12 octobre 2024

L'Hôtel des oiseaux

de Joyce Maynard

****

Amelia n'a que 27 ans mais elle vient de tout perdre pour la seconde fois de sa vie. Incapable d'imaginer le reste de son existence, pour tout dire au bord du suicide, elle quitte tout à l'aveuglette sans rien emporter et se laisse mener par des rencontres de hasards qui la conduiront fort loin en cette époque de hippies et de road trips. Elle atterrit dans une espèce de bout du monde, une île volcanique où un guide de six ans lui fait prendre une chambre dans un hôtel qui est une belle bâtisse au milieu d'un parc de jardinier passionné. L’hôtel n'a que quatre chambres, mais cela s'avère bien suffisant parce qu'elle est la seule cliente. Elle s'y liera peu à peu d'amitié avec Leila, la propriétaire esthète.

Je ne vous en dirai pas plus sur ce que va vivre Amelia, mais y a-t-il meilleur lieu pour rencontrer des gens et découvrir un bout de leur vie, qu'un hôtel? Joyce Maynard sait parfaitement montrer ces nombreuses vies qui à un moment où un autre de leur parcours, font un passage par l’hôtel, tout comme elle sait décrire la population autochtone qui voit avec philosophie et détachement passer ou s'installer ces étranges gringos qui vivent selon d'autres préceptes et préoccupations qu'eux. Chacune de ces existences que nous découvrons, l'espace d'un moment, nous présente une facette possible de la vie. Elle sait aussi nous montrer l'importance de la beauté des lieux qui nous entourent, de l'adéquation et de la légitimité des activités qui occupent nos vies, ainsi que de la juste évaluation de nos besoins.

C'est aussi un livre sur la résilience, notre capacité à gérer et surmonter nos pertes, Amelia deviendra très forte à cet exercice et de la voir faire nous amènera à réfléchir à la façon dont nous le faisons, nous, tout comme la probité dont elle fait toujours preuve nous amènera à jauger la nôtre.

On est presque plus près du conte que du récit. Il ne faut pas trop se soucier de vraisemblance et de probabilité, ce qui est une optique que le lecteur peut accepter d'avoir. Cela ne m'a pas posé de problème. On peut reconnaître aussi qu'aux deux tiers du romans, la succession de clients de l’hôtel et du morceau de vie qu'ils donnent à voir, devient un peu systématique et aurait pu être moins longue, même si chacune illustre bien un thème différent. C'est pour cela qu'on accepte tout de même ce petit défaut. Peut-être Joyce Maynard a--t-elle voulu englober trop de choses et aurait-elle gagné à renoncer à quelques unes, mais l'histoire finit tout de même par repartir jusqu'à sa conclusion.

Un roman qui, comme tous les bons romans, nous parle du monde, de ses habitants, de ce qu'ils peuvent y faire et y trouver, et de nous.


Violette l’a lu, mais a été gênée par le manque de réalisme.



9782384820313


09 octobre 2024

La Désolation

Scenario : Appollo

Dessin : Gaultier

****


Jean-Louis Payet, auto-rebaptisé Évariste Payet, instit à La Réunion, a vendu le peu qu’il possédait sur un coup de tête et a disparu du jour au lendemain sans rien dire à personne. Il a acheté un billet sur le Marion Dufresne, en partance pour les Kerguelen. Le Marion Dufresne n’est pas un navire de croisière mais un bateau ravitailleur qui fait le trajet en emportant le fret et quelques passagers. Parmi ceux-ci, les scientifiques qui travaillent aux Kerguelen et quelques touristes en quête de périples un peu moins fréquentés que les autres. Quant à Évariste, c’est une vieille chanson de Dave qui lui avait mis ce nom dans la tête et au moment de faire un break, il lui avait semblé que c’était la destination idéale.


 La première partie de la BD évoque la vie qui s’instaure à bord à l’occasion de cette cohabitation de hasard, chacun se racontant (les distractions ne sont pas si nombreuses), les scientifiques essayant de faire prévaloir une sorte de supériorité sur la valetaille touristique… Le trafic social ordinaire et commun à tout microsome, quoi. Chacun occupe ses journées comme il peut ou veut, s’ennuie un peu. C’est assez reposant, introspectif et je crois que j’adorerais ça. Sans doute plus que le séjour sur place. Bref, on finit quand même par arriver. On échange les T-shirt contre des doudounes et on débarque sur l’île de La Désolation. Faut toujours écouter ce que disent les noms. Ils ne sont jamais donnés au hasard.

