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21 mai 2022

Les tiroirs de l'inconnu

de Marcel Aymé

****


Cette Histoire suit le personnage principal qu’est Martin. Il vient juste de sortir de prison après deux ans pour avoir tué un voisin. Ce n'est pas cher payé mais il avait sans doute fait valoir que c'était plus un accident qu'un meurtre, ce qui était exact, et le dit voisin était par ailleurs connu pour être désagréable et querelleur. Bref, le voilà dehors et renouant avec son monde d'avant.

 Chez lui, sa femme s'est mise en ménage avec son frère ils ne font pas plus d'histoires à le voir revenir qu'ils n'en ont fait à se passer de lui. Martin retrouve aussi une amie d'enfance qu a toujours été folle de lui, ce dont il n'a jamais daigné se rendre compte. Cette dernière, Tatiana, a abandonné une agrégation de math qu'elle a ratée deux ans de suite en faveur d'une très rémunératrice carrière de mannequin (et plus si affinités) . C'est Tatiana qui, TRÈS amie avec un PDG, lui trouve très vite du travail, ce qui, on le sait n'est pas le plus facile pour un assassin libéré. Comme on l'a simplement collé seul dans un petit bureau sans lui donner le moindre travail à faire, Martin s'ennuie et en vient finalement à examiner son mobilier sous toutes les coutures. C'est ainsi qu'il découvre, écrit au dos des tiroirs, un extraordinaire récit fait par le précédent occupant des lieux, un pâle voyou d’ailleurs, mais qui tenait à narrer ses exploits, d’autant que les exploits en question l'amenaient à craindre pour sa vie... Je vous laisse découvrir la suite des aventures de notre assassin.

Ce roman est le dernier de mon bien aimé Marcel Aymé. Ecrit après plus d'une décennie consacrée au théâtre, c'était peut-être le roman de trop, ou du moins, le roman dont l'écriture ne s'imposait pas. On a d'ailleurs l'impression qu’il est un peu fait de bric et de broc, qu'il contient des pièces rapportées dont l'inclusion peut étonner. Je pense en particulier aux extraits des cahiers de l'énigmatique Porteur. Parlons-en de ces extraits: Le cahier bleu nous inflige une "étude" sur l'amour et une seconde sur les femmes assez consternantes, terriblement datées, et qu'on ne peut lire sans se fâcher qu'en les imaginant dites par une voix de vieux film, un peu celle d'Alphonse Allais, qui était quand même plus fin que Porteur. La troisième inclusion provient d'un "cahier jaune" du même Porteur et est tout simplement un morceau de pièce de théâtre sans rapport avec le reste du roman. Et que viennent faire dans l'histoire ces considérations? Mystère. Peut-être sont-ce en fait des brouillons dont l'auteur ne savait que faire. Peut-être le roman n'était-il pas assez épais...? Je n'ai rien trouvé à ce sujet. On a l'impression que M. Aymé n'est plus motivé pour écrire des romans. On peut imaginer qu'ayant eu une bonne idée (les tiroirs) il se soit tout de même lancé (il n'en avait plus écrit depuis douze ans) mais que la magie n'a pas repris et qu'il l'a un peu bâclé pour finir. J'espère que vous avez noté que je suis en pleine spéculation sans garantie. Néanmoins, il n'y aura pas d'autre roman alors qu'il restait à l'auteur sept ans à vivre.

Et pourtant. Un roman de Marcel Aymé, c'est toujours une petite pépite. un style inimitable, cet humour pince-sans-rire qui touche toujours si juste, ces formules percutantes, ces "petites phrases" qui sont des chefs-d’œuvre; et puis il y a des passages très drôles et même au fond, de quoi réfléchir sérieusement. Alors,  à l'occasion lisez tout de même "Les tiroirs de l'inconnu", ne serait-ce que pour savoir ce qui va arriver à notre assassin. 

Et en attendant, florilège :

- "Son courage, son opiniâtreté, sa conscience, c'était ce qui faisait d'Adrien un être si obtus."

- "Pour les sans un rond, il n'y a qu'une morale: passer à travers."

- "Je sais qu'Adrien me trompait assez souvent. Et moi, jamais, sauf quelquefois, mais c'était pour me rendre compte."

- "Les larmes qu'au petit matin les femmes versent sur leur destin sont celles d'un chagrin lucide que les effusions ne sauraient apaiser."

- "A la S.B.H., Lormier (le PDG) m'a tenu dans son bureau jusqu'à midi et demi à me parler de la chance qu'avaient "les gens de mon espèce" de n'avoir pas à porter le fardeau de la fortune et son cortège de soucis. Il a même rêvé tout haut devant moi au bonheur de prendre le métro..."

- "Vous les sans-un, vous avez droit à la vertu. Une femme, un amour et la semaine de quarante heures. Et dites-vous que c'est déjà bien beau et que c'est grâce à Pinay que ça dure."

9782070377244


16 avril 2022

 Appelez-moi Malaussène 

de Jérôme Charyn

***+


« Call me Ishmael Isaac ! »

En 1996, Daniel Pennac avait publié un très court 5ème (on pourrait dire 4 ½ ) volume aux aventures de sa famille Malaussène, cela s'appelait "Des chrétiens et des maures", et cela mettait en scène un new-yorkais qui allait devenir le géniteur du Petit et qui avait toutes les chances d'être  le célèbre Isaac Sidel... Ce malheureux Isaac était poursuivi et torturé par d'horribles méchants qui voulaient lui faire dire... le livre se terminait sans qu'on sache quoi.

Voilà Isaac de retour à Belleville. S'il s'agit bien de lui car le doute est soigneusement entretenu à ce sujet, le personnage amoindri qui nous est présenté a peu de ressemblance avec le héros new-yorkais. Ce pourrait être quelqu’un qui multiplie les identités fantaisistes en s'accordant les pseudonymes de personnages de fiction, ce pourrait être une espèce de débile dont le cerveau ne servirait que de mémoire à des fins culturelles (dans le meilleur des cas) ou mafieuses. Toujours est-il que les Méchants sont toujours après lui, qu'ils ne sont pas plus tendres et que la chasse reprend.

… Sans que cela préoccupe le moins du monde notre héros (ici appelé « le petit bonhomme ») qui n'a pas récupéré toutes ses capacités et dont la mémoire et l’intérêt ne portent que sur ses gigantesques connaissances littéraires. Heureusement pour lui, divers gangsters, dont le narrateur, un maquereau noir et sa principale gagneuse, se chargent de lui, mais rarement par pure bonté. Et le lecteur repart pour d'amusants rebondissements et exercices d'intertextualité, Bartleby, Melville et même cette fois, pour faire bonne mesure, Proust (nous sommes à Paris tout de même).

