Affichage des articles dont le libellé est Science Fiction. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Science Fiction. Afficher tous les articles

25 février 2021

 Le monde des à

d'Alfred Elton van Vogt

*****

   C'est Boris Vian qui, en 1953, nous traduisit ce roman qui avait été publié outre-Atlantique d'abord dans un magazine de SF puis, sous forme de livre, en 1948. Ce premier titre qui devait faire pas mal du bruit et en France, selon J. Sadoul, marquer le début de notre intérêt pour la Science Fiction (cf postface) sera suivi de deux autres: tout d'abord «Les joueurs du û puis «La fin du û pour constituer «Le cycle du û

     Nous avons avec ce roman un des chefs-d'œuvre de la S.F de cette époque, tout d'abord pour l'originalité de l'idée (qui prouve qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher des aliens aux formes et consistances les plus improbables pour faire du bon travail) ensuite pour le suspens tendu d'un bout à l'autre puisque Van Vogt pose là dès les premières pages à son lecteur une colle (Qui est le héros? Qui tire les ficelles?) qu'il pourrait résoudre s'il était assez malin, (mais le sommes-nous?) et le balade de pistes en démentis partout où il veut pendant 300 pages.

    Je résume l'action: Gilbert Gosseyn (prononcez go sane et non, ce n'est pas un hasard) arrive à la capitale pour passer des épreuves auprès de la Machine des Jeux. Ces épreuves tendent à déterminer qui parmi les nombreux candidats est assez évolué dans l'éducation Non-A pour obtenir les plus hautes fonctions sur Terre voire, s'il est vraiment au top, faire partie des migrants sur Vénus où s'est constituée une super-civilisation autogérée.

    Mais que je vous explique tout d'abord le sens des termes: A signifie aristotélicien: dérivé de la vision du monde que nous a léguée Aristote, basée sur les oppositions, le manichéisme, les conflits, le stress etc. cette vision du monde se condamne elle-même. Il faut donc être Non-A ou, pour aller plus vite, Ã. Faites attention à cette petite barre sur le A car si vous la négligez en lisant vous allez vous trouver par exemple avec X qui est Non-A et Y qui est à et ne même pas vous apercevoir qu'ils sont dans le même camp. Ce serait ballot, on a perdu des guerres galactiques pour moins que cela. Donc soyons clairs, Gosseyn est Non-A, il espère même être dans les meilleurs à et se voir traiter comme tel après son passage dans la Machine des Jeux. Il vient de perdre sa femme Patricia qui aurait dû elle aussi participer aux épreuves et est prêt à démarrer une nouvelle vie (il ne va pas être déçu). Cela commence fort puisque le jour même de son inscription il est démasqué comme imposteur: il n'est pas celui qu'il prétend être, ce qui est bien embêtant car lui-même le croyait dur comme fer! Et c'est parti, accrochez-vous.

    Il faut se rendre compte que cette pensée non-A, c'est la «Sémantique Générale» de Korzybski (attention, ce n'est pas de la sémantique au sens usuel) dont Van Vogt était un adepte passionné et dont toute cette œuvre tend à prouver la supériorité sur le terrain, même dans les pires des cas (entendez un conflit galactique). Et nous sommes là dans le monde réel, ce pourquoi ce roman a engendré des multitudes de discussions passionnées, de recherches ardues menées par de pauvres lecteurs de SF comme vous et moi et de conversations philosophiques.

    Lancez-vous dans cette aventure pleine de bruit et de fureur, mais tout autant de sémantique, de neurologie et de philosophie.

    Titre original: The World of Null-A

978-2277113621

18 février 2021

 

L'anomalie

Hervé Le Tellier

***+

J'ai eu beaucoup, beaucoup, de mal à entrer dans ce roman qui m'a ensuite parfois intéressée mais jamais passionnée. Cela commence tout de même par une centaine de pages de courtes scènes nous présentant les divers personnages (stéréotypés : le tueur, l'écrivain, l'homme d'affaire, la femme au foyer etc.) J'avoue que j'ai connu plus habile et plus envoûtant comme introduction de personnages... Puis vient la scène clé : l'apparition de l'avion double. Normalement, je ne vous l'aurais pas dit ici puisque je ne dévoile jamais les secrets des romans, ni ne brise les progressions. Comme l'auteur met un tiers du livre à nous le faire découvrir, j’aurais respecté ce suspens, mais il s'avère qu'il va lui-même de télé en radio pour nous l'annoncer tout de go, donc, j'avais mal compris, cette annonce après cent pages n'est pas du suspens, c'est un hasard, et on aurait pu le dire tout de suite.