Les passagers découvrent ou retrouvent la base, se mettent au travail pour les uns, se font expliquer les lieux pour les autres. Evariste apprend que cette île de la Désolation est tout particulièrement éco-protégée. On lui propose bientôt une randonnée dans une zone inhabitée, c’est un peu sportif (6 heures de marche) mais c’est une occasion exceptionnelle de découvrir les vraies Kerguelen et il accepte, bien sûr. Seulement, alors qu’il sont au cœur de cette zone réputée totalement désertique, voilà qu’ils sont sauvagement attaqués par des agresseurs qui ressemblent à des hommes préhistoriques. Il y a des morts et Évariste a une jambe cassée. Il est capturé ainsi qu’un autre touriste et ils sont emportés. Ce qui va lui arriver ensuite, vous le découvrirez si cela vous intéresse.

Un dessin coloré et sombre à la fois, assez violent, expressif, très réussi. Il convient parfaitement à ce récit.

Évariste est un personnage principal qui reste assez neutre au cœur du lecteur. Les gens qui disparaissent comme ça du jour au lendemain sans prévenir personne livrent lâchement leur entourage à tous les tourments (Ils vont commencer par chercher partout s’il leur est arrivé malheur) et les empêchent de se reconstruire (ils ne savent pas si cette disparition est volontaire ou non, si elle va durer quelques jours ou longtemps ou toujours…). Le lecteur suit donc les aventures d’Evariste d’un œil plutôt objectif et compte les points sans préjugé. C’est le parfait angle de vue pour découvrir tout ce qui va se passer sur ces peu hospitalières îles Kerguelen.

Suspens !

 9782205085167


06 octobre 2024

 Samuel Paty a été assassiné le 16 octobre, il y a 4 ans. Un dossier complet est sorti sur cette affaire sous forme graphique. 9782958292782 Je propose que nous fassions un hommage en postant nos billets le 16 octobre. C’est un peu juste, mais c’est faisable. Qui participe?



05 octobre 2024

  La Route 

de Cormac McCarthy

et Manu Larcenet

*****


C'était en 2006 que Cormac McCarthy avait publié "La route", 2008 en français, et, par chance, je l'avais lue tout de suite. Cela avait été un vrai choc, une fascination. Pour une fois, un roman post apocalyptique me parlait vraiment, non pas tant qu'il soit plus ou moins réaliste que tous les autres, cela tenait plutôt à l'ambiance et à sa focalisation sur les questions réellement essentielles: deux personnages dont l'un entièrement dévoué à l'autre plus faible, un monde vide, plus aucune plante ni animal mais encore quelques rares humains qui errent et peinent énormément à se nourrir. Et parce que l'humain a survécu, ne serait-ce qu'un peu, les grandes problématiques sont toujours là: le bien, le mal, l'abnégation, les limites repoussées de l'instinct de survie, le juste et l’injuste, les éthiques individuelles réduites à l'os, la cruauté, la générosité, le carnage et le don de soi. McCarthy avait su dire tout ça, Pas vraiment en le disant d’ailleurs, plutôt en le montrant à travers ce qu’il faisait vivre à ses héros et en théorisant tout de même un peu dans ce que le père disait au fils. La transmission, réduite à l’ultra strict nécessaire, puisqu’il ne reste rien du monde. Et tout de même, pour eux du moins mais pas pour tous, dans ce presque rien qui reste, pas juste l’instinct de survie, mais une éthique, une morale… Passionnant et poignant. Ce roman est un chef d’œuvre.

Je n'avais pas été la seule à être envoûtée, en 2007, le prix Pulitzer de la fiction lui avait été attribué. Nous avons été très nombreux à le lire et à succomber et chacun se demandait, "Et moi, qu'est-ce que j'aurais fait?" et tous voulaient savoir comment tout cela allait se terminer et après quelles mésaventures et choix cornéliens. Un film en avait été tiré avec Vigo Mortensen dans le rôle du père. D’après les photos, il me semble convenir pour ce rôle, mais je n'ai pas voulu le voir parce que je ne voulais pas qu'on touche à l'expérience que j'avais eue avec le roman. Pour la même raison, je ne me suis pas précipitée pour lire l'adaptation que Manu Larcenet en avait fait en bande dessinée, mais à force de la voir mise en avant à la bibli, il a bien fallu que je cède, et finalement, je l'ai lue. 

