Le Club des policiers yiddish
de Michael Chabon
***+
Tout d'abord, il faut préciser que ce roman policier est une uchronie (ce qui lui a valu le Prix Hugo qui couronne des ouvrages de science fiction). Cependant, il y a gros à parier que les amateurs de science-fiction n'y trouveront pas leur compte car l'imagination uchronique se limite à situer l'action dans un monde tel qu'il aurait pu être si le le projet Ickes pour l'Alaska (1939) avait été mené à terme. Il consistait à attribuer aux Juifs fuyant l'Europe une terre d'asile provisoire dans un bout de l'Alaska. Le monde en question n'est guère différent de ce que furent les grosses villes américaines pleines de gangsters, sauf qu'ici, les gangster sont tous juifs pratiquants voire orthodoxes, comme la majorité de la population, partageant le territoire avec des Indiens autochtones peu nombreux. La cohabitation des deux peuples n'a pas toujours été tendre, mais on est arrivé à une espèce de statu quo. Ces gens sont les descendants directs des rescapés des camps.
"Le père de Landsman, de retour de fraîche date d'une tournée des camps de la mort et de déportation européens, venait d'arriver seul à Sitka à bord du Williwaw. Il avait vingt cinq ans, il était chauve et presque édenté. Il mesurait un mètre quatre-vingt-deux pour soixante trois kilos, Il dégageait une drôle d'odeur, tenait des propos bizarres et avait survécu à toute sa famille."
De plus, on arrive au terme du mandat que les Juifs avaient sur ce territoire : il va leur falloir partir ! Tout le monde est très tendu. L'ambiance est bien rendue.
"Noceurs et touristes ont cédé le pas à une population de personnages interlopes et d'immigrés russes, une poignée de Juifs ultra-orthodoxes et une bande de semi-professionnels bohèmes, amoureux de l'ambiance de fête gâchée traînant dans le voisinage, telle une guirlande de Noël accrochée à la branche d'un arbre dénudé."
On a donc plutôt affaire à un roman policier. L'inspecteur Landsman, divorce malheureux et alcoolique (que c'est original !) vit dans un hôtel particulièrement minable où un junkie vient d'être abattu. Ce n'est pas une affaire bien passionnante, mais comme cela a eu lieu pratiquement "chez lui", il se sent vexé et décide d'essayer d'élucider l'affaire qui, d'allure quelconque au départ, se révèle de plus en plus grosse et compliquée au fil des recherches...
Alors, c'est un gros livre (presque 500 pages), qui, je l'ai dit ne plaira sans doute pas aux amateurs de science-fiction, et, je le précise maintenant, sans doute pas davantage aux amateurs de romans policiers car il est vraiment peu lisible. Le gros problème est un problème de clarté. D'abord, il y a le vocabulaire. Énormément de termes yiddish, au point qu'un glossaire a été ajouté en fin d'ouvrage. Cela part d'une bonne intention, mais cela ne suffit pas. Déjà, beaucoup de termes n'y sont pas et puis, s’interrompre toutes les dix lignes pour aller chercher à la fin de l'ouvrage ce qu'on peut bien être en train d'essayer de vous raconter, franchement, ça n'aide pas à maintenir le fil de l'histoire. Fil de l'histoire qui est déjà, bien compliqué, tordu et emmêlé, le lecteur a du mal à s'y retrouver. Les passages abrupts d'un moment ou d'un lieu à un autre n'arrangent rien non plus. Il y a aussi des personnages que j'ai mal identifiés, ou confondus... Bef, je me suis plusieurs fois retrouvée à me demander ce que je pouvais bien être en train de lire... Pourtant, je ne sais pas trop pourquoi, pur entêtement ou peut-être quand même une belle écriture par moments ou un personnage sympa comme son adjoint Berko, géant mi-juif, mi-indien, qui sera d'ailleurs pas mal oublié et évacué n'importe comment à la fin du roman. Fin qui ne sera d'ailleurs pas plus claire que ne l'ont été toutes les pages précédentes.
"Je pensais que je travaillais pour tout le monde. Tu sais, le service public, le respect de la loi. Mais, non, en réalité je travaillais pour Cashdollar."
En conclusion, je me demande bien comment ce roman abscons a pu avoir des prix. Encore un grand mystère de l'entre-soi éditorial, je suppose. Clairement, ça ne valait pas le temps que j'y ai passé. J'ai cependant décidé d'essayer de lire un autre roman de Michael Chabon parce qu'il y a tout de même "quelque chose", mais cette fois, j'ai décidé d'avance de ne pas insister s'il recommence dans le même style hermétique puisque je sais maintenant que "le moment où ça s'arrange et où le livre s'éclaire" n'arrive jamais. Je vous tiens au courant.
978-2264050441
Après tout, l'Alaska c'est mieux que le Birobidjan !
RépondreSupprimerMais oui, c'est exactement ça ! J'avoue que je ne connaissais pas et que je suis donc allée lire l'article de Wikipédia à la suite de ta remarque et c'est très éclairant. Michael Chabon avait très certainement cela en tête.
SupprimerLe roman, lui, est situé comme je l'ai dit en Alaska, à Sitka.
Merci beaucoup pour cet éclairage très intéressant.
Je passe, donc. Mais j'ai bien aimé Telegraph avenue, de cet auteur, bien plus limpide.
RépondreSupprimerJe ne connais pas. Comme je le disais, j'en ai un second dans ma PAL pour une seconde chance, mais c'est "Des garçons épatants"
Supprimer