Quatre saisons à Mohawk
de Richard Russo
de Richard Russo
****+
Présentation de l'éditeur:
«Retour à Mohawk, la ville
de l'Etat de New York si familière aux lecteurs de Richard Russo. Un
récit foisonnant, des situations drolatiques, une multitude de
personnages attachants. Sur fond de l'histoire d'amour, magnifique et
désespérée, d'un fils pour son père. Le roman le plus autobiographique
du Prix Pulitzer, auteur du Déclin de l'empire Whiting. A se remémorer
ses années d'adolescence, c'est tout un monde que raconte ici Ned Hall.
Lui que les amis de son père ont toujours appelé "P'tit Sam", afin de le
distinguer de l'autre Sam. Lui dont le "paternel" a justement échoué à
devenir le plus ordinaire des hommes. A peine marié, n'est-il pas parti
faire la guerre en Europe ? Et n'en est-il pas revenu tel un bateau à la
dérive ? Le tout pour délaisser femme et enfant, pour errer de bar en
bar pour jouer aux courses avec le peu d'argent gagné sur les chantiers à
la belle saison ? Pas un mauvais gars, mais un écervelé, un
irresponsable. Alcoolique à ses heures. Quoique si charmeur... Or,
voyant sa femme, désespérée de sa désertion conjugale, plonger dans une
grave dépression, le père a récupéré son fils. Et voilà P'tit Sam
intégré dans une bande de copains peu fréquentables. Le voilà à
apprendre à jouer, à voler, à tricher.(...)»
Si la qualité d'un livre
se juge à l'ampleur des réflexions dans lesquelles il vous entraîne,
celui-ci est génial. Il m'a vraiment énormément fait réfléchir sur les
relations père-fils. Cette espèce de fascination des fils pour leurs
pères qui ne se dément pas, si insuffisants que soient ces derniers. Je
l'ai mieux réalisée grâce à ce livre. A mes yeux, Sam ne vaut pas grands
chose. Il a détruit sa femme, et dévoyé son fils qui était parti pour
être quelqu'un de bien et qui, finalement, ne sera qu'un petit peu mieux
que lui.
Ce livre m'a montré aussi
que face à ce duo, les mères ne pèsent rien. Petit Sam ne mettra pas
longtemps à se désintéresser du sort de la sienne malgré sa bonne
conscience à bon compte à ce sujet.
Mais Sam, vraiment, quel
fléau! Il n'apportera pas davantage le bonheur à la deuxième femme qui
l'aimera: Eilenn à qui il ne donnera rien. Par contre, avec une cruauté
qui ne se démentira jamais, il détruira son fils Drew, depuis son
enfance, ne lui permettant pas de devenir un homme, et cela au sens
premier. Par ailleurs, il accablera toujours son meilleur ami métis
infiniment dévoué, de remarques et même injures racistes...
Le récit est fait par Ned, le fils, sans aucun jugement moral sur rien. Récit factuel.
Drôle d'histoire donc,
mais si bien vue! Si bien peinte! J'ai été scotchée sur presque 500
pages. J'ai bien fait de faire une autre tentative après «Un rôle qui me convient» qui m'avait laissée plus mitigée. Ce roman est d'une toute autre trempe.
Bientôt « Déclin de l'empire Whiting»
Citations:
"Il m'a trouvé sympa quand il a découvert, pas tout de suite, que non seulement je voulais bien faire son travail, mais qu'en plus je l'en remerciais. J'avais terriblement besoin de me sentir utile, et lui c'était plutôt l'inverse, mais il n'était pas du genre à me laisser souffrir s'il avait le remède." p.73/74
"Censées traverser une crise temporaire, les tanneries -autrefois le nerf de la ville- se sont mises à fermer en masse après l'armistice, victimes de la concurrence étrangère, mais aussi de cupidités bien locales. Pendant que les ouvriers attendaient une reprise incertaine, les patrons qui n'avaient pas encore emporté leurs profits en Floride œuvraient diligemment pour interdire le comté à toute sorte d'autres entrepreneurs, garantissant la misère à Mohawk quand le reste du pays retrouvait la croissance."
"J'ai lu quelques bons livres cet été-là, ainsi qu'un grand nombre de mauvais, et le les ai tous aimés."
"Il y a des trucs durs, parfois, a dit mon père, comme s'il était utile de le confirmer. Mais ça ne veut rien dire. Il faut pas s'inquiéter."
Bien sûr, je comprenais.
"Si ça voulait dire quelque chose, ça serait pas pareil. Mais c'est comme ça, voilà."
"Relégué à quelques apparitions télévisées, le Viet Nam hésitait à prendre pied dans les réalités locales. Comme quoi Mohawk, ignorée par le boom économique des années 50, ne voyait aucun intérêt à subir la tragédie des 70."
"J'ai décidé que savoir mettre les voiles était une forme d'art largement sous-estimée quoique, en ce qui me concerne, probablement congénitale."
"J'aurais aussi bien pu tenir de ma mère qui ne s'était jamais échappée de rien, qui payait et payait sans cesse les intérêts, sans jamais rembourser le capital."
978-2264064127