J'estime que Manu Larcenet a réussi ce challenge extrêmement difficile. Il a produit une vraie œuvre graphique. Il a su rendre par le dessin, les personnages, le décor, l'ambiance, et quinze ans après cette lecture si marquante qu'elle me semble ne remonter qu'à bien moins, j'ai retrouvé la majeure partie de ce qui fait "La route". Le dessin est parfait, tant pour les personnages que pour tous les choix de décors. Quant à l’œuvre elle-même, je ne l'ai jamais jugée trahie. Rien que cela, c'est une grande réussite. Et cette bande dessinée mettra l’œuvre de McCarthy à la portée de certains qui ne liraient pas le roman.

978-2205208153

01 octobre 2024

Shadow Life

Scenario : Hiromi Goto

Dessin : Ann Xu 

*****


Présentation de l'éditeur:

"Kumiko est placée à Pâturages Verts, une maison de retraite prisée. Ses filles étaient certes bien intentionnées en choisissant cet endroit pour elle, mais la veuve de soixante-seize ans s’enfuit au bout de quelques jours. Rebelle et indépendante, elle refuse qu’on lui dicte sa condition et emménage seule dans un appartement, gardant le lieu secret. Kumiko se délecte des petits plaisirs quotidiens : décorer à sa guise, manger ce qu'elle veut et aller nager à la piscine. Sauf que quelque chose l'a suivie dans ses bagages : l'ombre de la mort… "


Noir, blanc et quelques nuances de gris (seule la couverture est colorée) pour ce roman graphique de 368 pages extrêmement émouvant, grave, mais pas triste à mon avis. Un graphisme simple et tout à fait adapté. Cela commence quand Kumiko quitte discrètement et nuitamment la maison de retraite où ses filles l'ont installée pour être rassurées à son sujet. Elle avait accepté d'y aller, mais maintenant, elle se rend compte qu'elle ne veut pas de cette vie où les autres décident tout pour elle jusqu’à l’heure de ses repas, même si c’est avec un soin permanent de sa sécurité. Alors elle part et, pour couper court à toute discussion, elle se loue un petit appartement dont elle ne révèle l'adresse à personne. Elle a le sentiment réconfortant de reprendre en main les rênes de sa vie (ce qui est l'exacte réalité d'ailleurs). Kumiko a trois filles. La cadette, immature et exigeante, ne cesse de la harceler par téléphone pour être rassurée. Elle n'accepte pas ce que la vieille dame a fait, elle exige d'être rassurée (au moins, quand elle était dans la maison de retraite, elle n'avait plus à s'inquiéter). Kumiko essaie de lui expliquer que ce n'est pas ainsi que les choses se font et lui demande de respecter ses choix comme elle même a respecté les siens quand elle était jeune. Bien sûr, c'est peine perdue, mais Kumiko ne cède pas et poursuit sa nouvelle vie. Sont nouvel appartement lui plaît. Elle occupe ses journées en allant à la piscine et à la bibliothèque.


Il y a cependant une ombre au tableau, et c'est bien d'ombre qu'il s'agit. Sans jamais parvenir à la voir en face, Kumiko aperçoit du coin de l’œil une ombre qui la suit en permanence et marque même sa peau, prenant des formes diverses et ne la quittant pas. C’est l'ombre de la mort. Kumiko a 76 ans, quand même, son corps faiblit. Il est normal qu'elle commence à y penser... Mais pas tout de suite! Aussi décide-t-elle d'acheter un aspirateur pour faire le ménage chez elle et profiter de sa nouvelle vie dans un logement propre. Et voilà qu'elle parvient à aspirer l'intruse! L'ombre de la mort est prisonnière du sac de l'aspirateur que Kumiko s'empresse de cadenasser autant qu'elle le peut. Kumiko perd-elle un peu la boule? Cela changerait la donne et il faudrait alors voir cette histoire autrement... Mais une fois l'ombre enfermée, elle reprend ses activités avec un meilleur moral, même si sa santé semble se dégrader un peu. Quand l’ombre de la mort rôde autour de vous, ce n’est pas pour rien. Et voilà bientôt qu'elle tombe et se blesse! Elle qui est seule, là où personne ne la connaît.

