06 septembre 2021

Homer & Langley

de E.L. Doctorow

****+

Le siècle défile

New-York. Les frères Collyer occupent une belle demeure sur la Cinquième avenue. L’aîné, Langley, est revenu de guerre (14-18) gazé et encore plus "original" qu’il l’avait toujours été. Le plus jeune, Homer, est devenu aveugle à vingt ans et s’en remet à son frère pour la plupart des choses. Les deux frères s’entendent bien. On sent entre eux une réelle affection, même si elle n’est pas très expressive. C’est Homer qui nous raconte leur histoire. Il utilise une machine à écrire braille que son frère lui a rapportée. Il lui en a même rapporté trois ou quatre d’ailleurs, car Langley est comme ça, il rapporte à la maison des choses dont ils pourraient avoir besoin. Et il en rapporte toujours plusieurs exemplaires (parce que si c’est utile, ce serait bête d’en manquer parce que celui que l’on a s’est cassé). Il faut donc qu’il y en ait plusieurs et que ce soit à l’intérieur, même si c’est une voiture (et à un moment, ça le sera). 

Langley sort, Homer, de moins en moins. Les objets que Langley rapporte témoignent de l’évolution technique (la révolution technique même) que connaît l’Amérique de ces années-là. Ainsi accumulera-t-il par exemple gramophone, tourne-disques, chaînes… Tout l’intéresse, il démonte (est nettement moins habile pour remonter), puis oublie dans un coin. Ses collections s’entassent, jamais rangées, jamais jetées. De même, leurs rares contacts avec le monde extérieur, sous forme de gens reçus chez eux, permettent de faire défiler des gouvernantes, des gangsters de la prohibition, des Japonais après Pearl Harbor, des hippies etc. Le siècle défile.

L’autre grand projet de Langley est une entreprise aussi pharaonique qu’existentielle : C’est parti de la Théorie du Remplacement qu’il avait formulée tout jeune :"Tout, dans la vie, a son remplacement. Nous venons en remplacement de nos parents exactement comme eux étaient venus en remplacement de la génération précédente." Extrapolant, il étend ce raisonnement aux évènements : "Il avait désormais développé une sorte d’idée métaphysique de la répétition ou récurrence des événements de la vie, où les mêmes choses se reproduisent éternellement." Et c’est ainsi que naquit le Grand Projet du "Journal unique pour tous les temps". 

"L’entreprise de Langley consistait à compter et à classer les informations par catégories (…)Ainsi qu’il le disait, il finirait –il ne disait pas quand- par disposer de données statistiques en nombre suffisant " La statistique des fréquences de répétition lui permettrait de savoir quand tel évènement aurait lieu et lui permettrait donc de publier ainsi "L’éternel journal toujours à jour" et de le mettre à la disposition de ses concitoyens pour une somme modique. Langley va consacrer sa vie, plusieurs heures par jour, à ce travail fou. Pour ce faire, il achète tous les jours tous les journaux, qui s’empilent ensuite dans la maison, envahissant toutes les pièces, formant piles montant jusqu'au plafond, des allées, puis un labyrinthe de plus en plus étroit où ils peuvent encore se déplacer. On ne sait pas si l’idée principale née dans cet esprit brisé par la guerre est de faire la preuve de la répétition inéluctable des choses et donc de l’innocence de l’homme qui ne peut aller contre, ou de tenter de saisir grâce au classement et à des formules schématisées, la réalité confuse d’un monde sur lequel il n’a pas prise et qui le blesse.

Témoin, Homer raconte et les peint sans illusion : Langley "avec ses poumons brûlés et sa quasi-démence (…) avait à sa charge un frère de plus en plus impotent."

 Les deux frères, fin d’une grande lignée, sont riches et cet argent leur permet d’aller jusqu’au bout de leur folie. Mais leur refus d’intégration les mènera à refuser de payer l’eau, l’électricité, les factures en tout genre, en conséquence de quoi il subiront les coupures et coercitions habituelles et se couperont totalement d’un monde dans lequel ils étaient pourtant arrivés avec une cuiller d’argent dans la bouche et où leur richesse les protège encore un peu. 

Mais pas de tout. On sait que l'histoire finira mal.

Pour ce roman, E. L. Doctorow s’est librement inspiré de la vie de deux frères ayant réellement défrayé la chronique new-yorkaise. On sent dans son travail la main de l’historien américain qui a réussi la gageure de faire représenter par ces deux exclus volontaires, le monde même auquel ils ont tourné le dos et son évolution dont ils se sont retirés.