Jerome Charyn nous fait passer du côté américain, les personnages sont des maquereaux, gangsters et prostituées tout droit débarqués de Manhattan et notre Isaac (que ce soit lui ou non) découvre qu'il est père ce dont il était loin de se douter (encore un coup de sa mémoire sans doute, puisque Maman Malaussène le lui avait dit*). La course effrénée au secret d'Isaac reprend de plus belle et cette fois, parviendra à son terme.

Charyn reprend toutes les pistes démarrées et laissées en suspens par Pennac et les mène à terme. Son esquive qui maintient l'incertitude sur l'identité réelle du Petit Bonhomme lui permet toutefois de ne pas hypothéquer la carrière d'un personnage récurrent dont il savait en 1998 qu'il n'était pas encore arrivé au bout de ses aventures. 

A ne lire qu'après « Des chrétiens et des maures », bien sûr.


* Pour remplacer Manfred Coen, suivez un peu !



9782290306451 


11 avril 2022

 Des chrétiens et des maures 

de Daniel Pennac

***


"I would prefer my daddy"

La quatrième de couverture ne nous dit rien et aucune préface ne vient nous renseigner davantage. Nous ne saurons pas quels sont les liens entre Jerome Charyn et Daniel Pennac, mais ils doivent bien exister pour qu'ait débuté cet étrange, sympathique (mais non impérissable) « crossover » qui allait mêler (en partie du moins) Isaac Sidel et la tribu Malaussène. Nous ne saurons pas comment tout cela a débuté, qui l'a décidé, pourquoi, dans quelles circonstances, etc. Toutes les questions sont ouvertes, et elles le restent car on est bien moins généreusement pourvu au niveau des réponses... Toujours est-il qu'en 1996, Daniel Pennac publia une courte histoire de 80 pages qu'il intitula « Des chrétiens et des maures », titre trompeur, si vous avez cru que cela avait un rapport avec les Croisades, titre évocateur, de bien trop de choses pour comprendre en fin de compte de quoi il s'agit, et titre finalement accrocheur. 

Nous y retrouvons toute la tribu Malaussène (à un stade qui les voit déjà assez nombreux, 4 volumes ont déjà vu le jour) et le lecteur, resté dans la nostalgie de ces récits-là, s'empresse d'aller voir ce qui leur arrive ici. Il nous arrive que Le Petit nous fait une crise grave de Bartlebisme (adapté à son cas). Il décide d'un seul coup qu' "Il veut son papa". Or, vous le savez, Maman Malaussène a des qualités, mais la conservation des géniteurs n'en fait pas plus partie que l'élevage des enfants. Impossible de retrouver celui-là (les autres non plus, d'ailleurs). Or, la situation devient vite grave puisque Le Petit repousse maintenant toute nourriture en répétant  "Je préférerais mon papa.". L'ombre paralysante du « I would prefer not to » vient tout plomber. Relevons cependant ici le clin d’œil puisque J. Charyn traduisit Melville en français.

S'ouvrant de ses tracas à un ami, Benjamin Malaussène, lui avoue qu'en fait, il se souvient dans quelles circonstances peu banales fut conçu Le Petit et a donc pas mal de renseignements sur son père... mais ni son nom, ni son adresse. Il lui raconte alors tout en détail et pour commencer, comment la route d'un certain shérif américain handicapé d'un tænia de première grandeur, a croisé celle de la Famille Malaussène.  Malheureusement pour lui, il avait auparavant croisé celle d'une bande d'horribles voyous qui l'avaient terriblement torturé pour  "lui faire cracher un secret en or massif". C'est une histoire pleine de bruit et de fureur, et aussi vraisemblable que les autres aventures de la tribu... que je vous laisserai découvrir.

En conclusion, son ami peut donc le rassurer, car il a, lui, reconnu l'homme en question. Une chose les perturbe cependant, comment cela serait-il possible ? Isaac Sidel est un être fictif ! Les personnages de roman ne font pas des enfants. Il leur faudra cependant s'en accommoder (surtout que si l'on y réfléchit bien, les Malaussène...)

Mais bref. Jerome Charyn s'empressa de répondre à cette paternité inattendue dans un roman du même (petit) calibre qu'il intitula « Appelez-moi Malaussène ». A lire en second lieu, bien sûr. Tout cela est amusant, sympathique, etc. 

et sans grande prétention.

1. Au bonheur des ogres, Gallimard, coll. « Série noire » no 2004, 1985

2. La Fée Carabine, Gallimard, coll. « Série noire » no 2085, 1987

3. La Petite Marchande de prose, Gallimard, 1990

4. Monsieur Malaussène, Gallimard, 1995

5. Des chrétiens et des maures, Gallimard, 1996

6. Aux fruits de la passion, Gallimard, 1999

7. Le Cas Malaussène 1 : Ils m'ont menti, Gallimard, 2017

8. Le Cas Malaussène 2 : Terminus Malaussène, Gallimard, 2023


9782070406968

31 janvier 2022

 La peur des bêtes 

d' Enrique Serna

***+


Nous avons ici un roman policier dans lequel Enrique Serna a voulu épingler la totale corruption de la police et du système judiciaire ainsi que du monde littéraire mexicain. Il a par ailleurs tenu à le faire sur un mode humoristique, voire comique, volontiers gras, qui nous vaut de nombreuses scènes franchement débridées, quantité de gueules de bois, sang, vomissures, bouges, caniveaux et morts violentes et stupides. Je vous présente l'affaire:

Evaristo Reyes se considère lui-même comme un futur écrivain et actuel journaliste enquêtant pour constituer un dossier à charge contre les abus de la police corrompue, mais cela, il ne l'est que dans sa tête. Objectivement, il est flic à la police judiciaire mexicaine et directement sous les ordres du très dangereux Commissaire Maytorena, pilier central de la dite corruption. S'il a pour l'instant réussi à ne pas avoir directement de sang sur les mains, il n'en a pas moins couvert bon nombre des exactions de son patron sans faire avancer d'un poil sa prétendue enquête. Lui-même, s'enfonçant chaque jour d'avantage dans les compromissions, commence à soupçonner que ce n'est plus que le paravent factice d'un pourri comme les autres qui profite des crimes. De plus, Maytorena lui fait peur (à juste titre), il n'est pas prêt d’oser lui jouer un sale tour. Ce qui va faire bouger les choses, c'est qu'Evaristo, soupçonné d'un crime que le Commissaire ne peut couvrir, va devoir l'affronter pour tenter de sauver sa peau et tenter de trouver le vrai coupable. Il s'y prend plutôt maladroitement, dans un état de lucidité amoindrie par la panique, l'alcoolémie et un rut quasi permanents. Le crime dont il est accusé est celui de Roberto Lima, écrivain revendicatif, ce qui l'amènera a reprendre son costume de journaliste et à s'enfoncer bien plus avant qu'il n'était jamais allé dans le microcosme littéraire qu'il découvrira presque aussi pourri et dangereux que celui du commissariat et qui lui fera perdre ses dernières illusions.