Voilà, je vous en ai assez dit sur l'histoire, vous découvrirez la suite si vous le voulez. Ce que j'ai le plus admiré, c'est la justesse du récit. Comment l'auteure a-t-elle pu savoir avec autant d'exactitude ce qui se passe dans la tête d'une vieille dame? Les jeunes n'en ont généralement aucune idée. Un coup d’œil à Wikipédia m'a appris qu'elle était née fin 1966. Elle a donc vingt ans de moins que son personnage et cependant, tout est juste dans ce qu'elle montre. Juste et délicat. J'ai beaucoup apprécié ce roman graphique qui éclaire une problématique que nous connaissons ou connaîtrons tous, pour nous même ou des proches. Elle rappelle aux jeunes que ce n'est pas parce que les plus anciens se mettent à avoir besoin d'aide qu'ils perdent pour autant leur droit à l'égalité et à la liberté. Elle rappelle aux vieux qu'il arrive un moment où on ne peut plus se débrouiller complètement tout seul.

C'est ainsi.

Bonne lecture!

9791033513414

27 septembre 2024


Le Voyage d'Hanumân

de Andreï Ivanov

****


 C'est l’histoire de deux types qui débarquent au Danemark et découvrent l'Occident à la fin des années 90. L'un, Hanumân, est originaire d'Inde, l'autre, Johan, le narrateur, d'Estonie. Ils sont amis, ils sont en situation irrégulière et n’ayant nulle part où aller, ils se retrouvent dans un camp de la croix rouge. Ce n’est n'est pas un camp fermé. Ils peuvent en sortir comme ils veulent d’autant que, même là, ils sont clandestinement. Ils peuvent aller où ils veulent et revenir, et c'est ce qu'ils font. Mais tant qu'ils ne sont pas contrôlés du moins. C’est pourquoi leurs expéditions sur les routes sont des parties de cache-cache. La peur de la police qui les reconduira à la frontière est leur principal moteur. Même au camp ils sont en situation irrégulière, car ceux qui y séjournent sont censés attendre que leur demande d’asile soit examinée, eux ont déjà été refusés plusieurs fois et n’ont même plus le droit de se trouver là. Partageant discrètement la chambre d’un camarade dans le baraquement, ils dorment la fenêtre ouverte hiver comme été, prêts à foncer dans les champs voisins s’il y avait un contrôle nocturne.

Ils sont jeunes, et quoique de nationalité différente, ils ont tous deux reçu une éducation d’inspiration soviétique. Ils ne savent rien du monde occidental en dehors des aides et subsides qu’ils peuvent en espérer. Ivanov ne brosse pas d’eux un portrait flatteur. Il les montre prêts à tout, profiteurs, immoraux, aisément agressifs, consommateurs d’alcool et de drogues, potentiellement dangereux, potentiellement utilisables aussi par la société si elle se décide à leur trouver une place, tout va se jouer là. Pour l'instant, ils sont venus pour prendre, pas pour donner. mais ça peut changer. Hanumân avait des attentes. Il se rêvait dans l’île de Lolland qu’il imagine comme un paradis sur terre. Il s’imagine ayant fait fortune grâce à une de ses idées originales. « Son rêve était le suivant : que ceux qui lui crachaient dessus en face ou dans son dos, voient un jour le monde s’illuminer tout entier de son sourire radieux, placardé dans tous les autobus, les tramways, les gratte-ciel, adressé à tous depuis tous les écrans : « Hello, c’est moi, Hanumâncho ! » Mais il n’arrivait pas à trouver quoi que ce soit, dans ce nid de vi^ère, qui puisse le rapprocher de la réalisation de ce reve. » (...) « il glissait sur le monde pratiquement sans laisser de trace, car il n’arrivait pas à avoir prise sur une vie qui se dérobait, échappait à ses mains comme une soie incroyablement fine. Cela le mettait au désespoir, il souffrait et détestait encore plus le monde entier. »

Plus encore que du Danemark et de Lolland, il rêve des USA. Johan, le narrateur estonien qui se fait passer pour russe, n'a aucune attente précise si ce n'est de ne surtout jamais retourner à l'Est et de ne jamais être identifié. Personne ne sait son vrai nom. Il se cache si soigneusement qu’on peut même se demander s'il n'est pas un droit commun recherché pour un crime. Il s’est lié avec Hanumân d’une sorte d’amitié rude qui durera ce qu’elle durera et, n’ayant aucune préférence de destination, il le laisse décider de leurs déplacements.