9782330005757


01 septembre 2021

Betty  

de Tiffany McDaniel

****+

Je n'ai eu aucun mal à accrocher à ce livre qu'on m'avait chaudement conseillé (alors que, c'est bien connu, les conseils trop enthousiastes ont souvent un effet rebond désastreux). J'ai été happée par l'histoire bien découpée, un événement à chaque chapitre, cet événement étant généralement un coup dur mais le chapitre ne se terminant pas sans que le problème ne soit sinon réglé, au moins intégré et géré. J'ai aimé à ce propos que les obstacles, même les plus violents, soient combattus par la douceur et la poésie. C'est un aspect fascinant de la philosophie du père. J'ai donc suivi avec intérêt la "Petite Indienne" qui est notre narratrice depuis sa plus jeune enfance, jusqu'à son envol quelques 700 pages plus tard.

Ce sera un difficile périple. Des huit enfants du couple parental, bien peu survivront. Presque chacun était doué d'un talent artistique, combien l'exerceront ? Je vous laisse le découvrir. J'avais sans arrêt en tête ces photos des petits blancs miséreux à la Faulkner, sillonnant le pays à la recherche d'une embauche, d'une pitance, les enfants tristes accrochés à des femmes exsangues... et ici c'est pire, car si la mère est blanche, le père est indien et le racisme s'exerce sans fausse pudeur.

Etant la plus foncée de la fratrie, notre narratrice sera celle qui pâtira le plus de ce racisme, pourtant, plus encore que le racisme, ce que ce roman dénonce, c'est l'oppression des femmes. C'est vraiment un roman féministe, même si l'un des personnages principaux (et le plus sympathique pour moi) est un homme. Mais c'est un Indien, rejeton d'une culture matriarcale, et cela change tout chez un homme. Son âme habite tout le livre, avec sa vision animiste, toujours si positive malgré tout ce qu'il a vécu, sa bienveillance sans limite et son amour total de sa famille.

"Ta maman m'a trouvé. J'étais perdu mais elle m'a quand même trouvé. Je n'avais ni but ni nom avant ta maman. Quand j'étais enfant, les gens m'appelaient Tomahawk Tom ou Tepee Jack ou Pow-wow Paul, toutes sortes de noms, sauf le mien. Personne ne m'avait même jamais demandé comment je m'appelais, avant ta maman. Non seulement elle me l'a demandé, mais elle a même ajouté un «monsieur», à la fin. «Quel est votre nom, monsieur ?» On ne m'avait jamais dit «monsieur» avant cela."

Un roman très beau, très poétique, passionnant, allant d'une scène poignante à une autre, cette peinture de vies très difficiles ne laissant jamais l’intérêt retomber et parvenant à surprendre son lecteur jusqu'au bout. Cependant, pour ce faire, il aura fallu à Tiffany McDaniel être un peu trop systématique à mon goût. (un art distinct par enfant, l’éventail complet des crimes racistes et sexistes... ) On flirte un peu avec les limites de la vraisemblance, on frôle peut-être la caricature, mais moyennant quoi l'auteure n'occulte rien des réalités qu'elle voulait montrer et je pense que c'était le principal pour elle. Et puis il faut ce qu'il faut pour faire enfin comprendre les choses aux gens qui se demandent encore si les femmes n'exagèrent pas un peu... Au final, un beau bouquin quand même et captivant de bout en bout, ce qui ne gâte rien. Je conseille vivement malgré ce petit défaut..

Alors maintenant, imaginons : vous êtes dans la librairie ou une bibliothèque et vous vous demandez si vous allez ou non prendre ce livre. Alors, vous allez page 380 et vous commencez en bas, « Un jour, ... » jusqu'à fin 382 et vous saurez si vous allez aimer ce livre ou non. A vous de jouer.


Extraits :

« Papa dit qu'il n'y a rien de tel qu'un vieux chien pour attendrir un cœur dur comme la pierre. C'est pour ça qu'ils ont tant de valeur. »

 

« Pendant l'absence de Maman, Fraya a abandonné le lycée. Papa a été tellement déçu qu'il a peint en noir la dernière marche du porche devant la maison.

- Parce qu'une marche vient de mourir, a-t-il dit à Fraya.

- Les marches ne meurent pas, Papa.

- Elle est morte, Fraya, parce que tu n'as pas franchi cette dernière marche qui te menait vers une vie meilleure. »

 

« Donnez à mon père un couteau et un morceau de bois et il vous le transforme en quelque chose de beau. »

9782351782453

  • Éditeur ‏ : ‎ GALLMEISTER (20 août 2020)
  • Broché ‏ : ‎ 720 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2351782453
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2351782453



29 août 2021

 Les Aventures de Tom Sawyer  

de Mark Twain

****


C'est avec les  Aventures de Tom Sawyer (1876) que Mark Twain, déjà journaliste, chroniqueur etc. a connu son premier vrai succès littéraire. Présenté aujourd'hui comme un roman pour enfants et édité dans leurs collections, il s'agissait plutôt d'un roman humoristique mettant en scène un galopin sans méchanceté mais paresseux et indocile, uniquement préoccupé de céder à toutes les idées saugrenues qui lui passaient par la tête. Cette disposition d'esprit lui vaudra quelques aventures et mésaventures dont le lecteur se réjouira jusqu'à ce que ses pas viennent à croiser ceux de vrais voyous et même assassins, et le jeu va alors prendre un tour plus inquiétant.

