guitry, Arletty, Chanel, Cocteau, Mistinguett aussi, fidèles clients
de l’établissement. Bref, de l’adaptation à la collaboration il
n’y a qu’un pas sur une surface bien glissante… Si bien qu’à
la fin,
«
Au fond, personne n’aura envie de savoir ce qui s’est passé dans
ce bar pendant quatre ans. Telle est la vocation d’un palace : un
palais de contes de fées où le rêve ne doit jamais s’interrompre.
»
Mais
je le rassure, il y a bien d’autres endroits où on n’a pas eu
envie de savoir, globalement, tous ceux où les personnages concernés
étaient nécessaires à la poursuite des activités et au retour à
la normale. On s’en est tenu aux cas les plus criants. Le
pragmatisme gagne toujours.
Voilà
ce que nous raconte ce roman historique : quatre années d’occupation
nazie dans le Tout Paris. Il mêle une majorité de personnages réels
et de faits historiques à quelques personnages fictifs apportant une
touche émotionnelle. La focalisation sur le barman permet une vision
toute personnelle et même une histoire d’amour. Il y a un peu de
suspens, une résistance, plutôt suggérée que vraiment prouvée,
il faut bien le dire. Du trafic de faux papiers qui sauve quelques
Juifs, mais si bien rémunéré qu’on se demande si on est dans la
résistance ou dans le business. Le barman sauve un jeune juif, mais
celui-là, c’est un personnage fictif. Hemingway s’en va,
Hemingway revient, et l’histoire est finie. Je n’ai pas
spécialement aimé notre héros, j’ai méprisé (même si elle a
pris cher) sa Blanche bien aimée qui confond addiction incontrôlée
et résistance. J’ai compati pour certains mais globalement, ils
sont tellement tous dans la normalité moyenne qu’on ne s’attache
pas vraiment et j’ai trouvé que le récit manquait un peu de
rythme et de punch au moins dans sa première moitié. Cependant, je
l’ai lu avec intérêt et sans avoir à me forcer.
La
maison d’édition, qui a du savoir-faire, a publié en même temps
« L’Art du cocktail: Par le barman légendaire du Ritz » de Frank
Meier, que les amateurs d’alcools forts et/ou d’Histoire et/ou
les alcooliques mondains s’empresseront d’acquérir, mais moi
j’en suis restée au pianocktail de Vian.