Johan, qui raconte leurs pérégrinations, montre le décor sordide et leur entourage misérable et aussi impitoyable. Andreï Ivanov qui a séjourné dans les camps de réfugiés, a fait une moisson méticuleuse de ce qu’il y a vu et vécu et c’est ce fonds qu’il utilise dans son roman. On est loin d’une vision détachée et angélique des choses. Il y a des histoires atroces, et pas de « gentil » (même lui). On est en plein dans la misère matérielle et mentale la plus cruelle. Comment survivre quand on n’a ni connaissances (même pas celle de la langue), ni relations, ni droits, ni un seul sou de revenu. Tous deux connaissent des crises de dépression profonde et même des attaques de paranoïa, mais en même temps, il y a des éclairs d’un humour amer, mais drôle quand même : « Chaque fois que du Directoire arrivaient des papiers importants destinés au Chinois, Népalino l’accompagnait au bureau du camp. Là, buvant d’un air important le café que lui apportait le staff, placé tout à coup au centre, devenu pour quelques dizaines de minutes qu’elqu’un d’indispensable, Népalino lisait les documents rédigés en danois et, avec sur le visage une gravité sans pareille, il les expliquait au Chinois. Et même si personne ne pouvait savoir si Népalino avait du chinois une connaissance bonne ou mauvaise, tout le monde savait parfaitement qu’il ne connaissait pas un mot de danois. »

Le récit n’est pas toujours chronologique, comme ils passent leur temps à tenter d’atteindre des contrées plus propices et à revenir au camp par nécessité pour recommencer à nouveau plus tard, le récit prend le même chemin d’éternel recommencement où les choses se répètent sans progresser. C’est ce qu’Andreï Ivanov appelle son écriture mimetique. Elle reflète avec une belle maîtrise, l’ambiance de ce qui est raconté.

Dans une interview, l’auteur explique qu’il s’agit d’une trilogie et que cette trilogie est composée d’un roman picaresque, d’un roman d'apprentissage et d’une confession. «Le Voyage d'Hanumân» est donc le roman picaresque. Il faut reconnaître qu’il coche bien toutes les cases et c’est dans cette esprit qu’il faut le lire. Hanumân est le personnage picaresque par excellence. Mais quelle trilogie? Nous n'avons que le voyage d'Hanumân. J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé que d’autres romans aient été édités, ni en français, ni en anglais. Quel dommage !

Les Editions du Tripode, qui ont édité ce tome en 2016 n’ont jamais publié la suite et semblent même l’avoir oublié au point de ne plus savoir eux-mêmes ce qu’elles ont édité, cf leur propre page où ils le présentent comme un roman graphique !!! 8 ans, ce n’est pas si long quand même pour oublier un de leurs bons écrivains.

J’aurais tant voulu lire  la suite! Le style est magnifique, Ivanov est un auteur d’une qualité littéraire incontestable. Dans une interview, il n'hésite pas à se prévaloir de Joyce, Céline, Miller, Nabokov... et il a raison. De plus, il parle sur les immigrés illégaux dont il a fait partie, un discours cru, vrai, et dénué de tout angélisme comme de tout reproche. Cela n’a peut-être pas plu… Encore un grand écrivain que nous ne lirons pas. Alors, que s’est-il passé ?  


978-2370550996


23 septembre 2024

 PALMARÈS ETE 2024

***


Médaille supersonique sidérale météoritique

LA BELETTE :  31 titres!!!


Médailles de diamant

14 Titres : INGANNMIC  


Médailles d'or

9 titres :  JE LIS JE BLOGUE


Médailles d'argent

6 titres : DASOLA,  LA GEEKOSOPHE,  SIBYLLINE


Médailles de bronze

5 Titres : KATHEL,  KEISHA,  MAPERO


Médaille de chocolat

4 Titres :  MARA,  MISS SUNALEE,  TADLOIDUCINE


Médailles de caramel

3 Titres :  ATHALIE,  JU LIT LES MOTS,  SANDRION,  VIOLETTE


Médailles de meringue

2 titres : AUDREY,  DAME IDA,  ENNA,  EVA,  FANJA ,  LIVR'ESCAPADES


Médailles de barbe à papa

 1 titre : ANNE,  ANNE-YVES,  CHRISTW,  PASSAGE A L'EST,  PATRICE,  SACHA, 


BRAVO A TOUS !!