Je n'ai pas "lu" ce livre, mais je l'ai écouté avec plaisir. Je l'avais déjà lu étant jeune mais je ne crois pas que je l'aurais relu sur papier. Alors je me suis contentée de me le laisser raconter. Je ne perds jamais une occasion de recommander le site Litterature audio.com dont le lien est donné ici à droite. Combien de centaines de kilomètres en voiture, combien d'heures de jardinage, de ménage ou autre, ont filé sans peine grâce aux récits qu'il glissait dans mes oreilles. Pour ne rien dire  des grooos classiques un peu indigestes dont j'ai ainsi bénéficié sans peine.

Encore tous mes remerciements à tous les bénévoles qui font fonctionner ce site merveilleux qui est, rappelons-le, entièrement gratuit et même dénué de publicités. Le rêve ! Et une belle action de leur part. Utilisez-le et faites-le connaître vous aussi!


978-2012202344

26 août 2021

 L'homme-dé  

de Georges Cockcroft alias Luke Rhinehart

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  « L'homme-dé » est un roman écrit en 1971 par l'écrivain américain Georges Cockcroft. Pour des raisons commerciales, son éditeur et lui-même ont choisi de donner à l'auteur le nom du personnage principal comme pseudonyme et de présenter le récit comme « semi-autobiographique », ce qu'il n'était guère mais qui a beaucoup augmenté son impact sur l'esprit de ses lecteurs, surtout dans les années 70, grandes chercheuses de modes de vie alternatifs.

 Donc, Luke Rhinehart, psychiatre bien installé bien que peu convaincu par son métier (Georges Cockcroft quant à lui était professeur d'anglais), s'ennuie dans sa vie familiale et professionnelle trop confortable. Il sent qu'il perd son appétit de vivre. Faute de préférence, pour pimenter sa vie et aussi pour se donner un prétexte pour céder à ses pulsions, il décide un jour de tirer aux dés ce qu'il va faire. Cantonnés au début à des choix secondaires, ces choix de hasard vont se systématiser et englober bientôt également les décisions les plus importantes. Cette expérimentation ludique prenant de l'ampleur, Rhinehart devient bientôt un personnage ingérable et totalement imprévisible, y compris pour lui-même. Il fait également des émules et les dés deviennent un choix de vie malgré les dangers qu'il représentent pour la personne et/ou son entourage.

 Comme on le voit, l'idée en soi est très originale et a beaucoup séduit à l'époque. Elle était vraiment dans l'air du temps et poussait certains raisonnements audacieux à leurs limites en en montrant une sorte d'expérimentation virtuelle. Cela n'est plus aussi fascinant aujourd'hui. De même l'époque de la révolution sexuelle, nous vaut de très, très, trop, nombreuses scènes de sexe qui ne sont plus transgressives pour le lecteur actuel qui se lasse bientôt de les suivre en détail (du moins, c'est l'effet que cela m'a fait), mais c'était l'époque où Portnoy avait son complexe...

Mon bilan personnel est que j'ai lu les pages de ce roman parfois avec intérêt mais sans jamais me passionner vraiment, contrairement à ce à quoi je m'attendais. Il m'a semblé que le récit, malgré toutes les possibilités ouvertes en permanence, manquait un peu de nerf. Et vers la fin, j'avais carrément hâte que cela se termine. Attention ! Ce n'est pas un mauvais livre et je lui mets 4 étoiles. Il y a beaucoup d'idées originales et intéressantes. C'est un coup de la malédiction habituelle des « livres-cultes ». Il faut les considérer dans leur contexte.


Extrait:

"Comme tout Américain digne de ce nom, j'ai une envie irrépressible de tuer. Pendant presque toute ma vie adulte, j'ai trimballé avec moi, comme une sorte de ballon de baudruche instantanément gonflable, une agressivité sans objet, un registre imaginaire de meurtres, de guerres, de pestes, auquel je faisais référence quand la vie devenait difficile (...)"


Éditeur ‏ : ‎ HarperCollins Publishers Ltd; 50th Anniversary edition (1 novembre 1999)
Broché ‏ : ‎ 560 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 0006513905







23 août 2021

Le club des incorrigibles optimistes  

de Jean-Michel Guenassia

*****

Prix Goncourt des lycéens 2009

Le titre est plus gai que l'histoire

Quatrième de couverture

"Michel Marini avait douze ans en 1959, à l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres, qui avaient traversé le Rideau de Fer pour sauver leur peau, abandonnant leurs amours, leur famille, trahissant leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre bouleversa définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes. Il manifeste un naturel épatant pour développer une dispute à table, nous faire partager les discussions entre un Russe communiste et un Hongrois antistalinien."

