22 février 2024

Ils abusent grave 

Du féminisme et des sciences humaines

de Erell Hannah

Illustrations Fred Cham

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240 pages

Nous avions les BD classiques, dans un format d'environ 50 pages, puis sont venus les romans graphiques avec leurs plus de 200 pages et il va maintenant falloir inventer un nouveau mot pour les essais graphiques, ces vraies études sérieuses et documentées, faites par des scientifiques compétents et alignant les faits réels, les études et les chiffres et soutenant leurs thèses, mais en bande dessinée. Dans un domaine tout à fait différent, j'avais lu avec beaucoup d’intérêt le "Le Monde sans fin" de Blain et Jancovici et c'est avec un intérêt égal que j'ai dévoré le "Ils abusent grave" de Hannah et Cham que je vous conseille vivement. C'est la couverture qui m'a attirée. Cette réponse angélique que vous vous êtes déjà attirée mille fois quand vous essayez de parler un peu de l'oppression des femmes. Le pire étant que ceux qui vous disent ça sont de bonne foi. Ils pensent combien ils sont gentils avec leur épouse, leurs filles, leurs mères... et se sentent sincèrement totalement innocents. Ils ne pensent pas à combien ils gagnent de plus que leur collègues-femmes de même niveau, ils n'ont pas admis qu'ils ont été promus à la place d'une autre qui aurait dû l'être, qu'ils ont les postes de commandements (parce que les hommes sont meilleurs pour l'autorité), qu'ils sont servis les premiers à table et plus copieusement etc.

Erell Hannah, diplômée de sociologie et de psychologie, a voulu disséquer ici les mécanismes profondément ancrés dans nos sociétés et qui font qu'une moitié de l'humanité exploite plus ou moins férocement l'autre moitié et que cette seconde moitié accepte généralement et même participe à cette exploitation, alors que les rares qui tentent d'y échapper se heurtent à des difficultés quasi insurmontables. Tout cela démarre dès le plus jeune âge, par l'inculcation du fait que les garçons sont plus capables et plus intelligents que les filles, que leur intelligence est de qualité supérieure à celle des filles car plus apte à s'élever à la théorie et à la conception d'idées alors que les rares filles intelligentes disposaient d'une intelligence pratique et non conceptuelle comme la leur, ainsi que de sensibilité, bien sûr (bah voyons). C'était les savants (hommes) qui avaient établi ce fait. Etabli? Montrez-nous donc ça, ont fini par dire quelques femmes après un certain nombre de siècles.

Seront aussi examinés :

- ce qu'il en est de la violence masculine envers les femmes, comment elle s'exerce, comment elle est perçue, par les victimes et par la société.

- les réponses sociales, policières et judiciaires à cette violence globalement bien acceptée, mais de moins en moins, c'est vrai (mais on n'en est pas encore à l'égalité).

- Un monde macho sous couvert de science et même dans des milieux qui se croient libérés voire libertaires comme dans le domaine des arts.

- Examen des travaux de trois femmes scientifiques ayant étudié le sujet à différentes époques : Leta Hollingworth, Andrea Dworkin et Linda Silverman.


- Brutal ou plus sournois, le rapport de domination est partout, dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Le célibat serait-il le seul garant de la liberté? 

Erell Hannah répond à un certain nombre de "Pourquoi?". Fred Cham illustre avec un grand naturel. Cet album se dévore. Une étude (pas une charge) vraiment bien menée et passionnante et cette révélation que nous sommes tous encore porteurs de parts de cette oppression sournoise (même moi - je me suis prise en flagrant délit il y a peu) alors, lisons cet album, prêtons-le, offrons-le, aux garçons comme aux filles, pour que les choses évoluent et que plus personnes ne tombe innocemment dans le panneau. Changeons le monde.