Tous les blogueuses et blogueurs cités s'afficheront maintenant dans ma liste de blogs amis =>

que je vais bientôt remettre à jour

A l'année prochaine !

22 septembre 2024

 Voici l'automne.

Le Challenge des Pavés de l'été 2024 est terminé !

Bravo et merci à tous les participants

à ce jeu qui demande des efforts 

et où il n'y a rien à gagner.😊

Bientôt, ici même, le palmarès.

Fantastique histoire d'amour

de Sophie Divry

****+


Une histoire passionnante racontée à presque deux voix. Les chapitres "Bastien" alternent avec les chapitres "Maïa", et je dis presque parce que les chapitres "Bastien" sont à la première personne et ceux "Maïa" à la troisième.

Bastien, inspecteur du travail doit se rendre dans l'entreprise Plastirec où un accident atroce vient d'avoir lieu: un ouvrier a été broyé dans la compacteuse. Bastien doit même pénétrer lui aussi dans l'horrible machine pour procéder aux contrôles.

Maïa, journaliste scientifique va être virée de son magazine au premier prétexte venu, mais principalement pour "réduire la masse salariale". Il lui faudra vivre en faisant des piges et cela ne rapporte guère. Elle est contactée par sa tante, scientifique de haut niveau, spécialiste des cristaux scintillateurs, qui travaille au CERN à Genève et qui a un service à lui demander.

Tous deux, entre deux âges, sont célibataires, ce qu'il vivent plus ou moins bien (mieux du côté de Maïa) et bientôt en position professionnelle incertaine. Ils ne se connaissent pas, mais ce que la tante de Maïa a à lui demander et qui est ultra secret, a un rapport direct avec l'accident de Plastirec. Ils ne le savent pas encore, mais leurs vies à tous deux vont être totalement bouleversées et même mises en danger par cet effroyable accident du travail. Sans parler du violent coup de foudre qui va les frapper, prévisible chez Bastien, beaucoup moins chez Maïa.

Et à part cela? Plein de méchants très décidés, de dangers mortels, de fuites, de poursuites, de menaces mondiales, de secrets plus ou moins bien gardés, plus ou moins trahis, de rebondissements! Un vrai thriller, intelligent et captivant, au rythme maintenu jusqu’à la dernière page, mais où l’on parle aussi d'ornithologie: "Notre ouïe est plus lente que la voix de l'alouette. Il est impossible pour nous, sauf au ralenti, d'entendre tous les sons qu'elle chante. Elle émet quatre cents sons à la seconde. Nous, on peut à peine en distinguer quarante." (déclaration fascinante qui me semble ouvrir des vastes horizons sur ce qu'est le temps) et même de religion (dadas de l'une et de l'autre).

Des personnages bien campés, avec un passé, des réflexions intéressantes sur la vie, l’amour, la religion, les relations aux autres. Sophie Divry a toujours cette jolie écriture qui m'avait séduite dans ses romans précédents : "Il y avait tellement de livres que souvent, bien qu'elle fut une habituée, elle se cognait à une étagère nouvellement apparue - et qu'on aurait dit surgie par bouture à partir d'une précédente." et "un ordre alphabétique légèrement dodécaphonique". Mais Sophie Divry écrit aussi parfois des choses étranges et qui me laissent songeuse. "Il était rasé de si près qu'il semblait s'être procuré sa tondeuse dans un pays totalitaire." ??? Plus loin, "un bruit élégant et imperceptible" (je crains qu''il ne faille choisir). Et alors, si on parle cuisine, dans une scène, le père de Maïa prépare des artichauts avec un épluche-légumes et vraiment, je n'arrive pas du tout à visualiser ce qu'il peut bien leur faire. Mais si c'est une nouvelle recette, elle m'intéresse.


Keisha l'a lu aussi.