La première réflexion, une fois tournée la dernière page, est que j'ai vraiment passé d'excellentes heures avec ce roman dont les plus de 700 pages ne m'ont jamais paru trop longues. C'est que l'imagination de J-M Guenassia est suffisamment vigoureuse pour les approvisionner toutes de peintures, d'aventures, de réflexions et de découvertes les plus diverses. A travers le récit de toutes ces vies peu paisibles et pleines de drames et de passions, ainsi que de la sienne propre, le jeune héros nous fait découvrir toute l'histoire du 20ème siècle de cette Mitteleuropa qui y fut si agitée. C'est d'une part le monde des Français de métropole et celle des Pieds-Noirs qu'il nous montre, du côté de sa famille. Et du côté du café de lycéens qu'il fréquente (ça se faisait alors, cela ne se fait plus je crois) le monde des émigrés russes (les blancs, les rouges), tchèques, polonais, roumains, hongrois... j'en oublie peut-être, exilés plus ou moins volontaires, pauvres, nostalgiques, et tous jouent aux échecs (ce qui est communément considéré comme un signe d'intelligence). 

Michel pourtant, lui, joue aussi -et mieux- au baby-foot, c'est qu'il va nous présenter de son côté cette génération qui connaîtra tant de bouleversements sociétaux et arrivera bientôt à 1968... Ah ! On revoit le vieux Teppaz, les jukebox, les pions (espèce disparue il me semble et on se demande pourquoi il y a du chahut dans les collèges...) 

Ce roman étonne par la richesses et le nombre des univers mis en place. Il comble le lecteur le plus gourmand.

On aurait pu envisager que J-M Guenassia, pour son second roman, reprenne le personnage de Michel en le faisant vieillir un peu pour nous le présenter justement en 1968, mais cela aurait été très casse-gueule car il aurait dû le situer parmi les clivages politiques de l'époque et s'enliser dans ces sectarismes exacerbés qui n'ont plus de sens aujourd'hui tout en gardant leur pouvoir toxique. Le lecteur de notre 21ème siècle n'aurait pu l'y suivre de bon cœur. Heureusement, le second roman est tout autre, mais on y retrouve notre Europe de l'Est dont l'auteur semble tout connaître .

Citation : Famille

« On ne raconte pas aux enfants ce qui s'est passé avant eux. D'abord ils sont trop petits pour comprendre, ensuite ils sont trop grands pour écouter, puis ils n'ont plus le temps, après c'est trop tard. »

978-2253159643

20 août 2021

 

Le voyage de l’éléphant 

 de José Saramago

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Bavard et plaisant

Roman historique

Comme l’auteur l’explique lui-même en épilogue, sa rencontre avec une lectrice de portugais à l’université de Salzbourg a donné naissance à ce livre. Elle lui raconta l’aventure historique de cet éléphant qui fit "à patte", au XVIème siècle, le voyage de Lisbonne à Vienne et il se sentit inspiré par ce récit. Il la chargea de la documentation et se lança dans l’écriture de ce qui allait devenir "Le voyage de l’éléphant".

Salomon est un éléphant d’Asie qui réside à Lisbonne au moment où nous faisons sa connaissance car il est la propriété de roi du Portugal Dom João III. Devant un cadeau à Maximilien d’Autriche et désirant que celui-ci soit marquant, Dom João décide de lui offrir son éléphant, animal si rare en ces contrées que nombreux seront, en cours de route, ceux qui ne soupçonnaient même pas qu’une telle bête pût exister. (C’était ça ou une custode et apparemment le critère d’encombrement n’a pas joué). Maximilien accepte le cadeau et Salomon quittera donc Lisbonne pour rejoindre d’abord l’archiduc à Valladolid, puis Vienne en sa compagnie. Il sera accompagné de son cornac -qui sera le personnage que nous suivrons plus particulièrement tout au long de ce périple- et aura ainsi l’occasion de vivre quelques aventures et de rencontrer plusieurs formes de vies humaines et modes de pensée que nous observerons avec lui.

Nous retrouvons ici l’écriture de José Saramago, sa ponctuation particulière et l’absence des majuscules aux noms propres, sans que cela pose de réel problème de lecture, même au début. L’auteur a choisi de nous conter cette histoire sur le mode du bavardage prolixe. Le ton est léger, facile, il accroche bien son lecteur-auditeur (car on a plutôt l’impression d’écouter quelqu’un nous raconter une histoire) et surtout, tout le récit baigne dans un humour bon enfant tout à fait plaisant.

C’est pourquoi j’ai lu ce roman historique –car je le rappelle toute la documentation est réelle et l’auteur ne s’est pas permis de fioritures- avec facilité et sans bouder la tâche. Cependant, je dois dire, arrivée au terme de cette lecture, que l’histoire n’est pas vraiment passionnante. La fidélité à la vérité historique nous a privés sans aucun doute de mille aventures plus palpitantes. C’est bien, agréable à lire, intelligent et intéressant, mais je n’irai pas jusqu’à "passionnant".