Une fois les doubles (qui n'en sont pas d'ailleurs, ni des jumeaux, car ce sont bel et bien la même personne, mais à des stades un peu différents) donc une fois les doubles apparus, nouvelle suite de séquences pour voir chacun, puis la réaction de l'autre, puis leur mise en présence. Comme on l'aura compris, les différents personnages stéréotypés n'étaient là depuis le début que pour illustrer plusieurs réactions possibles à cet événement éminemment déstabilisant. Jamais hélas, ils n'obtiendront une réelle épaisseur psychologique, un peu d'humanité.

Une théorie est même avancée pour expliquer le phénomène. Elle est granguignolesque mais là, ce n'est pas un reproche, j'aime les pseudo-explications scientifiques des romans de science-fiction. De tout temps ils en ont fourni et moi, je trouve que ça a un côté attendrissant. Mais autant celle de la logique non-aristotélicienne du Monde des Ā en avait fait cogiter plus d'un pendant un moment, autant je pense que ce ne sera pas le cas de celle-ci.

La fin n'est pas mauvaise. Arrivés à ce point-là, il fallait bien trouver quelque chose.

Ce n'est pas un mauvais roman de SF. Mais pour ce qui est de faire un Goncourt, je suis plus dubitative. Pour le côté littéraire, surtout. M. Le Tellier dit que ce roman a commencé par avoir plus de 6OO pages et qu'il a dû l'élaguer pour l'amener au format actuel (315 pages) et en entendant cela, je me suis dit que c'était peut-être à cela que l'on devait cette impression de « haché », ce manque de fluidité que j'ai ressenti. J'ai eu l'impression que cela ne devenait jamais vraiment une histoire, que cela restait une succession de séquences. Certaines de ces séquences sont par ailleurs parachutées et expédiées en quelques pages, sans souffle précurseur, sans montée émotionnelle et sans que le lecteur ait pu s'y introduire vraiment. Quel gâchis ! Par exemple la scène des deux starlettes du petit écran présentées au public dans le théâtre. (bien que j'avoue que cette scène a beaucoup gagné à être lue deux jours après l'invasion du Capitole. Là au moins, il y avait du saisissant et cela m'a aidée à visualiser de façon plus chaude).

Encore une fois pas convaincue par le Goncourt, mais il se vend comme des petits pains. Grand bien lui fasse.

978-2072895098

Ils l'ont lu aussi: Nuages et vent  Antigone   Je me livre   Keisha

18 janvier 2021

  Invasions divines – Philip K. Dick, une vie 

de Lawrence Sutin

*****


Grand Prix de l'Imaginaire, catégorie Essais en 1995
   
   
    "Philip K. Dick (19281982) reste un trésor enfoui dans le domaine de la littérature américaine parce que la grande majorité de ses œuvres a vu le jour dans le cadre d'un genre – la science-fiction- qui ne retient pratiquement jamais l’intérêt des gens sérieux. Car on ne saurait être sérieux en racontant des histoires de vaisseaux spatiaux, n'est-ce pas ? Une baleine blanche, voilà qui peut faire office de grande figure littéraire ; mais comment en dire autant d'un fongus de Ganymède télépathe ?"
   
   "Phil avait la réputation d'être – pour dire les choses crûment – un cinglé à la cervelle grillée par les drogues."
   
   Bon, l'action est posée.
   
   Ayant lu peu de temps auparavant le roman de C. Miller "L'univers de carton", j'y avais retrouvé avec plaisir un des fantômes de ma jeunesse : Philip K. Dick. Dans ce roman, cette biographie de L. Sutin était donnée comme la plus réussie qui existe et même comme étant quasiment parfaite. Avais-je une chance de résister ? Bien sûr que non, vous l'aurez compris. Ce fut donc mon achat suivant et une nouvelle lecture, qui me permit de mieux connaître un des papes de la SF américaine, d'une façon, cette fois plus réaliste. Je dois tout de suite dire, que je trouve en effet cette biographie à peu près parfaite. Lawrence Sutin ne semble pas ignorer le moindre détail de l'existence de Dick, il est allé interroger tous les témoins et leur a permis d'exprimer leurs points de vue, il n'a pas émis de jugement de valeur sur l'homme dont il ne nous cache ni les hauts, ni les bas, se bornant à manifester son admiration de l’œuvre accomplie. Je pense donc en effet que cette bio est un must. Indispensable à qui s’intéresse à l’œuvre de Philip K. Dick. C'est un assez gros bouquin, plus de 700 pages, mais édité chez Folio SF, il est à la portée de toutes les bourses, et écrit dans un style fluide, il ne génère jamais ni ennui, ni difficulté.
   