 Pour tout dire, je n'ai pas été emballée par ce polar. J'y ai souvent trouvé le temps long... Dénoncer la torture et les assassinats policiers sur un mode humoristique, est un pari difficile, qui ne fonctionne pas trop bien avec moi semble-t-il.

Notre Evaristo mène l'enquête n'importe comment et sa progression doit peu à sa capacité de déduction. Il est plutôt comme une boule de flipper rebondissant d'un choc à l'autre. L’intérêt revient dans les vingt dernières pages avec, pour ma part, la petite satisfaction vaniteuse d'avoir trouvé depuis longtemps qui avait fait le coup. Et l'écriture est belle malgré le choix d'un lyrisme échevelé qui flirte parfois avec le ridicule.

C'est macho, c'est sexiste et homophobe. Comme ça, la messe est dite, amateurs de politiquement correct, reposez ce livre !

Il paraît que les collègues écrivains de Serna ont peu apprécié sa peinture du monde littéraire, on comprend bien pourquoi. C'est un vrai massacre. On a évidemment les mêmes choses en France et partout, mais d'une façon plus discrète et plus policée. Il n'est néanmoins pas mauvais de ne pas l'oublier. 

"Il fut particulièrement intéressé par Les illusions perdues de Balzac, où il trouva des points communs avec son roman. Le personnage principal, le jeune poète Lucien de Rubempré, partait à Paris avec l'illusion de faire une carrière littéraire sans trahir ses idéaux, mais en se mêlant au petit monde littéraire de l'époque, un tas de fumier où aucun critique ne disait ce qu'il pensait et où des magouilles mafieuses décidaient du succès ou de l'échec d'un livre, il finissait par devenir un pharisien, vendant sa dignité aux clans d'écrivaillons qui détenaient le pouvoir littéraire."

9782752901958


03 décembre 2021

 

Le Club des policiers yiddish 

  de Michael Chabon

***+


 Tout d'abord, il faut préciser que ce roman policier est une uchronie (ce qui lui a valu le Prix Hugo qui couronne des ouvrages de science fiction). Cependant, il y a gros à parier que les amateurs de science-fiction n'y trouveront pas leur compte car l'imagination uchronique se limite à situer l'action dans un monde tel qu'il aurait pu être si le le projet Ickes pour l'Alaska (1939) avait été mené à terme. Il consistait à attribuer aux Juifs fuyant l'Europe une terre d'asile provisoire dans un bout de l'Alaska. Le monde en question n'est guère différent de ce que furent les grosses villes américaines pleines de gangsters, sauf qu'ici, les gangster sont tous juifs pratiquants voire orthodoxes, comme la majorité de la population, partageant le territoire avec des Indiens autochtones peu nombreux. La cohabitation des deux peuples n'a pas toujours été tendre, mais on est arrivé à une espèce de statu quo. Ces gens sont les descendants directs des rescapés des camps.

"Le père de Landsman, de retour de fraîche date d'une tournée des camps de la mort et de déportation européens, venait d'arriver seul à Sitka à bord du Williwaw. Il avait vingt cinq ans, il était chauve et presque édenté. Il mesurait un mètre quatre-vingt-deux pour soixante trois kilos, Il dégageait une drôle d'odeur, tenait des propos bizarres et avait survécu à toute sa famille."

De plus, on arrive au terme du mandat que les Juifs avaient sur ce territoire : il va leur falloir partir ! Tout le monde est très tendu. L'ambiance est bien rendue.

"Noceurs et touristes ont cédé le pas à une population de personnages interlopes et d'immigrés russes, une poignée de Juifs ultra-orthodoxes et une bande de semi-professionnels bohèmes, amoureux de l'ambiance de fête gâchée traînant dans le voisinage, telle une guirlande de Noël accrochée à la branche d'un arbre dénudé."

 On a donc plutôt affaire à un roman policier. L'inspecteur Landsman, divorce malheureux et alcoolique (que c'est original !) vit dans un hôtel particulièrement minable où un junkie vient d'être abattu. Ce n'est pas une affaire bien passionnante, mais comme cela a eu lieu pratiquement "chez lui", il se sent vexé et décide d'essayer d'élucider l'affaire qui, d'allure quelconque au départ, se révèle de plus en plus grosse et compliquée au fil des recherches...

 Alors, c'est un gros livre (presque 500 pages), qui, je l'ai dit ne plaira sans doute pas aux amateurs de science-fiction, et, je le précise maintenant, sans doute pas davantage aux amateurs de romans policiers car il est vraiment peu lisible. Le gros problème est un problème de clarté. D'abord, il y a le vocabulaire. Énormément de termes yiddish, au point qu'un glossaire a été ajouté en fin d'ouvrage. Cela part d'une bonne intention, mais cela ne suffit pas. Déjà, beaucoup de termes n'y sont pas et puis, s’interrompre toutes les dix lignes pour aller chercher à la fin de l'ouvrage ce qu'on peut bien être en train d'essayer de vous raconter, franchement, ça n'aide pas à maintenir le fil de l'histoire. Fil de l'histoire qui est déjà, bien compliqué, tordu et emmêlé, le lecteur a du mal à s'y retrouver. Les passages abrupts d'un moment ou d'un lieu à un autre n'arrangent rien non plus. Il y a aussi des personnages que j'ai mal identifiés, ou confondus... Bef, je me suis plusieurs fois retrouvée à me demander ce que je pouvais bien être en train de lire... Pourtant, je ne sais pas trop pourquoi, pur entêtement ou peut-être quand même une belle écriture par moments ou un personnage sympa comme son adjoint Berko, géant mi-juif, mi-indien, qui sera d'ailleurs pas mal oublié et évacué n'importe comment à la fin du roman. Fin qui ne sera d'ailleurs pas plus claire que ne l'ont été toutes les pages précédentes. 