978-2019466138



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17 février 2024

Misericordia

de Lidia Jorge

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Prix Médicis étranger 2023


Elle s'appelle Maria Alberta Nunes Amado, dite Alberti. Elle est très âgée et vit dans un Ehpad de luxe (baptisé comme si on n'y faisait qu'un séjour, "l’hôtel Paradis" - de bon augure) depuis qu'elle a perdu son autonomie. Elle ne peut plus marcher ni rien tenir de ses doigts si ce n'est un petit bout de crayon qui lui permet parfois d'écrire quelques mots qui font office de poèmes. Pour le reste, elle le confie à un petit magnétophone. Elle parle de ses journées, des évènements qui agitent l'établissement, de ses propres préoccupations, de ses souvenirs mais pas trop, elle est plutôt dans le présent, de ceux qui l'entourent, résidents comme elle ou employés, pour la plupart très bienveillants. Elle cultive la joie comme un rempart à la mort. « Oh ! Joie, conduis-moi à travers la rue tortueuse- La mort dort à la porte. Je la chasse avec ton bâton. »

Les journées défilent, sur une année, et témoignent d'une vie minuscule mais précieuse, comme toutes les vies innocentes, sa fille Lidia Jorge, écrivaine, leur donnera une forme littéraire pour créer ce chef d’œuvre où il est sans intérêt de chercher à démêler la réalité de la fiction car tout est vrai au sens humain et littéraire du terme. Alberti voit bien des choses et les interprète à son aune. Elle accorde importance à ce qui fait sa vie, alors comment pourrait-on dire que ce sont des peccadilles? Elle comprend beaucoup de choses humaines mais ne peut en atteindre d'autres (en particulier en ce qui concerne sa fille). En général, elle parle le langage de l'empathie et de l'indulgence. Pour d’autres autour d’elle, l’approche de la mort rime avec bigoterie délirante. Maria Alberta a toute sa tête, mais bien sûr, comme nous d'ailleurs, juge d'après son propre monde, ce qu'elle vit et ses connaissances. Elle est sans force, totalement dépendante, et pourtant soudain capable de revendiquer, de se défendre et même de défendre d'autres, victimes d'injustices et d'attaquer frontalement les "Méchants".

Les jours passent, nous la suivons et voyons les situations évoluer. Nous nous attachons à elle et aux autres occupants de l’établissement. La vie coule doucement, même si assez souvent, survient la mort, qu'elle appelle Nuit, sans doute par peur même de la nommer et qui la guette, en particulier au cœur de certaines nuits d'insomnie, ou qui frappe autour d'elle. Des personnages plus ou moins importants de son entourage disparaissent régulièrement. L'ambulance les emporte, souvent de façon imprévue, pour un voyage toujours sans retour. Ou alors, ils s'effondrent soudain le nez dans leur assiette ou au milieu du salon... rappelant à tous leur sort proche. « Ici, à l’hôtel Paradis, rares sont les jours où quelqu’un ne meurt pas. L’un meurt, un autre entre, on est toujours soixante-dix. » Mais Alberta n'entend pas se laisser faire et est persuadée qu'elle saura lutter contre cet ennemi-là aussi.

Et puis soudain surgit le Covid*. Il envahit le pays, encercle la résidence, puis y pénètre, infestant employés comme résidents, les premiers reviennent généralement, sauf lorsqu'ils fuient vers leurs familles, les seconds, non. Mais Dona Alberta sait qu'elle sera épargnée et elle ne s'inquiète pas trop.

Un livre qui parle de la mort et donc de la vie, de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas, des gens bien et des autres (mais non, Alberti, M. Tó n'entrait pas dans la première catégorie).

Extrait :

« - Le cycle de la nature va jusqu’au bout et reprend au début. Il ne s’arrête jamais. Mais les êtres humains, quand l’hiver arrive, n’ont plus aucun autre printemps. Ou si ?

- Si, bien sûr, a-t-elle dit. Parce que nous, comme on ne peut pas répéter le cycle naturel des saisons, nous inventons une manière de surmonter cette limitation.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que nous remplissons les quatre saisons de notre vie avec les cercles des vies des autres. Chacune de nos vies peut contenir mille, deux mille de vie en ajoutant le récit de la vie des autres qu’on croise sans arrêt. »


* Oui, je sais que l’Académie dit La Covid, mais moi, non, car elle est censée décider du genre des mots nouveaux sauf lorsque l'usage courant leur en a déjà largement donné un, et j'estime que c'était le cas. (D'autant que la raison de son choix ne m'a pas convaincue). D’ailleurs d’autres dictionnaires disent comme moi.

