L'incroyable
équipée de Phosphore Noloc et de ses compagnons
Pierre
Gripari
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978-2710304036
Réputé
« pour ados » Il a tout ce qu’il faut pour satisfaire
les iconoclastes de tout âge.
Titre
intégral : L'incroyable équipée de Phosphore Noloc et de ses
compagnons: Racontée par un témoin oculaire, avec quelques détails
nouveaux sur les gouvernements des Îles de Budu et de Pédonisse.
Publié
en 1964, après «Pierrot la Lune », « L'incroyable
équipée de Phosphore Noloc » est le second roman de Pierre
Gripari et le premier non autobiographique. Gripari avait alors 39
ans, avait également déjà écrit une pièce de théâtre
(Lieutenant Tenant) et mettait tout en œuvre pour réussir une
carrière littéraire. C'était avant ses romans pour enfants, bien
que celui-ci pourrait tout à fait être lu par des adolescents,
c'était un livre d'aventure pour l'ado qui est en nous. Et quelle
aventure !
Contée
par un jeune homme de 16 ans, il nous dit comment, parce qu'il était
devenu l'ami d'un camarade très riche, il s'était fait offrir cette
croisière dont il se régalait fort, jusqu'à ce qu'une mutinerie
déroute le navire de sa destination initiale. Elle avait été
fomentée par le Professeur Phosphore Noloc jusqu'alors passager, et
qui avait soudoyé l'équipage. Ce vaillant scientifique avait été
rejeté par toute la corporation depuis qu'il avait soutenu que
l'AMERIQUE N'EXISTAIT PAS.
C'est
quand même énorme. Au début, j'ai cru à une métaphore, mais non,
c'est au sens premier qu'il vous faudra le prendre une fois que le
professeur vous aura expliqué comment, depuis Christophe Colomb qui
ne pouvait se permettre de rentrer bredouille, jusqu'à aujourd'hui,
tous les gouvernements du monde, les uns après les autres, ont
toujours trouvé avantage à accréditer cette mystification de
l'existence de l'Amérique. Et d'ailleurs, si le bateau se déroute
aujourd’hui, c'est bien pour foncer droit plein ouest, jusqu'à ne
pas la trouver (puisqu'elle n'existe pas on vous dit) et alors,
trouver quoi à la place ? Mais le bout du monde, bien sûr, car
pas plus qu'il n'y a d'Amérique, la terre n'est ronde. C'est bien
plate, qu'elle est, et au bout, elle s'arrête, et Phosphore Noloc
veut aller voir ce qu'il y a ensuite et sur quoi elle est posée
(quoiqu'il ait déjà sa petite idée sur la question, mais là je ne
veux pas vous en dire plus, cela ferait trop d'un coup pour vos
esprits non préparés).
Alors
dit comme ça, oui, ça fait lecture pour ado, ou bien lecture
comique, et c'est bien un peu tout cela, et les passages drôles sont
nombreux, mais c'est davantage aussi, eu
égard aux concepts explorés : la religion d'abord
(l'athéisme débridé de Gripari se lâche), l’ethnologie, la
sociologie. Il y a au passage des découvertes de sociétés bien
différentes des nôtres à l'occasion des escales (car le bout du
monde, c'est loin) et là, on est chez Voltaire ou Guilliver. Il y a
des études de caractères, car quoi de mieux que l'espace clos d'un
bateau en crise en pleine mer où tout est devenu possible, où
l'argent ou la position sociale n'ont plus aucune valeur ? Des
scènes d'anthologie dignes des meilleures histoires de pirates et
puis et puis, Pierre Gripari n'est pas le genre d'écrivain qui
laisse au lecteur le soin de conclure. Avec lui, on a toujours la
réponse à la question qui nous aura fait courir pendant tout le
livre : et l'Amérique alors, elle existe ? Et sinon, qu'y
a-t-il plein ouest ?
De
Gripari, on peut admirer la verve et la richesse de l'imagination
totalement débridée et là encore, on n'est pas déçu et on dévore
280 pages vraiment vraiment très originales qui vont nous trimbaler
de surprise en surprise et réussir à nous faire vibrer avec cette
histoire si extraordinairement invraisemblable (au moins au premier
abord). Mais les histoires invraisemblables et passionnantes,
n'est-ce pas à nous faire vivre cela que servent surtout les
romans ? Certains en doutent, mais pour moi, c'est clair, si,
c'est à cela ; et rien n'est plus clair qu'une situation
imaginaire caricaturale pour bien voir les choses (réelles,
celles-là) :
« Quoi
qu'on en dise, le fatalisme est au fond la philosophie naturelle de
l'homme. Il a quelque chose de satisfaisant non seulement pour
l'esprit, ce qui est évident, mais aussi pour le corps. Il détend
les muscles et apaise l'âme. Il rafraîchit et il repose. Du
seul fait que nous n'avions pas la moindre idée du but de notre
voyage, nous nous trouvions dans les meilleures conditions possibles
pour en jouir.»