07 mars 2022

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes

de Lionel Shriver

****

C'est ma première lecture de cette auteurE (car ce Lionel-là est unE Lionel). Je dis tout de suite que le style ne m'a pas emballée. Ce n'est pas ce que j'aime en littérature, si bien qu'au début il a fallu que je me force pour poursuivre ma lecture. Des phrases brèves, sans recherche, sentiments abrupts... Pour vous dire, ça commence comme ça : /

«- J'ai l'intention de courir un marathon.

Dans une mauvaise sitcom, elle aurait recraché son café sur la table du petit déjeuner. Mais Serenata était quelqu'un de posé, alors entre deux gorgées, elle glissa un "Quoi ?" sur un ton acerbe mais poli.

-Tu m'as très bien entendu

Dos à la cuisinière, Rémington l'examina avec une assurance déconcertante. »

Les prénoms ridicules, la vulgarité des sentiments, on en était à la ligne six et j'avais déjà une grosse envie de refermer le livre. Mais je ne l'ai pas fait et je suis même allée jusqu'au bout sans en passer une phrase. Même si, je ne sais pas si c'est la traduction, mais des phrases comme « Ses jambes étaient une tout autre paire de manches. » me laissent un peu songeuse... Arrivée au terme des 383 pages, je ne regrette pas ma lecture mais je ne prévois pas d'aller plus avant dans ma découverte de cette auteure, tout en sachant qu'il ne faut jamais dire jamais.

Pourquoi je ne regrette tout de même pas d'avoir lu ce roman ? Parce que les thèmes évoqués sont nombreux et intéressants. D'abord, je situe l'histoire : Serenata et Remington donc, milieu aisé, sont depuis peu à la retraite. Serenata a toujours été très sportive, mais voilà que ses genoux lâchent et qu'elle est très handicapée. Elle poursuit des entraînements déraisonnables et refuse l'idée des interventions nécessaires qu'elle voit comme des mutilations. Lui, adorait son métier mais vient de perdre son emploi pour cause de wokisme abusif, premier sujet traité avec une bonne objectivité. J'ai apprécié.

Ils se sentent tous deux vieillir mais en refusent l'idée même, c'est ainsi que notre Remington désœuvré qui ne s'est jamais intéressé au sport, va soudain se lancer dans une dinguerie de marathon survitaminé qui ne va pas tarder à tout mettre en danger: sa santé, leur aisance matérielle, leur couple et plus encore. Les thèmes modernes de la terreur du vieillissement, du sport vu à la fois comme panacée anti-âge, comme outil de sélection et comme marqueur social, sont bien explorés et on suit avec intérêt le fonctionnement de l'engrenage. Il est aussi question des relations parents-enfants quand elles sont difficiles. Ce sont tous des thèmes actuels intéressants et bien observés. C'est la grosse qualité de ce roman. Mais attention, c'est traité à l'américaine, beaucoup de gros mots, un fonctionnement de groupe plutôt sadique, des relations sociales différentes. La bande de "copains" même pas proches qui débarquent plus que très régulièrement pour manger chez vous tout en se servant eux-mêmes dans les réserves et en n'hésitant pas en cours de conversation à traiter la maîtresse de maison de grosse feignasse et autres insultes pires, sans se retrouver directement sur le paillasson... Je ne sais pas si je suis trop old school, mais pour moi, on est dans la science-fiction. Ben là, non. Personne ne tique. C'est normal.

En conclusion, un roman tout de même intéressant, même s'il ne m'a pas séduite.


Kathel l'a lu aussi.


978-2714494375

8 commentaires:

  1. Je dois à cette auteure l'une de mes lectures les plus marquantes et les plus déstabilisantes, avec son titre "Il faut qu'on parle de Kevin". J'ai lu par la suite deux de ses autres romans, mais je les ai trouvés tellement en-dessous (pour l'un d'entre eux, c'est presque à se demander si c'est la même personne qui l'a écrit), que j'ai décidé de m'en tenir là !..

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    1. Je n'ai pas lu "Il faut qu'on parle de Kevin", mais je n'exclus pas de le faire un jour. En dehors de cela, pas d'autre projet avec Lionel Shriver bien que celui-ci ait quand même des côtés intéressants.

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  2. Comme Ingannmic, je ne peux toujours pas oublier ma lecture de Il faut qu'on parle de Kévin. Par là suite, je n'ai rien lu d'elle, sauf ce dernier titre. Je ne sais plus ce qui m'avait attirée, mais mon dieu, qu'est-ce que je me suis ennuyée !

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  3. Traité à l'américaine, dis-tu. Hélas ça résume le style de L.Shriver !

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  4. De mon côté, j'ai assez rapidement lâché l'affaire, il y avait trop de choses qui me hérissaient dans le traitement des sujets abordés, à commencer par la manière dont "l'héroïne" présente son addiction à la course à pied, dans laquelle je n'ai absolument pas reconnu ce que j'éprouvais à l'époque où je m'y adonnais.

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    1. Oui. Pas mal de choses agaçantes en effet. J'ai tenu à finir celui-là mais je ne prévois pas de retrouver L. Shriver pour le moment.

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