978-2021538090



19 septembre 2024

La couleur des sentiments

de Kathryn Stockett

*****


- Grand prix des Lectrices de Elle 2011

Ce roman dort dans ma PAL depuis des années et des années. La lecture en était déjà prévue pour les Pavés de l'été, mais l’année dernière! Ca ne s'était pas fait, mais cette année, en y ajoutant le Petit Bac, il fallait que j'agisse. Cette procrastination n'avait que trop duré. Et je l'ai fait, je l'ai lu mais, j’ai remis à plus tard la rédaction du billet, et un peu plus... je ratais le coche encore une fois! Cet excellent roman ne méritait vraiment ni cet excès d'ho(rr)eur ni cette indignité. Il est temps de conclure.

Jackson, Mississippi, début des années 60, la ségrégation raciale y bat encore son plein comme nulle part ailleurs et quoi que puissent dire les nouvelles lois. Martin Luther King n'a pas encore été tué, au contraire, il s’apprête à déclarer qu'il a un rêve, devant le Lincoln Memorial à Washington, D.C. Quelques voix noires commencent à s'élever, soutenues par quelques blancs aussi, mais pas à Jackson. A Jackson, vous seriez massacré pour la moindre apparence de sympathie pour cette cause. A Jackson, la ségrégation la plus stricte s'applique, qu'elle soit affirmée à coups de fusils ou de battes de baseball, ou qu'elle soit simplement appliquée dans les moindres détails de la vie quotidienne. Blanc et noirs ne peuvent partager ni lieux d'éducation ou de culte, ni hôpitaux, ni magasins, ni quartiers, ni bibliothèques où les livres pour noirs sont sévèrement censurés, ni vestiaires, ni toilettes, Il suffit d'être blanc pour faire partie des nantis, ou noir pour faire partie des domestiques, puisqu'on ne peut plus dire esclaves. Mais les "dames" blanches à la conscience tout à fait tranquille, sont dans le déni et se chargent de répandre la doxa selon laquelle tout cela est ce qui convient le mieux pour tout le monde. Parmi elles, Skeeter est à ce point innocente que, comme elle veut devenir écrivaine, lui vient l'idée de faire raconter par les bonnes noires, comment elles sont traitées chez les blancs qu'elles servent. Tout le monde sait bien qu'il ne faut pas faire ça, et Skeeter elle-même réalise peu à peu les risques que son initiative fait courir à toutes celles qui acceptent de collaborer avec elle, c'est le chômage définitif sans aides qu'on risque, l'attaque nocturne de sa maison et le lynchage, la mort peut-être. Mais les choses sont lancées, Le mouvement des Noirs se fait entendre au loin, en arrière plan, et surtout, une fois que les langues ont commencé à se délier, tout sort.

Parallèlement, mais moins fort, on aperçoit les autres oppressions, les petits garçons à qui on apprend dès six ans à tuer des animaux à mains nues, les filles dressées à séduire et à se vendre, les maris violents, l’homosexualité complètement taboue, la violence partout contre celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule (la scène du médecin lors de la fausse couche est une pure horreur).

Un roman vraiment indispensable qui parle d'humanité, de femmes faibles mais fortes, d'hommes qui, même bienveillants, renoncent rarement à jouir des avantages qu’ils ont, si abusifs soient-ils. Wikipédia m'apprend que "The help" (titre original) a été refusé par soixante agents littéraires sur une période de trois ans, avant d'être publié en 2009 mais qu'il a immédiatement été un énormissime succès (comment les éditeurs font-ils pour manquer à ce point de flair?) "En août 2011, les ventes totales, toutes éditions confondues, sont estimées à sept millions d'exemplaires." et ça continue.

Plaisamment présenté partout comme "Le premier roman de Kathryn Stocket", mes recherches ne m'ont pas permis de trouver qu'elle en ait publié d'autres.


PS : L'oiseau moqueur de Harper Lee est plusieurs fois évoqué (encore un qui se languit dans ma PAL)...

978-2330026691



15 septembre 2024

Billy Summers 

de Stephen King

*****


Pas d'horreur, ni de terreur dans ce roman de Stephen King, pas non plus de science fiction, pas de fantôme, et strictement aucun élément irrationnel. "Billy Summers" serait plutôt un thriller, mais un thriller lent.