C’est à vous de voir si vous vous sentez tentés.


Extraits pour vous donner un avant-goût de cet humour qui fonctionne par le regard que cela implique, posé sur les choses:

"La saleté qui l’avait recouvert auparavant et qui empêchait presque de voir sa peau avait disparu sous l’assaut conjugué de l’eau et du balai, et salomon s’exhibait maintenant aux regards dans toute sa splendeur. Assez relative, tout bien considéré. La peau de l’éléphant asiatique, et celui-ci en était un, est grossière, moitié grise moitié couleur café, parsemée de mouchetures et de poils, une déception permanent pour lui-même, malgré les conseils de résignation sempiternellement répétés selon lesquels il devait se contenter de ce qu’il avait et en rendre grâce à vishnou. Il s’était laissé laver comme s’il attendait un miracle, une sorte de baptême, et le résultat était là, mouchetures et poils." (p. 19-20)


" … encore qu’il fut plus qu’évident que la panse de la statue ne serait pas assez spacieuse pour contenir fût-ce une escadre d’infants, sauf s’ils étaient lilliputiens, chose impossible puisque ce mot n’existait pas encore. " (p.172)


"Il est difficile de comprendre que dans une région aussi accidentée, où abondent de vertigineuses chaînes de montagnes se chevauchant les unes les autres, il ait encore été nécessaire de découper les cicatrices profondes le l’isarco et du brenner* au lieu d’aller les placer dans d’autres endroits de la planète, moins richement pourvus en biens de la nature, où le caractère de ce stupéfiant phénomène géologique serait susceptible, grâce à l’industrie du tourisme, d’améliorer matériellement la vie modeste et résignée des habitants." (p.201)


* cols des Alpes


 978-2757819562

17 août 2021

Lulu femme nue 

 Second livre

d' Etienne Davodeau

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Bande dessinée

Diptyque 

Le ver est toujours dans le fruit

D'abord, un coup de chapeau au dessin, toujours excellent, aquarelles en complémentaires ocre et bleu, traits de plume fins et précis.

Ce sont les amis et la fille de Lulu qui, depuis le début, racontent son histoire et c'est par leur yeux et leurs témoignages que nous la découvrons. Ils nous l'ont racontée. Ce second livre (à ne pas lire si vous ne connaissez pas encore le premier) suit Lulu qui, ne s'étant pas encore sentie capable de rentrer, a décidé de prolonger un peu son escapade. Car c'est bien d'une escapade qu'il s'agit. Elle sait -et dit- depuis le début, qu'elle va revenir, mais elle a besoin de souffler avant. Mourant de faim, Lulu fait le pire choix possible et attaque une vieille dame à un guichet de banque automatique ! Bien sûr, elle ne peut mener à terme cet acte insensé mais elle entame ainsi la deuxième escale de son périple.  

Lulu va faire de nouvelles rencontres et, bien consciente du fait qu'elle ne peut laisser indéfiniment ses enfants à eux mêmes, tente de se préparer au retour. Son mari qui ne dessoûle pas a néanmoins trouvé sa trace dans son escale du premier livre mais n’en a guère tiré de bénéfice. Il n'envisage pas une minute de se débrouiller (même temporairement) sans elle, non parce qu'il l'aime, mais parce qu'il en est matériellement incapable.

Je n'ai pas aimé la fin qu'Etienne Davodeau donne à cette histoire et j'en ai été déçue. Je vais m'en expliquer dans les lignes suivantes, mais comme il me faut pour cela dévoiler la chute, je prie ceux qui ne veulent pas la connaître avant de la lire eux-mêmes, de ne pas me lire plus avant.

Voilà, attention spoiler :

Après cette seconde étape, Lulu rentre chez elle et retrouve son épave égocentrique et alcoolisée de mari et, aidée de ses amis, parvient à se convaincre que maintenant, elle peut reprendre cette vie avec lui et qu'il fera (peut-être) un effort tandis qu'elle (soulagée par cette évasion) pourra s'en accommoder. C'est comme si après avoir tout bien nettoyé autour de la tumeur mais sans l'enlever, votre chirurgien vous racontait que maintenant vous allez très bien pouvoir vivre avec elle. Le lecteur -la lectrice en tout cas- n'y croit pas une minute et se demande bien ce qu'on est en train de lui annoncer-là ! Il est clair au contraire qu'un des deux devait être sacrifié et ce sera Lulu. Comme d'hab'.

PS : On a tiré un film de cette BD... Je n'ai encore jamais vu de film réussi tiré d'une BD mais cela n’empêche pas d'espérer, n'est-ce pas ?

9782754801034


16 août 2021

 Lulu femme nue 

Premier livre

d' Etienne Davodeau

*****

Bande dessinée

Diptyque 

Histoire en deux volumes, cette « Lulu femme nue » est la présentation par un homme (Davodeau) d'une problématique féminine. Son empathie va loin au demeurant et est très honnête et bien réussie, sauf pour la fin, mais nous y reviendrons.

