06 juin 2020

Quatre saisons à Mohawk 
de Richard Russo
****+





Présentation de l'éditeur:
«Retour à Mohawk, la ville de l'Etat de New York si familière aux lecteurs de Richard Russo. Un récit foisonnant, des situations drolatiques, une multitude de personnages attachants. Sur fond de l'histoire d'amour, magnifique et désespérée, d'un fils pour son père. Le roman le plus autobiographique du Prix Pulitzer, auteur du Déclin de l'empire Whiting. A se remémorer ses années d'adolescence, c'est tout un monde que raconte ici Ned Hall. Lui que les amis de son père ont toujours appelé "P'tit Sam", afin de le distinguer de l'autre Sam. Lui dont le "paternel" a justement échoué à devenir le plus ordinaire des hommes. A peine marié, n'est-il pas parti faire la guerre en Europe ? Et n'en est-il pas revenu tel un bateau à la dérive ? Le tout pour délaisser femme et enfant, pour errer de bar en bar pour jouer aux courses avec le peu d'argent gagné sur les chantiers à la belle saison ? Pas un mauvais gars, mais un écervelé, un irresponsable. Alcoolique à ses heures. Quoique si charmeur... Or, voyant sa femme, désespérée de sa désertion conjugale, plonger dans une grave dépression, le père a récupéré son fils. Et voilà P'tit Sam intégré dans une bande de copains peu fréquentables. Le voilà à apprendre à jouer, à voler, à tricher.(...)»


Si la qualité d'un livre se juge à l'ampleur des réflexions dans lesquelles il vous entraîne, celui-ci est génial. Il m'a vraiment énormément fait réfléchir sur les relations père-fils. Cette espèce de fascination des fils pour leurs pères qui ne se dément pas, si insuffisants que soient ces derniers. Je l'ai mieux réalisée grâce à ce livre. A mes yeux, Sam ne vaut pas grands chose. Il a détruit sa femme, et dévoyé son fils qui était parti pour être quelqu'un de bien et qui, finalement, ne sera qu'un petit peu mieux que lui.
Ce livre m'a montré aussi que face à ce duo, les mères ne pèsent rien. Petit Sam ne mettra pas longtemps à se désintéresser du sort de la sienne malgré sa bonne conscience à bon compte à ce sujet.

Mais Sam, vraiment, quel fléau! Il n'apportera pas davantage le bonheur à la deuxième femme qui l'aimera: Eilenn à qui il ne donnera rien. Par contre, avec une cruauté qui ne se démentira jamais, il détruira son fils Drew, depuis son enfance, ne lui permettant pas de devenir un homme, et cela au sens premier. Par ailleurs, il accablera toujours son meilleur ami métis infiniment dévoué, de remarques et même injures racistes...

Le récit est fait par Ned, le fils, sans aucun jugement moral sur rien. Récit factuel.

Drôle d'histoire donc, mais si bien vue! Si bien peinte! J'ai été scotchée sur presque 500 pages. J'ai bien fait de faire une autre tentative après «Un rôle qui me convient» qui m'avait laissée plus mitigée. Ce roman est d'une toute autre trempe.

Bientôt « Déclin de l'empire Whiting»


Citations:
"Il m'a trouvé sympa quand il a découvert, pas tout de suite, que non seulement je voulais bien faire son travail, mais qu'en plus je l'en remerciais. J'avais terriblement besoin de me sentir utile, et lui c'était plutôt l'inverse, mais il n'était pas du genre à me laisser souffrir s'il avait le remède."  p.73/74


"Censées traverser une crise temporaire, les tanneries -autrefois le nerf de la ville- se sont mises à fermer en masse après l'armistice, victimes de la concurrence étrangère, mais aussi de cupidités bien locales. Pendant que les ouvriers attendaient une reprise incertaine, les patrons qui n'avaient pas encore emporté leurs profits en Floride œuvraient diligemment pour interdire le comté à toute sorte d'autres entrepreneurs, garantissant la misère à Mohawk quand le reste du pays retrouvait la croissance."


"J'ai lu quelques bons livres cet été-là, ainsi qu'un grand nombre de mauvais, et le les ai tous aimés."

"Il y a des trucs durs, parfois, a dit mon père, comme s'il était utile de le confirmer. Mais ça ne veut rien dire. Il faut pas s'inquiéter."
Bien sûr, je comprenais.
"Si ça voulait dire quelque chose, ça serait pas pareil. Mais c'est comme ça, voilà."


"Relégué à quelques apparitions télévisées, le Viet Nam hésitait à prendre pied dans les réalités locales. Comme quoi Mohawk, ignorée par le boom économique des années 50, ne voyait aucun intérêt à subir la tragédie des 70."

"J'ai décidé que savoir mettre les voiles était une forme d'art largement sous-estimée quoique, en ce qui me concerne, probablement congénitale."


"J'aurais aussi bien pu tenir de ma mère qui ne s'était jamais échappée de rien, qui payait et payait sans cesse les intérêts, sans jamais rembourser le capital."


978-2264064127