Trust
de Hernan Diaz
*****
Je n'avais encore jamais lu de roman de Hernan Diaz bien que "Au loin" patiente depuis déjà un bon moment dans ma PAL, mais le Pulitzer qui vient de lui être attribué m'a décidée et c'est maintenant chose faite.
"Trust" est vraiment un roman remarquable, par sa construction tout d'abord, complexe et très intelligente, par ses thèmes plus nombreux qu’on ne le croit au début et par sa belle écriture. C'est un livre très féministe aussi, alors qu'il n'est pas du tout donné comme tel. Et il m'est par ailleurs très difficile de parler maintenant de ce roman car il est important de ne surtout pas en dire trop pour ne rien déflorer, tant la construction est habile.
"Trust" est composé de quatre récits. Le premier et le plus long, raconte la vie de Benjamin Rask, l'homme le plus riche de New York, depuis sa jeunesse dorée, jusqu'à son veuvage et son retrait de la société qu'il n'avait jamais beaucoup fréquentée. Il est peu sociable, mime une vie sociale plutôt qu'il n'en a une vraie et demeure longtemps célibataire. Un jour cependant, il rencontrera une femme dont il s'éprendra totalement. Son épouse, à l'esprit artistique, mènera une vie de mécène éclairée.
Benjamin est un solitaire que nous voyons bâtir sa fortune colossale sur ses intuitions géniales, son sens de la Bourse, ses calculs et son expérience. Si on lui envie sa réussite, il n'en est pas moins admiré de tous pour son savoir-faire. On l'accuse par ailleurs d'avoir causé par ses manœuvres en bourse le crash de 1929, entraînant la ruine de milliers d'investisseurs et épargnants alors que lui-même en tirait au contraire profit.
Ce premier récit se termine à la page 130 sur les 400 du roman. Il sera suivi de trois autres dont je ne peux pas vraiment parler pour ne pas gâcher le plaisir de votre lecture. Je peux cependant vous dire que ce premier récit porte en lui, de façon remarquable, tout ce qu'on verra se développer ou se transformer par la suite. C'est d'une habileté diabolique.
Ce roman parle de l'argent, de ce qu'est et de ce que peut l'argent : une fiction et presque tout. Il montre comment il fonctionne (chose que vous comprendrez plus ou moins bien selon votre connaissance des mécanismes boursiers - nulle pour moi), comment il se gagne et comment il se perd. Il montre son rôle social aussi. Il parle de l'amour, du rôle attribué aux femmes dans la société et de ce qu'elles peuvent ou non attendre des hommes. Il vous montrera les pauvres se résignant ou se saoulant de discours de révolte
"Je les ai regardés tous les deux, qui fixaient sombrement le fond de leurs verres, et j'ai frissonné de gêne. Leur grandiloquence. Leur sérieux de petits garçons. S'ils avaient su comment les décisions étaient réellement prises, s'ils avaient entendu combien la vraie voix de l'autorité était feutrée, s'ils avaient pu voir la distance impossible qui les séparait de n'importe quelle forme de pouvoir véritable."
et les riches se leurrant du mythe de leur utilité
"Et une fois de plus il prouva, comme ses ancêtres avant lui, que le profit personnel et le bien commun, loin d'être incompatibles, pouvaient devenir les deux facettes d'une même pièce à condition d'être entre de bonnes mains."
et au bout du compte,
"En un cycle infernal, les travailleurs conservaient leurs métiers déshumanisants afin à la fois de produire des biens superflus et de les acheter."
C’est là que nous en sommes.
Lisez-le (et dites-moi, je pratique le partage de liens).
Keisha l'a lu
978-2823617887
Je partage entièrement ton avis. La construction de l'intrigue est vraiment bluffante.
RépondreSupprimerOui, construction remarquable, mais le fond aussi. Et en ayant l'air de parler de tout autre chose, c'est un roman profondément féministe.
SupprimerBonjour, je n'ai entendu que des avis positif sur ce roman mais je ne sais pas si le sujet m'intéresse vraiment. Il faudrait que je l'emprunte en bibliothèque. Merci pour le conseil. Bon dimanche.
RépondreSupprimerC'est un roman remarquable, mais je ne connais pas assez tes gouts pour dire s'il te plaira. Ca devrait, quand même (je n'arrive pas à imaginer qu'on ne l'apprécie pas) :-)
SupprimerJ'avais beaucoup aimé Au loin et je veux vraiment lire celui-là... Merci pour cet avis !
RépondreSupprimerPas encore lu "Au loin", mais ça va venir et oui, il FAUT lire celui-ci. Le père Noël, peut-être? ;-)
SupprimerMe voilà tentée mais avec son Pulitzer, le roman est très emprunté, je vais devoir faire preuve de patience avant de pouvoir le lire. J'ai hâte de découvrir son côté féministe qui n'était pas particulièrement ressorti des autres billets que j'ai pu lire à son sujet.
RépondreSupprimerIl l'est pourtant, fondamentalement. Il y a les biblis, (parfois il suffit de s'inscrire dans une petite bibli où il est dispo) et il y va très bientôt y avoir aussi les ventes en solde d'après Noël... ;-)
SupprimerJe n'ai vraiment pas aimé, alors que j'avais adoré "Au loin"... Pour moi, cette construction ne fonctionne pas et je me suis largement ennuyée pendant certaines parties.
RépondreSupprimerBon, comme tu as vu, ce n'est pas du tout ce que moi j'en ai pensé. On n'a pas les mêmes goûts, c'est tout. Pas grave.
SupprimerJe l'ai surtout lu pour sa construction, là, d'accord, mais pour le féminisme de souvenir c'est peu? Je ne peux trop en dire, en tout cas j'apprécie que tu n'aies pas divulgâché.
RépondreSupprimerDivulgâcher ?!?!?! Jamais !!! c'es un crime impardonnable à mes yeux. L'auteur ne se donne pas la peine de tout organiser d'une certaine façon pour que le premier lecteur venu fiche tout en l'air! Ceci dit, je ne peux du coup, pas te répondre ;-) mais je maintiens, si tu reconsidères bien l'ensemble
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