979-1022612920


#Misericordia #LidiaJorge  #LapetiteLISTE   #sibyllinele

cture   #bookstagramfrance #littérature  #findevie

12 février 2024

Le cas Malaussène  -1- Ils m’ont menti

Daniel Pennac

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Sans doute la famille Malaussène manquait-elle à Daniel Pennac qui a voulu la retrouver et retourner se chauffer à sa fantaisie optimiste... et ma foi, moi aussi. J'avais passé de si bons moments avec ces gens-là ! Alors, allons-y, revenons étudier ce "Cas Malaussène".

17 ans ont passé depuis le dernier et Pennac a vieilli, nous avons vieilli nous aussi, et nous ne sommes donc pas plus surpris que cela de retrouver les membres de la famille vieillis également. Moi, en tout cas, cela m'a paru bien naturel. Les enfants ont tous quitté le nid, on en est aux petits-enfants. On en est tous là, nous, ses lecteurs des débuts. Malaussène pourrait songer à la retraite s'il le voulait, mais il travaille encore pour la Reine Zabo. Il se demande parfois pourquoi, et ne se répond pas trop. Son emploi consiste à protéger les Vévés de la vaillante maison d'édition. Les Vévés, ce sont les tenants de la Vérité Vraie, ces gens qui assènent leur vision du monde à tous avec la certitude qu'elle est la seule ayant un peu de validité. Cette affirmation les amène bien sûr à se heurter, parfois de façon dangereuse, avec ceux qui ne sont pas de cet avis, et Benjamin est chargé de veiller à ce que personne ne dégomme les poulains de la Reine Zabo. Il dispose pour ce faire de larges crédits et de l'autorisation d'utiliser tous le panel de ses relations et connaissances (réputées originales). Nous retrouverons ainsi beaucoup des rôles secondaires des tomes précédents, et c'est bien agréable. Et ne vous inquiétez pas si vous les avez oubliés (c'était mon cas), un répertoire final, très efficace et très complet, vous permet de sauter sans peine cet obstacle.

Cette fois, Malaussène doit veiller sur la survie d'un auteur vedette dont le premier livre a valu la fortune à la maison d'édition, mais, dans la mesure où ce fameux livre était une charge assassine contre toute sa famille, il lavait valu à l’auteur une tentative de meurtre de la part de ladite famille. Eh oui, utiliser la vie des autres comme matériau à ses ouvrages n'est pas sans risque. Maintenant, le Vévé (surnommé Alceste, trouvez pourquoi) est maintenu en plein maquis par Malaussène et ses amis, coupé de tout et surveillé par les gros bras locaux, pendant qu'il rédige le second volume, qui sera encore pire, il l'a promis.

Pendant ce temps, les jeunes Malaussène s'occupent, avec plus ou moins de réussite, mais avec originalité toujours. On peut leur faire confiance. Du bon Pennac, donc

Mais, mais, mais, car il y a un mais. Qu'est-ce que c'est que cette parution tronquée !?!?!?

Nous avons là un tome 1 de moins de 400 pages écrites gros, qui a juste le temps de nous mettre tout le monde en place et dans une situation... disons instable. Et quand nous sommes bien lancés, fin du tome 1 ! Il faudra vous procurer le tome 2, parce qu’on ne peut pas rester comme ça, voyons ! Et oui, là, avec la suite, bien intitulée "Terminus Malaussène", ce sera vraiment fini.


978-2072935442

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07 février 2024

Chagall en Russie

de Joann Sfar

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Deux volumes d'un peu plus de 60 pages chacun, à lire dans l'ordre.

J'ai tout d'abord été très décontenancée par le premier volume car je m'attendais soit  à une biographie de Chagall, soit à une évocation de son œuvre, et plus je lisais, moins cela y ressemblait... J'ai fini par m'interrompre aux deux tiers du premier  volume pour faire une petite recherche en vue d'essayer de comprendre ce que je lisais  et c'est là que j'ai trouvé ceci sur le site de l’éditeur (Gallimard) : "Joann Sfar rend hommage au peintre russe dans une fiction truculente qui mêle histoire d'amour et folklore yiddish. Vous ne lirez pas ici la vraie vie de Chagall. C'est un fabuleux conte juif, dont le héros se nomme Marc Chagall. Il vit dans un shtetl de la Russie des tsars, à l'aube de la révolution. Il est jeune et très amoureux. Mais il est peintre aussi, et le père de celle qu'il aime veut pour sa fille «un bon juif qui ait un bon métier». Quitter son amour ou bien la peinture ? Chagall part interroger le rabbi de Loubavitch et arpente un grand théâtre de l'absurde parmi les fous, les barbares et les amis."