"Je pensais que je travaillais pour tout le monde. Tu sais, le service public, le respect de la loi. Mais, non, en réalité je travaillais pour Cashdollar."

 En conclusion, je me demande bien comment ce roman abscons a pu avoir des prix. Encore un grand mystère de l'entre-soi éditorial, je suppose. Clairement, ça ne valait pas le temps que j'y ai passé. J'ai cependant décidé d'essayer de lire un autre roman de Michael Chabon parce qu'il y a tout de même "quelque chose", mais cette fois, j'ai décidé d'avance de ne pas insister s'il recommence dans le même style hermétique puisque je sais maintenant que "le moment où ça s'arrange et où le livre s'éclaire" n'arrive jamais. Je vous tiens au courant.

 


978-2264050441

21 novembre 2021

Le troisième Reich 

de  Roberto Bolano

****+

Fin d'été sur la Costa Brava

Udo Berger, Allemand de 25 ans, s'est accordé une semaine de vacances en Espagne et cette semaine sera également la première durant laquelle il vivra vraiment avec sa compagne du moment, la très belle Ingeborg dont il est fort épris et cela semble réciproque, bien que franchir le pas de la vie commune les effraie tous les deux. Il a choisi de retourner pour cette semaine de vacances, en un lieu qu'il connaît : la pension où, enfant, il venait chaque année avec ses parents et son frère. Elle était tenue par Frau Else, dont le mari est « très malade » et dont il était tombé amoureux enfant. Elle lui plaît toujours beaucoup d'ailleurs, mais elle, se souvient à peine de lui.

Udo a un petit emploi sans grand intérêt qui assure sa subsistance, mais sa grande passion, ce sont les jeux de plateau-jeux de rôle, qui eurent une grande vogue dans les années 70-80 et dont Roberto Bolano était lui même grand amateur. Je suppose que si on écrivait ce roman aujourd'hui, on utiliserait les jeux en ligne. Chez Udo, ce goût a pris la puissance d'une véritable addiction, comme en connaissent tous les dépendants et il ne peut envisager de s'en couper une semaine, même pour une semaine cruciale pour son couple. Il y consacre même encore de nombreuses heures chaque jour, ce qui n'est sans doute pas ce que sa compagne espérait. D'autant qu'Udo est LE champion et, spécialiste reconnu, il rédige des articles pour des revues de plusieurs pays. Le jeu auquel il s'adonne à ce moment s'appelle "Le troisième Reich"* et, utilisant des personnages et pays réels, il rejoue interminablement la deuxième guerre mondiale. Udo joue pour les forces du troisième Reich bien que ses idées ne soient pas nazies « même plutôt le contraire ».

Très vite, Inge et lui rencontrent un couple de touristes allemands, Hanna et Charly, avec lesquels ils sympathisent, bien qu'ils se révèlent rapidement envahissants et agités. Parallèlement, ils font tous connaissance avec quelques « locaux », et peut-être pas les plus recommandables. Il y a Le loup et l'Agneau, deux employés on ne sait où qui songent davantage à s'amuser avec et profiter des, touristes qu'à travailler (spécimens communs dans les stations touristiques) et Le Brûlé, le loueur de pédalos, défiguré on ne sait comment car il n'est pas du pays et qu'on ne sait pas trop non plus d'où il vient. On parle d'Amérique latine... Lui-même ne fournit pas de renseignements. Bientôt, l'alcool aidant, les situations deviennent plus scabreuses ou inquiétantes et Charly, grand nageur mais également grand buveur, finit par disparaître. Que lui est-il arrivé ?

Les femmes rentrent en Allemagne, Udo reste, officiellement pour attendre qu'on retrouve Charly, en fait parce qu'il espère arriver à ses fins avec Frau Else et tout autant parce qu'il a entamé une partie avec le Brûlé qui, bien que découvrant le jeu et les finesses stratégiques, se révèle être un adversaire bien plus coriace que prévu. Et d'ailleurs, qui est-il, ce Brûlé, et quel est exactement l'enjeu de cette partie ? Udo s'agite, s'inquiète, ses rêves deviennent cauchemars, mais leur interprétation reste difficile.

J'en ai peut-être dit beaucoup sur l'histoire, mais sans révéler les fins et parce que l’intérêt majeur du livre n'est pas dans les péripéties de l'installation, mais dans le jeu lui-même, autant en ce qu'il fait revivre de la deuxième guerre mondiale qu'en ce qu'il révèle sur l'addiction et qui devrait fortement parler aux lecteurs d'aujourd'hui, surtout ceux qui ont mis le doigt dans cet engrenage-là. C'est un livre passionnant, très original et superbement écrit. Il mérite de récupérer les lecteurs que son titre, peu éclairant sur son contenu réel, lui a peut-être fait manquer.


* Jeu existant réellement

978-2267020861

12 novembre 2021

 Les frères Sisters 

de Patrick deWitt

*****


J'aime vraiment beaucoup les romans de Patrick deWitt (que j'ai hélas, maintenant tous lus. Vivement qu'il en publie un autre!) et celui-ci est mon préféré. Un chef-d’œuvre à mon sens. A l'instar de Céline Minard, tous ses romans sont très différents les uns des autres. Ici, nous avons un western, mais de qualité supérieure.

Les frères Sisters, Eli et Charlie, que nous allons suivre tout au long de ces 350 pages, sont des tueurs professionnels qui travaillent pour le Comodore (que l'on ne verra que fort peu). C'est Eli, le cadet, petit gros sentimental mais également très colérique et extrêmement dangereux, qui nous fera le récit des évènements. Charlie, l’aîné, moins sentimental mais un peu trop porté sur la boisson, a commencé très tôt sa carrière de tueur, ayant abattu son père trop violent quand il était enfant. Malgré leurs éventuels désaccords, chacun peut avoir en l'autre une confiance aveugle -et en personne d'autre. Bref, nous allons les suivre dans une nouvelle mission pour le Comodore, qui consiste à retrouver, faire parler et tuer un certain Hermann Warm, prospecteur et inventeur ; et ils sont en route pour ce faire.