Lulu commence à vieillir et n'a jamais été belle. Elle a élevé trois enfants dont l’aînée a quinze ans et voudrait bien retrouver le monde du travail. Seulement, des mères de trois enfants qui n'ont jamais vraiment travaillé et en tout cas plus depuis quinze ans, le marché de l'emploi n'en manque pas et c'est bien dommage parce que justement, il n'en veut pas. Aussi l'entretien d'embauche qui ouvre le premier album se termine-t-il sans illusions. Mais, démoralisée, à la sortie, Lulu décide de ne pas prendre tout de suite le train du retour mais plutôt de s'accorder un peu de vacances. Elle n'a pas envie, immédiatement après cette porte fermée à son nez, de replonger dans sa vaisselle, son ménage et un époux tyran domestique, buveur, exigeant et peu aimant. Elle a besoin de souffler. Alors, sans plus de projets, elle prend une chambre d’hôtel, minable, car chez Davodeau, les personnages sont bel et bien aux prises avec les soucis matériels et ici, tout du long de l'histoire, Lulu n'aura pas un sou et les gens qu'elle rencontrera, guère plus. C'est une des grosses qualités de ces histoires.

Donc, Lulu part. Elle va voir la mer, dort sur des bancs, a froid, puis rencontre un homme avec lequel elle s'autorise une jolie « brève rencontre ». De son côté, son mari, bien évidemment incapable de faire face à quoi que ce soit, s'empresse de se laisser sombrer sans s'occuper de ses enfants, histoire de bien prouver à quel point elle est méchante de l'avoir abandonné (mais sans oublier toutefois de bloquer la carte bancaire qu'elle détient, histoire qu'elle ne risque pas d'avoir un sou).

A la fin de ce premier livre, Lulu, que la réalité a un peu rattrapée, quitte son amour éphémère mais, ne se sentant pas encore prête à rentrer au bercail, repart un peu plus loin.

Les dessins, l'histoire, les personnages, tout est beau et sonne vrai. Pas de romantisme échevelé, pas de grands sentiments, un réalisme scrupuleux qui soutient une vraie sincérité dont le graphisme se fait l'écho.

J'ai tout aimé ici.

(La suite demain)


978-2754801027 

13 août 2021

 

French exit 

de Patrick deWitt

****


Réservé à ceux qui aiment les récits déjantés, ce roman est à aborder comme un conte. Ne pas rechercher la vraisemblance, ne pas achopper sur les étrangetés psychologiques ou autres, ne même pas réfuter le fantastique, tel est le mot d'ordre. J'ai choisi ce livre à la bibliothèque parce que

1° la couverture attire l’œil

2° je n'avais encore jamais lu Patrick deWitt

3° j'ai un a priori de confiance vis à vis des productions Actes Sud.

Bilan, je n'ai pas été percutée par une révélation, mais j'ai néanmoins passé un très bon moment de détente, d'où mes quatre étoiles.

Voici de quoi il s'agit : Frances Price, veuve richissime, incroyablement égoïste et iconoclaste, vit à New York avec son fils - petit gros velléitaire et néanmoins, parce qu'on le plaint, un peu sympathique-, et son chat noir baptisé Small Frank parce qu'il est la réincarnation de son mari Franck Price, avocat véreux mais excessivement efficace et en conséquence, devenu très riche. A l'instant où nous faisons leur connaissance, il ne reste plus rien de la fortune qui leur permettait un mode de vie ahurissant. Frances a réussi l'exploit de tout claquer. Elle se retrouve même carrément à la rue et c'est pourquoi sa seule amie, Joan, lui prête un appartement qu'elle a à Paris. Mère, fils et chat embarquent sur un paquebot pour la France, et nous avec eux. Tout au long de ce voyage et de leur séjour à Paris, ils seront amenés à rencontrer des gens bizarres qui, aimantés par leur mode de vie encore plus bizarre, s'adjoindront à la cellule initiale. Tout cela finira mal, ou bien, selon l'angle sous lequel on regarde les choses, mais pas sans avoir surpris et amusé ceux qui auront accepté d'être du voyage et de jouer le jeu.


(Le médecin de bord sur le paquebot) :

"Un corps par jour. C'est la moyenne quand on traverse l'Atlantique. J'ai une théorie: ils s'embarquent pour une croisière parce qu'ils savent inconsciemment qu'ils sont en train de mourir. Un instinct antique nordique, peut-être."