Il aurait bien évidemment fallu que cette note se trouve au dos de l’album lui même, mais les quatrièmes de couverture ne donnent aucun renseignement. J'ai cependant eu la surprise de le trouver classé chez Gallimard dans la catégorie "Jeunesse", ce qu'il n'est pas du tout, sauf à considérer que les représentations en couleurs  de pogroms, éventrations, viols, pendaisons etc. sont des images pour enfants.

J'étais donc partie du mauvais pied dans cette lecture, et je décidai en conséquence de tout reprendre depuis le début dans cette nouvelle optique. Ces deux volumes sont une libre variation poétique sur le thème de Chagall. Le personnage principal nommé Chagall et peintre, vit dans la Russie du tout début du 20ème siècle. Il est juif et potentielle victime des armées russes blanches en début de débandade. Le dessin est aussi libéré du réalisme que les œuvres de Chagall, on retrouve  des éléments de son plafond de l'Opéra Garnier ou d’autres de ses œuvres. Joan Sfar a fait ici un travail remarquable, très inspiré,  et que j'ai tout à fait apprécié une fois levés tous les malentendus que je mettrais plutôt sur le compte d'une édition qui a voulu faire l’économie d'une présentation. On sent Sfar habité par son sujet et emporté dans sa création. Ce sont des albums violents mais de très grande qualité. Je les conseille vivement, mais absolument pas pour des enfants, et quant à la biographie de Chagall, il ne vous restera plus qu'à aller vous renseigner ailleurs, comme je l'ai fait.

"AVERTISSEMENT de l'éditeur: Certaines images contenues dans le présent album sont très librement inspirées de l’œuvre de Marc Chagall. L'histoire, la représentation physique de Marc Chagall et les propos qui lui sont attribués sont totalement inventés par l'auteur et n'entendent pas refléter la pensée et l'esprit du peintre."

978-2070628254 et 978-2070638536

#ChagallenRussie  #JoannSfar  #

#LapetiteLISTE   #sibyllinelecture   #bookstagramfrance #littérature #BD  #bandedessinee  #romangraphique  


02 février 2024


A Dieu vat 

de Jean-Michel Guenassia

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"A Dieu vat" est une expression courante de ces années-là qui voulait dire "Alea jacta est", "Le sort en est jeté", "Allons-y, le reste ne dépend plus de nous" (le "t" étant un maintien de l'expression en son état original ), et les occasions de l'employer ne vont pas manquer dans ce roman captivant.

Le récit que Jean-Michel Guenassia nous fait débute en 1924 quand Irène, jeune serveuse de guinguette tombe amoureuse d'un "Valentino" de pacotille, et nous emmène jusqu'à la fin des années soixante, avec un focus sur l’Algérie qui cesse d'être française et les essais nucléaires ultimes qui ont été commis sur son sol. Personnellement, je ne suis pas fan des regrets, des excuses, des longues "dettes de l'Histoire" qui à mon sens n’arrangent rien, mais je ne le suis pas davantage des omertas, et cette mise à plat de notre accession au rang de puissance nucléaire, m'a beaucoup intéressée.

Les circonstances font que quatre enfants sont élevés ensemble. Ce sont les enfants de deux amies de la haute société: Daniel, fils de Madeleine Jansen et Thomas et Marie, jumeaux, enfants de Jeanne. A eux s'ajoute Arlène, fille d'Irène, modeste couturière mais aussi amie des deux précédentes. Arlène et Daniel ont la particularité d'être nés le même jour. Les quatre enfants grandissent en restant proches et bientôt, à la surprise générale, Arlène révèle avoir des dispositions exceptionnelles en mathématiques. C'est ce qui incitera les familles aisées à la soutenir dans des études que sa mère ne voit pas d'un bon œil. Elle s'acharnera jusqu'à surmonter toutes les injustices sexistes possibles, jusqu'à devenir l'une des première femmes ingénieur atomique de France.

Les quatre enfants, sont des personnages auxquels l'auteur a vraiment bien su donner vie et épaisseur. Les quatre nous captivent. Je pense que pour quasiment tout le monde, Arlène restera la personnage le plus attachant et le plus marquant du fait de sa vie beaucoup plus difficile et de ses mérites réellement exceptionnels. On rage du sexisme qui la bride, et on doit s'avouer qu'il a encore de beaux restes, hélas.