Il faut bien avoir en tête que nous sommes dans une époque et une région sans loi. Nul shérif ne viendra jamais déranger les affaires de qui que ce soit et la loi du plus fort fait office de seul tribunal. Du moins dans ce récit. Le temps que les frères Sisters retrouvent Warm, ils auront croisé bien des routes et bon sang, quelle hécatombe ! Ils n'en sont pas toujours responsables (même si c'est souvent le cas), mais qu'est-ce que l'on meurt vite et facilement dans ce Far-west ! Jeunes ou vieux, hommes ou chevaux, demain n'est jamais certain. La vie ne vaut pas grand chose et vous vous régalerez de leurs dangereuses tribulations.

«- C'est la folie ici, non ? Dis-je à l'homme.

- La folie, oui. Et je crains que cette folie n'ait altéré mon être. En tout cas, elle en a sans aucun doute dénaturé plus d'un. Il hocha la tête, comme s'il se répondait à lui-même. « Oui, elle m'a corrompu.

- Comment ça, corrompu ?

- Comment pourrais-je ne pas l'être ? S'interrogea-t-il

- Ne pourriez-vous pas rentrer chez vous pour recommencer à zéro ?

(…)

- Je pourrais partir d'ici, rentrer chez moi, mais je ne serais plus celui que j'étais avant, expliqua-t-il. Je ne reconnaîtrais personne, et personne ne me reconnaîtrait. »


J'ai absolument adoré ce roman. Il ne faut surtout pas croire que l'écriture ou la finesse psychologique aient été négligées au profit de l'action, car ce n'est pas du tout le cas. D'autant que vous constaterez que tous, de nos tueurs au dernier des vagabonds, s'expriment dans un langage châtié, voire recherché. C'est un des charmes surprenant du livre. Tout est parfait. Si ce n'est pas encore fait, lisez « Les frères Sisters », vous ne le regretterez pas.

Pour conclure, une épitaphe, ce n'est pas si souvent que les frères Sisters se donnent la peine d'ensevelir: 

« Il est mort en homme libre, ce dont peu d'hommes peuvent se prévaloir. La plupart restent prisonniers de leur propre peur rt de leur stupidité, et ne savent pas regarder en face ce qui ne va pas dans leur vie. Ils poursuivent leur existence, insatisfaits, sans jamais chercher à comprendre pourquoi, ni comment ils pourraient améliorer leur quotidien, et meurent le cœur sec et anémié. Et leurs souvenirs ne valent pas un sou, vous verrez ce que je veux dire. La plupart des gens sont des imbéciles, en vérité, mais Morris n'était pas de ceux-là. Il aurait dû vivre plus longtemps. Il avait encore à donner. Et, si Dieu existe, c'est un fils de pute. »

978-2330113308



01 novembre 2021

L'agent secret 

de Graham Greene

****


« Un monde brutal et soupçonneux »

D. (nous ne saurons que son initiale) arrive en Angleterre, débarquant de son pays en guerre dont le nom ne sera jamais cité mais qui est de toute évidence l’Espagne de la Guerre Civile. Il est chargé d’une mission secrète vitale pour son camp (les Républicains) : obtenir d’industriels britanniques la livraison de grandes quantités de charbon, livraison qui est une question de vie ou de mort tant pour son camp que pour l’adversaire qui a, lui aussi envoyé sur place un de ses agents.

D. est un ancien professeur, spécialiste mondial des langues romanes, ayant consacré sa vie à la découverte du « manuscrit de Berne », la meilleure version d’époque de la Chanson de Roland. On est loin de Bruce Willis et consorts. De plus, il a déjà un certain âge et c’est un homme détruit. Il a été enseveli sous un bombardement et son épouse bien aimée a été fusillée par l’ennemi. Il ne sent en lui aucun courage particulier, pas la moindre trace d’héroïsme ni de goût du combat. Pour autant, il est totalement incorruptible car rien n’éveille plus en lui le moindre désir si ce n’est le désir d’aider ses camarades de lutte et d’empêcher la victoire de la force injuste. D. est un idéaliste sans illusion. Ce type de héros désabusé est moderne et plaît encore beaucoup, c’est en quoi ce roman a bien vieilli. Ce que nous allons suivre sur 300 pages, c’est sa lutte parmi les pièges, meurtres, poursuites etc. parmi une foule d’ennemis étonnants, pour arracher ces contrats charbonniers à des industriels anglais qui se vendront sans le moindre état d’âme, au plus offrant. Lui peut-être. Ou pas.

Tenant à confirmer l’adage qui dit que les auteurs ne sont pas bons juges de leur propre production, Graham Greene avait une piètre opinion de tous ces romans qu’il avait écrits pour le succès rapide et l’argent et qu’il plaçait bien au-dessous de ses œuvres à thème métaphysique. C’est pourtant bien là, débarrassé de tout pathos et lourdeur idéologique, vide de tout désir de convertir, qu’on goûte sa peinture du monde. On voit s’animer la scène de l’immédiat avant-guerre dans ses différentes strates sociales. La photo en est juste et précise, même si l’action elle, relève du roman d’aventure. Ce roman par exemple nous en dit beaucoup sur cette Angleterre dont les habitants, du cheminot au Lord, sont totalement persuadés d’être d’une nature différente de tous les autres humains : il y a eux, et les « métèques » autour ; eux, dans l’ordre et la paix et les étrangers qui s’entre-tuent comme on ne peut guère s’étonner de voir des sauvages le faire. Une vision du monde si réconfortante qu’on peut dire qu’ils s’y sont cramponnés de toutes leurs forces jusqu’aux ultimes limites du vraisemblable et ma foi, on les comprend.

J’ai encore apprécié aussi l’écriture parfaite de Greene et le ton qui oscille constamment entre drame et humour fin. Les scènes cocasses sont bien vues. Notons au passage la mise en scène du groupe Entrenationo de Londres qui est directement inspiré de l’Esperanto qui faisait pas mal parler de lui alors, (« parlons la même langue pour nous comprendre au lieu de nous battre ») dans un monde qui appréhendait la guerre qu’on sentait bien approcher à grands pas. De fait, « L’agent secret » sera publié en 1939.

Je me suis également régalée de quelques assertions époustouflantes et toujours inattendues telle que par exemple "Les maîtres d’école, en général, lisent des romans policiers." qui est plaisant. La palme allant à « Et –on dit que c’est un signe de névrose- elle ne portait pas de bagues. »

978-2020069427

27 septembre 2021

 Le Serpent majuscule

de Pierre Lemaître

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Présenté par l'auteur comme son dernier polar (mais la vie nous réserve parfois des surprises...) "Le serpent majuscule" est également le premier écrit. Un polar qui n'avait jamais été proposé à un éditeur mais qui a dormi toutes ces années au fond d'un tiroir pour différentes raisons ayant peu à voir avec lui. Je suis enchantée qu'il en ait été sorti car j'aurais beaucoup regretté de ne pas le lire. J'ai en effet passé un excellent moment avec ce roman déjanté hyper saignant, à l'humour dévastateur au sens propre du terme.