978-2330137113



10 août 2021

 Un gentleman à Moscou  

d' Amor Towles

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Quatrième de couverture :

« Au début des années 1920, le comte Alexandre Illitch Rostov, aristocrate impénitent, est condamné par un tribunal bolchévique à vivre en résidence surveillée dans le luxueux hôtel Metropol de Moscou, où le comte a ses habitudes, à quelques encablures du Kremlin. Acceptant joyeusement son sort, le comte Rostov hante les couloirs, salons feutrés, restaurants et salles de réception de l’hôtel, et noue des liens avec le personnel de sa prison dorée   – officiant bientôt comme serveur au prestigieux restaurant Boyarski –, des diplomates étrangers de passage – dont le comte sait obtenir les confidences à force de charme, d’esprit, et de vodka –, une belle actrice inaccessible – ou presque ­–, et côtoie les nouveaux maîtres de la Russie. Mais, plus que toute autre, c’est sa rencontre avec Nina, une fillette de neuf ans, qui bouleverse le cours de sa vie bien réglée au Metropol.

Trois décennies durant, le comte vit nombre d'aventures retranché derrière les grandes baies vitrées du Metropol, microcosme où se rejouent les bouleversements la Russie soviétique. »

Une lecture plaisante qui nous montre les coulisses d'un palace moscovite et nous donne une vision décalée des bouleversements survenus à l'extérieur de 1922 (date de l'assignation à résidence du Comte Rostov) aux suites de la mort de Staline.

« Le comte regarda une dernière fois les quelques biens de famille qui restaient, puis les chassa de son cœur à jamais. »  C'est ainsi que se tournent les pages de la vie d'Alexandre Rostov et nous allons avec lui passer les différents chapitres sans nous ennuyer un instant. Le devise du comte est qu' « il devait maîtriser le cours de sa vie s'il ne voulait pas en devenir le jouet. » Comprenez, quelles que soient les situations qui lui sont imposées, se former un projet et s'y tenir. Ce qu'il fera toujours. Au fil des décennies, il apparaît d'ailleurs évident que cet hôtel-prison est aussi une protection qui le met à l'abri des évènements terribles qui se passent à l’extérieur. « Qui aurait pu deviner, Sasha, quand tu t'es retrouvé assigné à résidence au Metropol il y a des années de cela, que tu venais de devenir l'homme le plus verni de toute la Russie ? » lui dit son ami. C'est sans doute un peu exagéré car une détention reste une détention et l'horizon du comte s'est trouvé extrêmement restreint pendant la majeure partie de sa vie. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a risque mortel à l'extérieur et qu'il en est protégé. Il n'a (et nous avec lui) que les échos assourdis de ce qui se passe à Moscou et dans toute la Russie durant ces années-là.


Une lecture agréable donc, sans grande ambition mais suffisamment intéressante pour nous faire avaler sans douleur les 573 pages du volume, quoique vers la fin, avant la chute, cela se dilue un peu et que je n'aie pas vraiment apprécié la chute à rebond dont je ne peux pas vous parler davantage sans spoiler. D'ailleurs, l’intérêt du livre est dans le récit bien plus que dans sa conclusion.


Extraits:
"Les bonnes manière, Nina, ce n'est pas comme les bonbons. Tu ne peux pas choisir ceux qui te plaisent le plus; et surtout, tu ne peux pas remettre dans la boîte ceux que tu as à moitié croqués."


"Que ce soit au terme de longues méditations inspirées par des livres et des débats animés autour d'un café à deux heures du matin, ou simplement parce que notre inclination nous y porte, nous finissons tous par adopter un cadre théorique, un système raisonnablement cohérent de causes et de conséquences qui nous aidera à comprendre non seulement les évènements importants, mais aussi toutes ces petites actions et réactions qui composent notre vie quotidienne - qu'elles soient délibérées ou spontanées, inévitables ou imprévues.""


Et pour ceux qui jugent les gens en une minute:
"De par leur nature même, les êtres humains sont tellement capricieux, complexes et délicieusement contradictoires qu'ils méritent non seulement un examen de notre part, mais également un réexamen - ainsi que notre engagement ferme à réserver notre opinion tant que nous n'avons pas eu affaire à eux à des endroits et des moments aussi divers que possible."

  • Éditeur ‏ : ‎ Fayard (22 août 2018)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 576 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2213704449
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2213704449


07 août 2021

  Une tentative d'autobiographie 

Découvertes et conclusions d'un cerveau très ordinaire

de Herbert George Wells

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Ecrit entre 1932 et 1934, alors que l'auteur a de 66 à 68 ans, et donc, 12 ans avant sa mort, cet ouvrage n'a pas été réédité en français depuis 1936 ce qui, disons-le, est une honte. On le trouve encore chez les soldeurs.

Sa carrière est faite et c'est avec une grande et simple franchise, qu'il raconte ce que fut sa vie. Wells a choisi de s'y exprimer dans un style particulièrement naturel, ce qui fait que pénétrer dans ce livre, c'est comme avoir une très longue discussion avec un vieil ami qui vous raconterait son passé. Je m'y suis immergée des heures sans le moindre ennui, et toujours avec cette impression de vraie rencontre amicale. Bien évidemment, il ne se contente pas de dévider platement une succession d'évènements avec leurs dates, ni même d'ailleurs de vous faire connaître son état d'esprit à ce moment-là. Bien souvent son discours dévie (je ne dirais pas s'égare, car ce serait faux) vers d'autres sujets. L'occasion amènera à développer ses idées sur les thèmes les plus divers.

