Nous sommes les chardons
d' Antonin Sabot
***+
Prix Jean Anglade 2020
Normalement, je ne lis pas ce genre de romans, romans « de terroir », et il en serait allé de même de celui-là si on ne me l'avait pas offert, mais la brève préface d'Agnès Ledig réunissant tout ce que je crains en la matière a bien failli faire que je ne le lise quand même pas. J'ai appris ensuite qu'il avait été couronné par le Prix Jean Anglade qui « est un prix littéraire national qui récompense un primo-romancier ayant mis en avant dans son texte les valeurs chères à l’un des auteurs majeurs de la maison d’édition : humanisme et universalité. ». Vous ai-je déjà dit ce que je pense du mariage contre-nature de l'art et des impératifs moraux ? Là, il n'y avait plus aucune chance que je le lise.
Pourtant, je l'ai lu.
Vous l'avez deviné, tout dépend de la personne qui vous offre un livre parce qu'il lui a beaucoup plu et qui attend votre avis.
J'en ai lu plus que dix pages (j'ai tout lu, en fait) parce que l'écriture est belle et je suis très sensible à cette qualité-là. Alors je me suis lancée dans ces montagnes, moi qui ne connais quasi pas la montagne et qui déteste la neige. La littérature fait des miracles. Et finalement, ce roman m'a fait penser à "Sur les ossements des morts" d'Olga Tokarczuk. Evidemment, j'ai préféré les beaucoup plus inspirés ossements des mort, mais le lien était fait.
Ici, Antonin Sabot (avec un nom pareil, pas besoin de pseudo) nous raconte l'histoire d'un montagnard, Martin, vivant avec son père qui l'a élevé retiré de tout dans sa cabane de montagne sans liens avec le monde. Martin ignore tout de tout et ses quelques relations humaines se sont limitées aux contacts assez rares avec des voisins qui ne sont pas très proches. Il n'a que vingt ans et se trouve bien de cette vie, n’ayant jamais eu l'idée de s'en envisager une autre. Mais voilà que son père est mort, mort, assassiné qui plus est. Martin se retrouve seul. Les gendarmes débarquent. Tout va-t-il changer ? Qui a tué le père?
Alors, à mon avis, les deux atouts principaux de ce roman sont la belle écriture et l'excellente connaissance d'un décor magnifique. C'est ce qui séduit, rend la lecture plaisante et garde le lecteur jusqu'à la fin. Il y a eu aussi des remarques qui m'ont plu : « Il pensait que c'était en partie ça, le rôle des hommes. Que l'homme n'est pas une fin en soi et ne peut pas disposer de la nature comme il veut. Mais qu'il n'est pas non plus un animal identique aux autres. "Les deux points de vue aboutissent à des situations pas tenables, argumentait-il en flattant le col de ses vaches. Soit à faire souffrir les bêtes parce qu'on serait trop supérieur à elles, soit à les faire souffrir en les laissant toutes seules." Lui, il aspirait à un rôle entre les deux. »
Les défauts, toujours à mon avis, sont les invraisemblances innombrables (quasiment tout ce qui n'est pas la montagne) : la mère, les solutions financières faciles, le passage à Paris, le quota sentimental etc. Ainsi que toute la cohérence psychologique. Alors là ! … Les réactions de Martin sont étranges et les autres personnages sont vraiment minces, les situations idylliques, les solutions faciles et les enchaînements de relations indépendants de tout réalisme tant matériel que psychologique.
Voilà pour ce que j'en ai pensé.
Sans jamais avoir été trépidant, le roman se termine en ralentissant comme on freine avant de s’arrêter, ce qui pour moi n'est pas la meilleure façon de finir un livre, et sur une piste optimiste d'ouverture sur les autres qui présenterait sans doute une amélioration de la situation, mais sans doute pas une solution.
Je ne déconseille pas formellement ce roman qui peut plaire à certains, mais pour ma part, je vais plutôt continuer avec Olga Tokarczuk.
978-2258194120