"L'action du livre se déroule en 1985, heureux temps des cabines téléphoniques et des cartes routières, où l'auteur n'avait pas à craindre que son histoire soit rendue impossible par le téléphone portable, le GPS, les réseaux sociaux, les caméras de surveillance, la reconnaissance vocale, l'ADN, les fichiers numériques centralisés etc."

Ne reste plus que la nature humaine... et ses effroyables incertitudes.

Ne nous le cachons pas, quand un tueur à gage (une, en l’occurrence), sans doute un peu trop vieux, se met à yoyoter et à ne plus bien se souvenir de ce qu'il a fait et doit faire, les complications ne tardent pas à survenir. Ça aussi, c'est fatal. Les choses sont encore pires quand le dit-tueur est particulièrement efficace, qu'il a par ailleurs toujours manifesté une totale absence d'empathie et que la peur lui est tout autant inconnue. Un caractère quelque peu "soupe au lait" n'y arrange rien. Bref, voilà notre Mathilde qui part en roue libre et il va y avoir des dégâts. Beaucoup. Et souvent imprévus. Même pour elle.

Je me suis régalée ! J'ai ri et souri presque en permanence malgré ma consternation non feinte devant certains décès, car dans ce roman, tout peut arriver et avec Mathilde, c'est souvent le pire. Mais qui a dit que le lecteur n'aime pas être bousculé ? Vraiment, je recommande vivement à tous ceux qui aiment l'humour noir et le déjanté.

Des défauts à cette œuvre de jeunesse ? Bien sûr, qui n'en a pas ? Mais surtout des qualités bien plus rares et plus importantes, avec en premier lieu, l'originalité.


Extraits:

"Le problème, avec ces gars-là, Henri, c'est que souvent, ils sous-estiment la cible. Une vieille bonne-femme comme moi, il a pensé qu'il n'en ferait qu'une bouchée. C'est l'erreur classique. Vous avez de drôles d'idées sur les femmes. Surtout les vieilles. Maintenant, il n'aura pas le loisir de méditer sur cette question (...)"


"En mettant le focus sur l'action d'une bande rivale, on a fourré dans la tête des frères Tan le virus de la vengeance. S'ils étaient moins cons, on ne craindrait rien, mais leur esprit fonctionne en mode binaire. On a ouvert la boîte de Pandore et peut-être donné le signal d'une guerre des gangs. Ces règlements de comptes entre truands, surtout chez les plus minables, tournent facilement au pugilat. Ça défouraille dans tous les coins pendant des semaines, un meurtre en entraîne un autre et ça ne se calme pas facilement.

- Allez, dit le commissaire, on les relâche.

Quand ils sortent de la PJ, on jurerait deux furets à l'ouverture de la chasse."

9782226392084

19 septembre 2021

 Insomnie 

de Stephen King

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Ralph, soixante-dix ans, a du mal à vivre seul depuis le décès encore assez récent de son épouse, ils n'avaient pas d'enfants. Il habite à Derry, ville fictive de l'État du Maine que l'on retrouve tout d'abord dans "Ça", puis "Dreamcatcher" et "22/11/63". C'est une ville assez typique des Etats Unis si ce n'est, comme le répète le récit que les choses ont tendance à y dégénérer plus facilement qu'ailleurs. Ralph y a son petit réseau d 'amis et de connaissances. Il est bien intégré socialement. Il est maintenant dans la catégorie des « vieux croulants » qui ont leurs coins où ils se retrouvent pour bavarder, jouer aux échecs etc.

Depuis quelque temps, les nuits de Ralph raccourcissent, d'environ une minute par nuit. Il s'endort sans problème puis se réveille, bien trop tôt, sans plus pouvoir se rendormir. C'est une forme d'insomnie bien courante et qui parlera à la plupart de ses lecteurs. Evidemment, la forme qu'a Ralph est un peu spéciale, en particulier avec cette réduction inexorable qui semble ne pas devoir connaître de limite jusqu'à disparition totale du sommeil... mais qu'en sera-t-il ?

Bien sûr, après ce genre de nuit, ce n'est pas un Ralph très fringant qui hante les rues de Derry dans la journée. Il est épuisé et commence à être sujet à des « faiblesses » et autres troubles de la perception. Parallèlement à ce problème, il découvre avec stupeur que Ed Deepneau, le mari charmant du jeune couple voisin qu'il fréquente amicalement, est en fait un être violent et même détraqué qui maltraite sa femme. Ralph intervient. Parallèlement encore (il y a plusieurs parallèle, c'est autorisé) deux clans s'affrontent à Derry, les ligues du droit à l'avortement et les antis. Les second vont peut-être parvenir à faire fermer le centre médical qui venait en aide aux femmes en difficulté et c'est pourquoi Susan Day, une célébrité féministe nationale va venir donner un meeting à Derry pour soutenir le centre. (Ce qui n'empêchera pas les « gens bien » dont Ralph et par sa voix Stephen King, de considérer qu'elle ne fait que jeter de l'huile sur le feu et ferait mieux de ne pas venir. Bah oui, mais les autres feraient mieux aussi de ne pas attaquer les droits chèrement gagnés, non? Bref, fin de la parenthèse.) La situation est explosive et il y a peu d'espoir que tout se passe sans violence. Mais avec King, bien sûr, on va bien au-delà, surtout que le supranormal fait bientôt son entrée.

Mon avis : Pas un très bon King. Bien sûr il y a le savoir-faire et la technique infaillible du maître et cela empêche le livre d'être mauvais. Mais c'est quand même un thriller mou, qui ne vous filera pas d'insomnie. Je le lisais tranquillement le soir avant d'éteindre. Pour ce qui est des personnages, Ralph est sympathique dans le premier tiers mais vire cucul ensuite quand il n'est plus seul, avec une façon bien ringarde de gérer ses relations. Toutes les explications qui sont données ont beau être longues, elles ne font d'embrumer sans rien éclaircir, le personnage lui-même est obligé de l'avouer, mais quand le lecteur s'est enfilé des pages et des pages d'enfumage, ça ne le console guère. Au bout du compte, on ne peut pas vraiment dire qu'on comprenne grand chose du pourquoi ou du comment. Les scènes d'action ne sont pas hyper poignantes, mais il y a de l'action et tout de même une tension qui nous mène jusqu'au bout.

