25 octobre 2023

A prendre ou à laisser 

de Lionel Shriver

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Quatrième de couverture:

« Pendant dix ans, Kay a assisté son père atteint de la maladie d'Alzheimer. À la mort de ce dernier, le soulagement l'emporte sur la tristesse et une question surgit : comment gérer sa propre fin de vie ?

Une discussion avec son mari Cyril, quelques verres de vin et les voici qui en viennent à nouer un pacte. Certes, ils n'ont que cinquante ans, sont en bonne santé et comptent bien profiter encore de leurs proches, mais pas question de faire peser sur ceux-ci et sur la société leur inéluctable déliquescence. C'est décidé, le jour de leurs quatre-vingts ans, Kay et Cyril partiront ensemble.

Le temps passe et voici qu'arrive la date fatidique. »


Ma seconde tentative avec Lionel Shriver, la première ("Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes") m'avait intéressée mais laissée avec beaucoup de réticences. Force est de constater que celle-ci me fait exactement le même effet. Pourtant, cette fois, le sujet (la fin de vie) m'intéressait énormément, alors que les performances sportives d'un corps vieillissant me semblaient d'un intérêt moyen. La fin de vie! Sujet captivant à mes yeux. Alors voyons où les réflexions de L. Schriver l'ont menée.

Trente ans après le pacte, le couple est toujours uni et, même s'ils évitent d'en parler, la décision n'est ni oubliée, ni annulée. Arrive la date fatidique (ce qui à mon avis a pris un peu trop de temps, dans ce roman qui démarre façon diesel) et l'auteure choisit d'imaginer treize suites possibles en y faisant réapparaître quelques points communs pour le fun. Que peut-il se passer après cet anniversaire?

Comme je l'ai dit, j'ai trouvé un peu long le chemin pour y parvenir, mais ce fut pire ensuite puisque L. Shriver commence par les hypothèses les plus évidentes et je m'ennuie un peu. Les pages se tournent lentement... mais dans les dernières hypothèses, après une version réellement cauchemardesque (sans doute pour casser le ronron des histoires sans surprise), ça commence à devenir intéressant et cela le sera de plus en plus jusqu'au final. Et voilà pourquoi après avoir ronchonné pendant une bonne partie de ma lecture et m'être maintes fois arrêtée pour compter les pages, j'ai fini sur une impression positive et l'ensemble m'a amenée à réfléchir sur le problème.

Quand on a cinquante ans et qu'on vient d'assister longuement et en détail à la déchéance complète et trop lente d'un proche, décider qu'à 80 ans, on deviendra trop vieux et qu'il sera temps d’arrêter, semble une évidence. Mais en est-ce une? L'argument vous parait imparable. Mais déjà aujourd'hui, vous ne courrez plus comme quand vous aviez vingt ans. Bientôt, vous ne pourrez plus du tout courir. Mais marcher, oui, et encore assez bien. Est-il temps de se tuer quand on ne court plus ou cela fait-il partie des pertes acceptables? Alors, est-ce quand vous ne marcherez plus que très difficilement, et lentement, voire plus du tout? La valeur d'une vie tient-elle donc à ses jambes? Mais si vous avez encore toute votre tête, que vous trouvez la vie plutôt douce dans votre fauteuil entre une compote et un roman... faudra-t-il y mettre un terme? Il ne faut plus songer aux voyages, vous sortez peu de votre maison où vous vous sentez bien. Est-ce le signe qu'il faut mourir?

 Non, dites-vous, pas tant que j'ai toute ma tête, mais de ce côté-là, n'avez vous pas aussi commencé à perdre? Supportez-vous toujours bien l'agitation, le bruit? A seize ans, vous étiez sûr que c'était la vie. L’esprit aussi vieillit, c'est normal.  Est-ce que vous n'oubliez pas plus facilement les choses récentes que les anciennes? Et si vous oubliez des choses, êtes-vous sûr de savoir parfaitement quand ce ne sera pas simplement de la distraction ou des détails sans importance? Quel est le signe de baisse intellectuelle qui décidera du moment de mourir? Est-ce si évident?

Alors vous répondez: non. Le signe, c'est la douleur. Ne pas vivre ma fin de vie dans la douleur. Certes, mais ne souffrez-vous pas déjà? Rhumatisme, arthrose, digestion, chutes, fractures, petites tumeurs, interventions chirurgicales et leurs convalescences de plus en plus longues? Et puis, ne pas tout récupérer, et décider que ça va quand même... Et c'est vrai que ça va. Il y a encore de bons moments et ça vaut le coup de les vivre. Alors la douleur ne serait pas le critère non plus? Alors quoi? La douleur intolérable? Mais alors là, vous serez à l' hôpital et vous ne maîtriserez plus rien, ne déciderez plus de rien (surtout en France) et vous ne pourrez plus choisir.

Conclusion? me direz-vous? Ma réponse : "C'est pas simple".

Et puis, ne vous tracassez pas trop pour ça. La mort prend beaucoup de gens par surprise. On ne décide pas de tout.

978-2714495846

6 commentaires:

  1. Tu as bien fait de récidiver et de persister finalement.

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    1. Oui. C'est la seconde moitié qui m'a intéressée.

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  2. Je suis d'accord avec ta démonstration et ta conclusion sur ce thème qui est forcément intéressant.
    Je reste intriguée par le roman, d'autant que je viens de lire et aimer "Quatre heures..."

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    1. Oui, il est très lisible et au final, on reste sur une bonne impression parce que la fin est excellente (à mon avis) ;-)

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  3. Un roman qui amène à réfléchir comme ça, c'est bon signe, même si sa lecture a pu être fastidieuse parfois. Il faut sans doute bien choisir le moment pour le lire en revanche, le sujet n'étant pas simple.

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    1. Ca n'est pas un livre triste, ni déprimant (sauf une des fins possibles, mais il y en a aussi des drôles)

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