"Après huit ans de présence, je suis la seule de l'équipe du Fort de Châtillon à n'avoir obtenu aucun avancement quand tous mes camarades sont devenus directeurs de départements ou chefs de service. Moi, je suis restée ingénieur, voyant une foule de nouveaux venus me passer devant à chaque promotion, et quand j'ai exprimé ma déception, on m'a fait comprendre que j'étais une râleuse, jamais contente."

Une peinture très vivante de toute une époque, un roman qui nous emporte et qui comble son lecteur, sont les raisons pour lesquelles je le recommande vivement malgré des explications techniques peut-être trop détaillées et trop longues dans le dernier tiers (sans doute, Jean-Michel Guenassia ne voulait-il pas se laisser accuser d'approximation ou de méconnaissance du sujet). Mais globalement, le rythme est préservé et le récit se maintient.

978-2226483935


28 janvier 2024

Inspecteur Balto

Scénariste : Aurélien Ducoudray

Dessinateur : Damien Geffroy

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Nous faisons donc connaissance avec L’inspecteur Balto, flic à la retraite qui continue à œuvrer, par vocation. Comme il n’a évidemment plus le droit d’enquêter, il se charge maintenant des petites affaires dont la vraie police ne va pas avoir le temps de s’occuper ou des affaires classées. Son bureau, c’est le bistrot du coin, où il a ses habitudes, mais sans être un alcoolique. Balto est donc un petit retraité chauve et un peu maigrelet sur qui il ne faudra pas compter au cas où l’affaire deviendrait physique, d’ailleurs il commence tout de suite par se faire assommer. (Note pour l’auteur : attention, les crânes de vieux, c’est fragile, Balto ne peut pas se permettre de se faire assommer à tout bout de champ, ce n’est pas Burma.)

Balto est un convaincu du droit et de la justice, un intègre absolu. D’ailleurs, autrefois, il avait une vie de famille, ou du moins une épouse. Un peu étrange et pas hyper sympathique à mon sens, mais une épouse tout de même, et dont il était très amoureux. Et puis elle est passée de l’autre côté de la frontière de la loi dans une affaire vraiment grave (très moche, même) et il l’a arrêtée. Ils sont toujours mariés mais elle est en prison depuis des années.

Aujourd’hui, il est contacté par deux prostituées en raison de la disparition d’une de leurs amies et collègues...

Un dessin clair et impeccable, classique mais justement, c’est ce que j’aime. Bonnes couleurs, bon graphisme, pas de trouvaille époustouflante mais les découpages acrobatiques et le flash des couleurs qui piquent les yeux, ça va bien cinq minutes mais au-delà, je me lasse. Donc pour moi, dessin 10/10.

Une enquête classique elle aussi, mais pas trop évidente tout de même, une narration linéaire, claire, nette, sans bavure (comme Balto) et un final qui nous laisse avec l’idée qu’on vient sans doute de lire le premier album d’une série. Mais attention ! Cette histoire-ci est complète et réglée, ce sont certains des personnages que nous risquons bien de revoir dans d’autres aventures. S’ils viennent toquer à ma porte, ma foi, je leur ouvre.




9782818997642




23 janvier 2024

Panorama 

de Lilia Hassaine

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Dystopie d'un futur à la date non précisée.

Lilia Hassaine imagine d'appliquer purement et simplement dans les faits le fameux dilemme de la sécurité et de la liberté individuelle (qui est d'ailleurs un pléonasme, alors disons, de la liberté). La société, police, voisins, proches, collègues etc. peuvent vous protéger et assurer votre sécurité, mais encore faut-il pour cela qu'ils sachent que vous êtes agressé. L'agresseur de son côté, le plus souvent, n'agira pas à la vue de tous mais choisira au contraire un lieu clos ou retiré. Jusqu'à votre propre maison comme en témoignent les féminicides et la pédocriminalité. Aussi la société a-t-elle décidé de rendre absolument tous les lieux, jusqu'à même votre chambre à coucher visibles de tous en permanence. Elle a choisi de faire vivre ses citoyens dans des aquariums où rien ne peut se passer à l'abri des regards. Ceux qui refusent cette ingérence, vont vivre à l'extérieur de la cité, dans des zones non surveillées où les murs sont autorisés et où la vie privée est respectée, mais attention, la police ne surveille carrément plus ces zones, estimant que les citoyens qui veulent être protégés n'ont qu’à aller vivre dans la zone ouverte. Non seulement les citoyens des zones non protégées ont une vie plus dangereuse, mais ils sont également socialement déconsidérés car la plupart ne s'y trouvent pas par choix, mais parce qu'il n'ont pas les moyens de se payer les maisons de verre..