Billy Summers ex-tireur d'élite de l'armée est devenu tueur à gages, l’un des meilleurs en fait, mais comme il éprouve le besoin de s'auto-justifier, il n'acceptera pas de contrat si vous ne lui avez pas d'abord assuré que la victime est "un méchant". Quelques anecdotes sur la vilenie de la cible sont aussi nécessaires qu'un salaire élevé. Après... Billy ne va pas non plus jusqu'à vérifier que ces anecdotes sont exactes, mais leur évocation suffit à calmer sa conscience. Billy qui a déjà une longue carrière derrière lui songe à prendre sa retraite et on lui propose justement une prime tellement mirobolante pour un nouveau contrat, qu'il estime que cela lui permettrait de le faire. Et il accepte, encaissant dès sa réponse donnée, un acompte somptueux.

On l'installe dans un bureau dans un immeuble face au palais de justice. Il devra abattre une crapule sur les quelques mètres qui sépareront le fourgon de l'entrée du tribunal. Comme on ne sait pas du tout à quelle date aura lieu le procès, il faut que Billy puisse attendre longtemps, devenir familier de tous dans cet immeuble surveillé, sans éveiller le moindre soupçon. Il sera prévenu au dernier moment. On lui a fait une "couverture", il sera un écrivain qui vient tous les jours à ce bureau pour ne pas se laisser distraire du roman qu'il doit absolument terminer rapidement. Cette couverture amuse les truands car Billy est plutôt un type un peu simple, mais il est connu pour sympathiser facilement avec tout le monde et c'est ainsi que le camouflage fonctionne parfaitement. La planque dure des semaines, des mois, il est devenu familier à tous et personne ne se méfie de lui. Pour occuper son temps libre et comme il dispose d’un ordinateur, Billy raconte un peu ses mémoires, puisqu'il est écrivain et à sa grande surprise, il se prend tout de suite au jeu et écrit pendant des heures avec beaucoup de facilité et de plaisir. Bientôt, il ne pourra plus envisager vivre sans écrire, chose que personne n'avait prévue, même pas lui. Et voilà que S. King se met à nous parler de l’écriture en même temps que de meurtres...

« Il a commencé à écrire du point de vue de Billy l’Idiot, mais c’est devenu autre chose (…) c’est peut-être ça l’effet de l’écriture lorsque ça compte vraiment. (…) Billy se met à taper sur les touches, lentement d’abord, puis en accélérant. Autour de lui l’été s’écoule. »

Il y a encore une chose qu'il faut savoir au sujet de Billy, c'est qu’au même titre qu'il a des réserves d'argent, d'armes ou de faux papiers dissimulées en divers endroits "en cas de coup dur imprévu", il a considéré depuis le début qu'il était bon que tout le monde sous-estime considérablement ses capacités intellectuelles. En fait, Billy Summers n'est pas du tout l'homme bas du QI que tout le monde suppose et cela lui donne une bonne mesure d'avance sur tous, amis ou ennemis.

La cible finit par arriver et Billy tire. Après, rien ne se passe plus comme prévu.

Un roman captivant qui m'a énormément plu, avec une excellente psychologie des personnages, une vie et un savoir faire propre à Stephen King qui peut nous faire croire à n'importe quoi avec une parfaite apparence de réalisme. Les personnages, qu’ils soient secondaires ou principaux, ont tous une vraie épaisseur et une vitalité frappante. On les "voit" tous. Une histoire qui prend son temps, nous installe bien confortablement et nous emmène où elle veut. On est vraiment encore une fois immergé dans ce monde qu'il a créé pour nous. C'est ça que Stephen King sait faire et c'est encore pleinement le cas cette fois. Ce titre, ce thriller lent, va faire partie de mes King préférés.

On parle d'une adaptation au cinéma et je n'arrive pas à savoir si elle est faite ou non. Di Caprio serait dans le rôle de Billy Summers. C'est ok pour moi. Il conviendrait parfaitement. Je ne suis pas du tout cinéphile, je ne sais pas si je verrai ce film mais à l'occasion, pourquoi pas? Par à l'occasion, je veux dire s'il passe sur une chaîne et que je ne suis pas obligée d'aller au cinéma. Je l'ai dit: je ne suis pas cinéphile, de toute façon, même quand j'aime les versions vidéo, je préfère toujours la lecture et mes images à moi.


Relevé :

« Dans le monde entier, des livres inachevés -des mémoires, des poèmes, des romans, des méthodes infaillibles pour maigrir ou devenir riche- attendent dans des tiroirs car ce travail est devenu trop lourd pour les personnes qui essaient de le porter, alors elles l’ont reposé. »


« Le temps passe. Il a un don pour ça. »

978-2226460332