Or, par chance, H.G. Wells est un homme très intelligent et à l'esprit original et libre. C'est ce qui fait accessoirement que je l’apprécie tant, mais c'est surtout ce qui fait ici que cet ouvrage soit si intéressant et agréable à lire. Il a choisi de faire la part belle à ses rencontres féminines – ce qui est à l'image de sa vie. Mais évoque également la genèse de sa pensée et de sa philosophie de la vie. Ce qui a toujours rendu les romans de science-fiction de Wells si passionnants, c'est qu'ils prenaient racine dans une vision sociale et politique du monde et de son évolution ; et cette vision était toujours portée vers le futur. L'imagination envisageant sans cesse les diverses possibilités d'évolution, et ce, pas seulement pour ses romans, mais parce que c'était ainsi qu'elle fonctionnait toujours. Il développe ses idées à ce sujet, d'autant qu'il a consacré une bonne part de son énergie à les faire entendre. Il avait une vision, et, pourrait-on dire, un projet de monde meilleur et même une idée assez nette de la façon dont on pourrait l’atteindre. Et même s'il s'était irrémédiablement égaré dans la gestion des exclus de ses sociétés idéales, il y croyait encore au moment où il a écrit ces pages. Ce n'est qu'avec la seconde guerre mondiale qu'il a perdu son optimisme à ce sujet...

Lisez-le, vous ne serez pas déçu. Quant à son sous-titre de "cerveau très ordinaire", n'y voyez que coquetterie, ce n'est pas ce qu'il pensait vraiment, ne serait-ce déjà que pour sa mémoire

9782070266500


04 août 2021

 H.G. Wells 

de Laura El Makki

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Se lit comme un roman

   Comme H.G. Wells est un auteur qui m'intéresse beaucoup, c'est tout naturellement que j'ai également voulu lire les biographies qu'on lui avait consacrées. J'ai ainsi lu celle-ci de Laura El Makki, ainsi que celle de Joseph Altairac, avant de passer à l'auto-biographie pour laquelle Wells lui-même a rédigé 520 pages sous le titre modeste de "Une tentative d'autobiographie". Trois ouvrages extrêmement différents dont je vous parlerai ici. 

       Cette biographie d'un des pères de la science-fiction, se lit absolument comme un roman. Le ton en est le même, ainsi que l’intérêt. C'est vrai que notre Herbert George ne s'est guère ennuyé dans sa vie et qu'on ne s'ennuie donc pas en la lisant. Pas de jugement. Point trop d'analyse des états d’âme supposés ; du circonstanciel, voilà ce que nous offre L. El Makki, chose que j'apprécie beaucoup. 

       Suivant l'ordre chronologique, depuis son enfance très pauvre jusqu'à son succès et sa mort dans l'opulence après avoir côtoyé les plus grands, et la reconnaissance universelle (malgré une légère baisse bien normale sur la fin), nous suivons pas à pas le cheminement de cette existence captivante. Cela m'a fait penser à l'excellente biographie de Philip K. Dick par Lawrence Sutin*. En premier lieu parce qu'on retrouve chez les deux hommes cette extraordinaire puissance imaginative qui fait que le problème de l'inspiration ne s'est jamais posé pour eux. Ils avaient beaucoup plus d'idées de récits que de temps pour les écrire, d'où, l'avalanche de nouvelles et autres short stories. J'apprécie ces auteurs-là, c'est pourquoi, quand j'entends un auteur se plaindre de la page blanche, j'ai juste envie de lui demander pourquoi il se met devant, dans ce cas là. Mais pour en revenir à ma comparaison, Wells a eu une reconnaissance officielle que ce pauvre Dick n'a jamais connue. Et à la différence de P.K. Dick il a voulu plus, il a voulu agir sur son temps en faveur du progrès, il a voulu être un chercheur de vie meilleure, une sorte de guide. Il croyait très fort avoir ce rôle à jouer non plus dans la fiction, mais dans le monde réel. 

       Wells a été un homme très intéressant, avec plein de défauts (racisme) et encore plus de qualités (intelligence, désir de changer le monde, de diffuser l'éducation, de créer une société meilleure etc.), avec ses errements, ses erreurs, ses corrections, ses changements d'opinion, sa réactivité au monde, ses passions, ses désirs et sa capacité à payer le prix pour les assouvir. Il a mené une vie bien remplie et j'ai passé un excellent moment en sa compagnie. Vous devriez faire sa connaissance. 

       Dans quelques jours, je vous parle de l'ouvrage de Joseph Altairac, lisez celui-ci, en attendant. 

    

   * "Invasions divines"


978-2070462308