   Cet ouvrage suit l'ordre chronologique et donne des renseignements sur tous les titres de l'auteur, ce qui paraît impossible quand on sait à quel point il était prolifique. Nous découvrons ainsi quelle était sa situation matérielle et mentale lorsqu'il les écrivit. Et ce n'est pas rien, tant l'existence du Maître fut agitée et pleine d'imprévus. Il suivit plusieurs religions et connut plusieurs satori pour finir par discuter assez familièrement avec Dieu. Tout cela rend certains des cheminements de sa pensée un peu abscons. Pour ne rien dire de cette manie charmante qu'il avait et qu'ont dû maudire tous ses autres chroniqueurs, de toujours donner immédiatement (comme plus tard) plusieurs version différentes (et souvent incompatibles) du moindre fait et événement de sa vie, ce qui rendait le tout tellement compliqué et ingérable qu'il ne savait bientôt plus lui même quelle était la version exacte et d'ailleurs, y en avait-il une? puisque, c'est bien connu, la réalité n'est pas une, voire même, n'existe pas. (surtout avec l'usage immodérée de substances bizarres et mélanges incongrus).
   
   On aura compris que ses relations avec ses proches tant professionnels que personnels, (pour ne pas dire avec lui-même) ne furent jamais simples, mais il plaisait néanmoins et se maria cinq fois. Il ne m'a pas semblé particulièrement sympathique, mais c'est strictement une question de goût et je ne peux que m'incliner par contre devant l'écrivain, son énorme capacité de travail et sa fantastique imagination*. Parti des pulp et des fins de mois difficiles, il connut le succès en tant qu'auteur reconnu bien qu'il ne le fut jamais comme écrivain (ce qu'il méritait), mais toujours considéré comme le "meilleur-d'un-genre-mineur", ce qui fit son désespoir. Néanmoins, ses histoires étaient telles que le cinéma ne pouvait l'ignorer longtemps et c'est donc largement à l'abri du besoin qu’il finit ses jours. Au point de pouvoir se permettre le luxe de refuser un contrat hollywoodien dont il craignait qu’il dénature son œuvre. Qui serait encore capable de faire cela aujourd'hui ?
   
   En dehors de toutes ces données factuelles, Lawrence Sutin met en relief les questions primordiales que Philip K. Dick a toujours voulu explorer et illustrer par ses nouvelles et romans :
      Que se passerait-il si ?
   Qu'est-ce que la réalité ?
   Qu'est-ce qui constitue l'humain ?  
   Avouez que ces questionnements relèvent de la plus haute philosophie et qu'il est peu de domaines de la fiction qui se prêtent aussi bien à leur exploration poussée que la science-fiction.
   
   Et pour couronner le tout, l'auteur maintenait en permanence dans tous les esprits (y compris le sien) la question finale: "Et si c’était vrai" ?
   

   * Pour ne rien dire de sa folle vélocité dactylographique.


978-2070422364

14 janvier 2021

Le maître du haut château 

Philip K. Dick

****

   Cette édition "J'ai Lu" de 2013 978-2290082324 présente un grand intérêt du fait de la postface de L. Queyssi très documentée et des deux chapitres que P.K. Dick avait rédigés pour une suite éventuelle. Cette suite n'a jamais vu le jour mais ces chapitres éclairent tout de même rétroactivement l'ouvrage que nous venons de terminer. La postface quant à elle est une mine de renseignements et permet de comprendre avec une toute autre précision ce roman étonnant.

Il s'agit d'une uchronie. Une bonne vingtaine d'années après la fin de la seconde guerre mondiale, Allemands et Japonais, qui ont remporté la victoire et anéanti toute opposition, se sont partagé le monde. L'est du globe jusqu'à et y compris la partie est des ex-USA, maintenant PSA : Etats pacifiques d'Amérique, est aux Japonais. L'Europe et la partie ouest des PSA est aux Allemands. Entre les deux, soit le centre de l'Amérique du Nord, est une sorte de no man's Land non revendiqué car « jugé sans intérêt » dit un personnage, on peut estimer aussi que cela évite aux deux vainqueurs d'avoir une frontière commune. Etre alliés est une chose, s'aimer en est une autre.

Nous sommes à San Francisco, donc zone nippone et c'est là que nous faisons connaissance de nos personnages et de la drôle de situation qui est la leur. Tout ce qui est important, distingué, chic et qui compte, est japonais. Les indigènes nord américains les admirent, les envient et les imitent car il n'y a nulle part dans le monde le moindre esprit de rebellion. Chacun tente d'être le plus japonais possible et le mieux vu possible par eux, tout en considérant qu'il leur sera toujours inférieur. C'est assez étonnant comme état d'esprit. Parmi les habitudes venues de l'Est et, peut-être au premier rang d'entre elles, l’usage du Yi King. Chacun consulte constamment ce livre des oracles au moindre doute, à la moindre inquiétude sur l'avenir ou sur une décision à prendre. Ses réponses sibyllines se prêtent bien sûr à toutes les situations. Le monde est hyper raciste, antisémite, homophobe, oppressif et vertical, le nazisme règne en maître incontesté. Il y a des esclaves. Les génocides ont réglé tous les conflits. Dans la partie plus apaisée, l' ambiance est délétère, une auto-surveillance de tous les instants est indispensable. 