Conclusion : un roman terminé sans trop de mal mais qui m'a passé pour un bon moment l'envie de relire du Stephen King.


Poche ‏ : ‎ 960 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2253151475
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2253151470



26 juillet 2021

Nul n'est à l'abri du succès 

de Pascal Garnier

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… ni du naufrage

Ce roman de Pascal Garnier diffère un peu de nombreux autres dans la mesure où le personnage principal n’est pas un vieillard qui doit affronter sa mort prochaine. Il a juste la cinquantaine, il boit beaucoup trop, ses vies sentimentale, familiale et professionnelle sont des fiascos et il est toujours fauché.

Il est écrivain. Il n’a écrit que de petits romans sans ambition et puis, parce que "nul n'est à l'abri du succès", il se voit soudain décerner un prix (on ne saura jamais lequel), inviter sur les plateaux de télévision, et ses ventes explosent. Il devient riche, achète une belle maison et le directeur de sa banque désire être son ami. Au même moment, il vit un amour inespéré. Bref, une existence idyllique a remplacé la galère, si ce n’est dans le domaine de la picole, mais ça, c’est plus facile à attraper qu’à lâcher.

Et donc, alors que tout va tellement bien, notre auteur décide de s’offrir une dernière virée en compagnie de son dealer de fils… et va s’apercevoir que si on peut tout gagner rapidement et comme par hasard, on peut aussi tout perdre de la même manière.

Ecrit par Pascal Garnier alors qu’il avait lui-même la cinquantaine et ne s’était pas encore vu décerner de prix littéraire notable, ce roman fut celui qui lui valut son premier : le prix du festival Polar dans la ville 2001. Il est d’ailleurs écrit à la première personne, ce qui n'est pas habituellement le cas. Sans doute une rêverie avant réalisation, une variation sur le thème de ce qui pourrait arriver s’il obtenait un Prix.

C’était un signe non ? Pourtant, moi qui apprécie beaucoup l’œuvre de Pascal Garnier, je ne trouve pas que ce roman soit l’un de ses meilleurs, du moins dans sa première partie que j’ai trouvée pleines de lieux communs, de formules passe-partout et d’aphorismes humoristiques déjà entendus ailleurs. Heureusement, cela s’améliore constamment ensuite jusqu’à faire oublier ce début discutable. A partir de l’obtention du prix, tout devient vraiment très bien : le fond et la forme. Si bien que cela vaut largement la peine de le lire et de le conseiller. Soyez patient au démarrage, c’est tout.

« Je ne suis plus moi-même, mais "Je" est un autre et celui-là saura me tirer d’affaire. »

"On a beau savoir qu’on peut mourir n’importe où, on est toujours étonné que ce soit ici et maintenant."

"La solitude, c’est un rêve de riche."


9782843045769


23 juillet 2021

 Le mystère Sherlock

de J.M. Erre

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Erre, candidat sérieux à la chaire d’holmésologie

"Dans ce cas, si Holmes n’est pas Holmes, qui est Holmes?"

Nous sommes en Suisse dans un chalet luxueux mais bien éloigné de tout et difficile d’accès en hiver ; et ce n’est pas sans risquer leurs vies que les holmésiens les plus brillants du monde le rejoignent pour répondre à l’invitation de l’éminent Professeur Bobo qui a une chaire d’ holmésologie à attribuer et compte profiter de ce huis clos pour déterminer qui est le plus apte à occuper ce poste. Pour ce faire, il a convoqué en ce lieu les neuf meilleurs spécialistes du sujet tandis qu’à son insu, une journaliste déguisée en servante est parvenue à s’introduire dans les lieux. C’est elle qui mène le récit par l’intermédiaire de son journal qu’elle tiendra à jour jusqu’au dernier moment. Elle nous montre avec la plus cruelle objectivité les éminents participants et leur mentor, le prestigieux professeur Bobo qui, malheureusement, est complètement gâteux (alors que les autres Gentils Membres ne sont que partiellement atteints).

"Tout avait commencé comme un week-end de détente au milieu d’une troupe de passionnés gentiment fêlés. Je m’étais amusée à observer comment des cerveaux adultes et éduqués pouvaient régresser face au gros lot en jeu, jusqu’à retrouver les gestes et les attitudes des enfants qu’ils avaient été… Et puis nous avons subi l’avalanche et ramassé deux morts."

Car avalanche il y eut, qui recouvrit le chalet et les lieux passèrent de «difficiles d’accès» à «totalement coupés du monde». Au même moment, tout aussi malencontreusement, commencèrent les décès et l’inexorable réduction du nombre des participants… Autant dire que nous ne sommes plus chez Conan Doyle, mais chez Agatha, et que nos dix petits holmésiens n’en mènent pas large.

J.M. Erre manifeste dans le traitement de son roman une plus qu’excellente connaissance du sujet et de la littérature y afférant, aucune page du «canon»* ne semble pouvoir échapper à sa mémoire, aucune variation sur le thème de S.H, aucun écrivain ayant tenté de s’approprier le personnage ne semble lui être inconnu. Et le lecteur, lui-même très probablement holmésien (sinon il ne serait pas là ) – niveau 2 présumé-, a plaisir à reconnaître les évocations et les clins d’œil et à se sentir entre amis.

Ce roman traite son sujet sous deux angles : le comique et l’énigme policière.

Le comique m’a parfois fait sourire, jamais rire, et relève d’un humour dont je ne suis pas très friande (je le trouve lourd).

Par contre, l’énigme policière de type Whodunit est parfaite. Elle se tient très bien et si on y réfléchissait un peu on pourrait parfaitement trouver la (ou les) solution(s) en même temps que ce cher Lestrade, chose que les holmésiens aiment bien dans une histoire policière.

Autre chose encore : on ne peut lire ces évocations des cruelles luttes entre universitaires pour les meilleurs postes sans songer à David Lodge et à ses peintures au couteau de ce milieu.

"Chacun se l’(Holmes) appropriait, se voyait comme le gardien jaloux de sa mémoire, et vivait douloureusement les prétentions des autres à la garde du bébé… C’était une passion qui les habitait, qui les grandissait, qui les faisait vivre.

Mais qui était aussi en train de les détruire."