Les années passent ainsi, pour eux la criminalité à disparu, mais un beau jour, c'est toute une famille qui a purement et simplement disparu, et ce, dans le quartier le plus huppé et donc le plus surveillé ! Il est impossible qu'ils soient bonnement partis, on les aurait vu s'en aller, impossible qu'ils aient été enlevés, on aurait également forcement vu leurs agresseurs et pourtant, un beau matin, ils ne sont plus là et personne n'a la moindre explication à fournir.

Hélène, commissaire, vivant elle-même dans la zone surveillée et rencontrant de gros problèmes de couple avec un conjoint peinant à s’adapter à une vie si exposée, est chargée de l'enquête. Assistée de son adjoint Nico, elle va chercher partout, interroger tout le monde, envisager toutes les hypothèses (mais lesquelles face à un évènement tout simplement impossible?) pour tenter de comprendre ce qui sest passé et retrouver les trois disparus. Nous la suivrons dans cette étrange enquête, en apprenant à chaque page un peu plus cette société qui a choisi la sécurité, mais à quel prix? Une société du "tout visible" est-elle même possible ? L’homme peut-il se départir de sa part d’ombre ?

Et nous, quel choix sommes-nous en train de faire?

Un livre assez captivant parce que bien sûr, on essaie de deviner avant Hélène ce qui s'est passé. Je n'ai pas réussi mais je m'en veux. Si j'avais pris le temps d'un examen plus logique de la situation, j'aurais deviné. Bref, j'ai passé un très bon moment et j'ai trouvé l'hypothèse de départ (intimité – sécurité) très intéressante à voir développer. Je conseille vivement.

Ingannmic et Keisha l'ont lu aussi.

978-2073035059



18 janvier 2024

Le livre du grand secret 

de Serge Brussolo

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Ce court roman de 150 pages environ, nous raconte la vie de Purcell Forbes, dit Puck au moment où nous le rencontrons car il n'a alors que onze ans. Puck grandit entre une mère abusive et frustrée et un père raté. Son grand-père paternel par contre, est tout ce qu'il y a de plus flamboyant, mais, comme ses parents et lui ne se supportent pas, Puck ne le voit que deux semaines par an et encore, le grand-père doit il imposer cette obligation de la façon la pus vigoureuse qui soit. Le fameux grand-père, Darian Forbes est une ancienne star de l'édition car ses romans d'aventures, anticipation, et surtout espionnage ont tous  été de super best sellers. Et puis, les temps ont changé, sa prose ne se vend plus. Il s'est également mis à soutenir des thèses surnaturelles que l'état voyait d'un mauvais œil, et il s’est retiré dans un région reculée (personne ne sait laquelle), désigné sous le nom d'Alaska parce qu'il y fait très froid et qu'elle est sous la neige, mais qui n'est très probablement pas en Alaska. Il est sous la protection, ou sous la menace? de services spéciaux... Ou c'est ce qu'il imagine. Toujours est-il que tous les ans, un hélicoptère et deux gros bras viennent chercher Puck pour deux semaines...

Le grand-père et l'enfant s'entendent bien, mais parfois, Puck se demande si sa mère a raison de dire que le vieux, paranoïaque et complotiste, a perdu la boule. Mais c'est vrai qu'il raconte de drôles d'histoires et qu'il ne s’explique pas clairement quand l’enfant essaie d’en savoir plus. En tout cas, depuis sa petite enfance, Darian Forbes consacre ces deux semaines à éduquer Puck à toutes les techniques du camouflage et de la survie non pas contre une fin du monde, mais contre les services secrets...

Mais le secret s’avérera encore plus énorme que le lecteur le plus avisé n'aura su le soupçonner.

Et il est à votre disposition, si vous le voulez.

Tout le savoir-faire de Brussolo et encore une histoire hyper originale qui comblera le lecteur curieux. Emparez-vous du Livre!!


978-2080677204

13 janvier 2024

La dernière rose de l'été

de Lucas Harari

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J'ai lu il y a peu "L'aimant" du même auteur, qui m'avait bien plu, tant le récit que le graphisme (j'avais fait un billet), j'ai alors regardé à la bibliothèque s'il y avait d'autres titres de Lucas Harari, et il y avait cette dernière rose, que je suis donc allée cueillir.

Leo se veut écrivain. Son livre de chevet est "Martin Eden" comme s'il cherchait déjà à contrer l'effet délétère d'un trop grand succès alors qu'il est loin d'avoir débuté. Le chef d’œuvre projeté fuit sa plume et le voilà à travailler dans un lavomatic. Voilà qu'un hasard farceur amène dans ses murs un cousin perdu de vue depuis des années. Voilà que peu après, le cousin s'aperçoit qu'il a besoin que quelqu’un occupe sa belle villa Corse qui surplombe la mer et qu'il propose le poste à Leo : le gardiennage contre un endroit paradisiaque où se laisser habiter par l'inspiration... Et c'est parti! Leo aura des voisins qui, on s'en doute seront un peu étranges, il les fréquentera, des choses lui sembleront mystérieuses... puis il y aura une mort violente et ensuite... eh bien, je vous laisse le découvrir.

C'est un gros album, presque 200 pages, grand format. Une fois tous les personnages en place, j'ai cru reconnaître une trame un peu trop banale et j'ai failli me désintéresser de ce livre, mais j'y suis tout de même revenue pour le terminer et j'ai eu bien raison car le scenario est bien plus original et intéressant que celui que j'avais suspecté et on se trouve en fin de compte avec une intrigue de qualité tout à fait honorable.

J'aime toujours autant le graphisme. On se retrouve comme dans "L'aimant" avec des angles de vue spectaculaires, de beaux dessins d’architecture grand luxe, et cela aussi, j’aime bien. Je m'y suis promenée avec plaisir. Les paysages sont toujours très bien rendus et les jeux d'ombres et de lumières, tranchés et saisissants. Bref, un excellent album et je guetterai d'un œil attentif d'éventuels autres parutions de Lucas Harari.


978-2377314768


08 janvier 2024

Veiller sur elle 

de Jean-Baptiste Andrea

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Prix Goncourt 2023

Un titre qui m’a réconciliée avec ce bon vieux Prix Goncourt, quoi qu’il soit par ailleurs.

Dans le monastère retiré de Pietra d'Alba près de Gènes, les moines accompagnent l'un des leurs dans ses dernières heures de vie. L'un des leurs pour l'existence qu'il a menée pendant toutes ses dernières années, mais pas un moine cependant. Il vit parmi eux depuis plusieurs décennies, depuis que leur monastère abrite une statue si remarquable qu'il a fallu la soustraire au regard du monde qu'elle troublait trop; et depuis elle est là, enfermée dans une salle du sous-sol et ne reçoit que de très rares visiteurs.

Le mourant s'appelle Michelangelo Vitaliani. dit Mimo, et pendant les longues heures de son agonie, se déroule le récit de son existence depuis son plus jeune âge, existence qui ne fut pas banale et que le lecteur dévore avec un intérêt passionné. Michelangelo était sculpteur, il est né au début du vingtième siècle et a tôt perdu un père aimant et pauvre, sculpteur qui a servi de chair à canon en 1914. Envoyé chez un oncle en Italie, Mimo a appris la sculpture à la dure mais avec un talent hors norme. Il a vécu quatre-vingt deux ans et a donc été témoin des transformations incroyables qui ont vu ce siècle passer du cheval de trait au tout connecté, mais le principal fait est que lui, l'orphelin pauvre, a rencontré Viola Orsini, la riche fille d'une grande famille, aussi extraordinaire que lui, et qu'ils se sont reconnus et mutuellement adoptés et toute leur vie (et celle de quelques autres) en a été changée. Une précision, Michelangelo adulte mesure un mètre quarante.

Un roman magnifique que je ne déflorerai pas davantage puisque de toute façon, vous allez le lire et vous en régaler également.