Tout comme l’on songe aux différents chapitres de «l’art de la fiction» du même Lodge recensant les différentes techniques narratives. Car de même que tous les procédés comiques, J.M. Erre met en œuvre tous les procédés du récit (journal, correspondance, compte rendu, notes etc. et même post-it), cela tient un peu du pari ou de l’exercice de style amusant.

Mais il reste Sherlock. Encore insoumis.

"Au fond, c’est peut-être ça un mythe : un personnage dont le talent dépasse celui de son créateur, un être qui a davantage d’ampleur dans l’imaginaire collectif que dans celui de son géniteur, une figure que des écrivains successifs vont s’approprier dans l’espoir d’être celui qui saura enfin se hisser à son niveau.

Un personnage qui fait naître un auteur et non l’inverse."


* Canon : les quatre romans et cinquante-six nouvelles que Conan Doyle consacra à Sherlock Holmes


978-2266233552

17 juillet 2021

 L'Énigme de la Chambre 622 

de Joël Dicker

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 J'avais aimé "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" et "le livre des Baltimore", mais là... j'ai été plutôt déçue. Un livre bien trop gros et bien trop compliqué pour ce qu'il est au fond : une histoire abracadabrante. Au début, ça va encore, parce qu'il faut reconnaître que c'est très bien raconté, et on nous présente un whodunit qui semble vraiment difficile à deviner. Les chapitres se terminent sans vergogne par les cliffhangers les plus éhontés. Exemple, page 83: « Lorsque, un quart d'heure plus tard, le "rendez-vous important" se présenta dans l'antichambre, Cristina resta stupéfaite. Elle avait tout imaginé sauf ça. » ou page 164, « Soudain à la faveur d'un lampadaire, il reconnut le visage de l'homme qui avançait vers lui.

- Vous... murmura-t-il. »

Comment ne pas jeter un œil sur la page suivante ? Qui d'ailleurs vous transportera tout à fait autre part, et même généralement à un autre moment, mais comme ce début de nouveau chapitre est presque aussi accrocheur que la fin du précédent, vous poursuivez votre lecture. Je ne reproche d'ailleurs pas le procédé, quand on cherche un livre policier autant qu'il soit captivant.

On tique un peu sur les personnages quand même caricaturaux (les tourtereaux! Les bons, les méchants etc.) mais, du moins en ce qui me concerne, on s’entête sur la résolution de cette énigme qui a l'air si bien ficelée. On soupçonne pratiquement tous les personnages les uns après les autres mais on n'y arrive pas, on est sans cesse démenti, on s'acharne, on poursuit la lecture, ça devient tellement compliqué qu'on ne sait même plus bien ce que l'on cherche et on avale plusieurs centaines de pages avant un début de révélation renversante... !!! mais alors là, c'est du grand guignol. On se demande si on est en train de lire un livre pour enfants. Et il faudra encore quelques centaines de pages pour réussir à tout (ou presque*) expliquer, de révélation en retournement de situation X 10, on n'en voit plus le bout. On en a assez, mais on poursuit encore la lecture parce que bon sang ! Qui est l'assassin ??

 Bilan en deux points :

J'admire la maîtrise que l'auteur a de la grande complexité de la structure et de l'agencement de tout ce micmac. Vraiment, c'est très bien fait.

Je réprouve le recours à l'invraisemblance totale à tous les niveaux, faits, psychologie etc. Evidemment, à la fin, tout est expliqué, mais quand on ne respecte pas la vraisemblance la plus élémentaire, il n'est pas difficile d'expliquer tout.

 Et conclusion :

En vacances, sur une plage, ou en plein confinement coincé chez soi comme quand il est paru, cela peut convenir. C'est un passe-temps que l'on peut envisager. Sinon, on peut facilement s'en dispenser.

 

979-1032102381


ASIN ‏ : ‎ B0833XMR6L
Éditeur ‏ : ‎ Editions de Fallois
Broché ‏ : ‎ 576 pages
ISBN-13 ‏ : ‎ 979-1032102381

07 juillet 2021

Metropolis 

de Philip Kerr

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Ce quatorzième et dernier volume de la série Bernie Gunther a été publié à titre posthume  Philip Kerr étant mort prématurément. Nous y découvrons les débuts de Bernie, jeune flic de la République de Weimar. Il vient de faire la guerre dans les tranchées et s'il s'en est tiré indemne physiquement, ce n'est pas tout à fait le cas mentalement et il a du mal à retrouver un équilibre ; de plus, autour de lui, le pays est ruiné, tout part à vau l'eau, la corruption règne, les relents nazis commencent à monter... l'ambiance est sombre et nauséabonde. Ainsi, notre Bernie s'adonne-t-il de plus en plus régulièrement à la boisson. Sombrera-t-il ?

Cela ne l’empêche pas de beaucoup s'intéresser à son travail,  Bernie Gunther est un bon flic, observateur, imaginatif, incorruptible et opiniâtre. Ses chefs l'ont remarqué, comme ils ont remqrqué qu'il n'avaient guère de goût pour les idées extrêmes qui s'agitent de plus en plus, et Bernhard Weiss (personnage réel), chef de la police criminelle de Berlin, lui offre une belle promotion. C'est que Weis est juif, qu'il a de plus en plus d'ennemis et qu'il a besoin de très bons éléments à ses côtés s'il veut espérer se maintenir. Il tient bureau dans un fourgon comprenant même sa secrétaire et c'est ainsi que l'équipe se déplace sur les lieux des crimes sur lesquels ils enquêtent. En ce moment, la grande affaire est un meurtrier de prostituées qui a la particularité de scalper ses victimes. Bernie a juré de le capturer, mais voici que bientôt, la série de crimes s’arrête. Plus tard, une nouvelle série démarre, cette fois, un illuminé a juré de débarrasser Berlin des invalides de guerre qui y mendient. Il estime qu'ils témoignent de la défaite de l'Allemagne et font honte à l'armée (raisonnement difficile à saisir dit comme ça, mais aucun pays n'a jamais beaucoup aimé regarder ses victimes de guerre...).

Comme toujours, la documentation historique est de première qualité et le contexte de la vie quotidienne à Berlin en 1928 tient la plus grosse part de l’intérêt du roman. Les romans de Karl May y sont évoqués et B. Gunther croisera dans ces pages Fritz Lang ou plutôt sa femme, Otto dix, George Grosz (tout le roman peut s'imaginer avec leurs images), Brecht, Alfred Döbling etc. On se régale. Ce dernier volume est donc passionnant et permet paradoxalement à Bernie de commencer et finir en même temps la série de ses aventures. Ne ratez pas un tel oxymore !


978-2021439670