C'était ma première lecture de J-B Andrea mais maintenant, d'autres sont déjà prévues car j'apprécie plus que tout les écrivains au très beau style et à l'imaginaire puissant. Je n'ai que faire des "fines" analyses égocentrées, mais si je trouve un auteur qui me livre des mondes, qui me transporte dans le temps et dans l'espace, qui me fait rencontrer des personnages vrais, alors je ne le quitte plus avant d'avoir tout lu.

978-2378803759

03 janvier 2024

Saules aveugles, femme endormie 

de Haruki Murakami

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Un recueil de nouvelles, chose assez rare chez moi. Il aura fallu que ce soit un auteur qui m'attire vraiment, mais pour Murakami, je suis prête à surmonter ma réticence envers les récits courts. Vingt-trois nouvelles, quand même, c'est dire que certaines sont assez brèves mais le recueil compte quand même 510 pages... Certaines de ces nouvelles avaient déjà été publiées auparavant, mais pas toutes, d'autres ont été rédigées pour l'occasion. L'auteur dit parfois que la rédaction de nouvelles est comme une récréation pour lui au milieu de l'écriture de romans. J'ai eu à la lecture l’impression qu'elles avaient été écrites par un Murakami trentenaire ou à la limite quadragénaire, ce qui se confirme, même si certaines ont été rédigées plus tard. Elles le furent entre 1980 et 2005 selon Wikipédia (soit de 31 à 56 ans).  Dont acte. Elles ont été choisies par l'auteur lui-même pour composer ce recueil.

Les sujets sont très divers mais on trouve très souvent des histoires de jeunes couples en formation ou en voie de délitement. On retrouve les personnages de Murakami, propres, lisses et en même temps insondables. Plusieurs ressassent des histoires par lesquelles on sent que l'auteur est lui-même fasciné. Il les saisit, les anime, les fait tourner devant ses yeux pour en examiner les différentes facettes et les pousser un peu plus loin qu'elles ne sont allées, ou pourraient aller...  La nostalgie n'est pas exclue non plus car on se plonge plusieurs fois dans des souvenirs d'adolescence, les études, les amis, les filles,  les soucis de virginité, peu ou pas de famille ou juste à l'arrière plan, dans le décor (sauf pour la nouvelle éponyme, justement). Une vision poétique du monde qui frôle souvent le fantasme, où l'imaginaire flirte avec le réel, où le non-dit est à créer par le lecteur.

Si vous ne connaissez pas encore l’œuvre de cet auteur, premièrement, il faut rapidement faire quelque chose, deuxièmement, ce recueil peut être une base de départ. Il ne me semble pas exagéré de dire que selon que vous l'aimerez ou non, vous aimerez l'ensemble. Il y a "l'ambiance Murakami".

C'est un bon recueil. N'hésitez pas s'il passe à portée de votre main.

978-2264044747



01 janvier 2024


 Cette année je fais un challenge ABC. C'est Enna qui m'en a donné l'idée.

En quoi cela consiste-t-il?  C'est simple: lire tout au long de l'année, faire les billets et relever un lien par nom d'auteur de chaque lettre de l'alphabet. Le but est d'avoir rempli l'alphabet avant le 31 décembre 2024.

Si vous en faites un aussi, on peut échanger nos liens et suivre nos progrès pour nous encourager mutuellement. Dites-le moi. Nous échangerons nos liens. Ca sera sympa.

Le mien :

A - Andrea Jean-Baptiste "Veiller sur elle" 

B - Brussolo Serge "Le livre du grand secret"  

C - Clicquot Guillaume "Prenez-moi pour une conne" 

D- Ducoudray Aurélien "Inspecteur Balto"  

E

F

G- Guenassia  Jean-Michel  "A Dieu vat"  

H- Hassaine Lilia "Panorama"

I

J- Jorge Lidia  "Misericordia"

K - Kantcheloff Dimitri "Vie et mort de Vernon Sullivan" 

L

M- Murakami Haruki  "Saules aveugles, femme endormie"

O

P- Pennac Daniel "Le cas Malaussène"

Q

R- Rushdie Salman  "La Cité de la victoire"  

S- Sfar Joann "Chagall en Russie"  

T

U

V

W

X

Y

Z- Zerrouki Salim  "Rwama, Mon enfance en Algérie"






#ChallengeABC