Dans ce monde difficile et stressé, circule un roman de science-fiction uchronique qui imagine un monde dans lequel les alliés, et non les forces de l'Axe, auraient gagné la guerre. Ce roman a été écrit par un écrivain qui habite une demeure fortifiée sur les hauts plateaux de crainte (justifiée) de se faire assassiner (c'est lui le Maître du titre). Dans les parties allemandes du monde, ce roman est interdit, dans les parties japonaises il ne l'est pas et est même un best-seller. Il captive ses lecteurs par l'originalité du point de vue tant la victoire nazie est indiscutée.

Premier gros succès de P.K. Dick, ce livre n'est peut-être pas aussi bien rédigé que le seront d'autres. . Je pense en particulier à l'idée de s’inspirer du style bref et coupé des haïkus pour évoquer la façon de penser d'un Japonais... je n'ai pas été convaincue par le procédé. Mais ce roman est par contre vraiment très habilement monté. Ainsi, on s'attendrait à ce que le monde évoqué par le Maître revienne à une peinture de notre monde, puisque les Alliés ont effectivement gagné. Eh bien il n'en est rien. C'est encore un autre monde qui apparaît et le lecteur ne peut s’empêcher de se demander combien d'autres variations sont possibles et cela le laisse songeur... Une autre mise en abyme apparaît. On l'a dit, les personnages utilisent le Yi King mais l'on apprendra plus tard que le Maître du haut plateau lui aussi, a utilisé le Yi King pour écrire son livre. Au point qu'il dit que c'est le Yi King qui a écrit son roman. Et pour rajouter encore un étage, nous apprendrons, nous, que P.K. Dick l’utilisait beaucoup alors qu'il écrivait ce livre.

   


978-
2290082324

30 décembre 2020

 L'ombre sur Innsmouth 

ou Le Cauchemar d'Innsmouth 

de Howard Phillips Lovecraft

*****

Titre original : The Shadow over Innsmouth

Un de mes préférés

   Cette histoire a été écrite par Lovecraft six ans avant sa mort et publiée 1 an avant. On peut la rattacher nettement au mythe de Cthulu, contrairement à d'autres rattachements qui me semblent plus "capilotractés".

     Le narrateur, jeune homme à l'esprit ouvert et ayant entrepris de voyager à la fin de ses études, entend parler chemin faisant d'un bien étrange village, Innsmouth, et de ses habitants plus étranges encore... Il n'avait pas prévu de passer par cet endroit, et moins encore d'y séjourner, mais un incident de parcours l'amène pourtant à le faire (le bus passant par Innsmouth est bien moins cher que la voie normale).

     Somme toute, on lui a dit peu de choses car le sujet semble révulser tout le monde, mais néanmoins, que les habitants de ce port sont riches et possèdent en particulier des bijoux très étranges mais que parallèlement, ils se sont transformés progressivement ; qu'ils ne recherchent pas plus le contact avec les autres villages que ceux-ci ne le recherchent avec eux, et que le seul à parler de ce qui se passe là-bas est un vieil alcoolique dément, interné à l'asile du lieu...

     Ah si ! Autre chose : que les gens qui s'aventurent à Innsmouth -ils sont rares, mais certains y sont forcés- ont tendance à ne pas revenir...

     Bien sûr, notre narrateur s'y rendra et... je vous laisse découvrir si ce récit est posthume... ou pire.

     On peut lire entre les lignes la hantise phobique du métissage qui perturbe tant l'auteur. Un bon Lovecraft, très représentatif, totalement conforme aux codes. Architecture spéciale, religion étrange mais puissante, morphologies étonnantes, héros plus curieux que prudent... Les amateurs ne peuvent que l'aimer.



978-1530846870

04 décembre 2020

 Le Meurtre du Commandeur 

2 - La métaphore se déplace  

de Haruki Murakami

****+


Le tome 1 avait bien mis en place la situation et présenté les personnages. Situation et personnages sont à la fois "normaux" et singuliers, voire carrément étranges. Ils vont continuer dans cette tonalité. On s'était beaucoup demandé ce qu'étaient les vraies intentions de l'étrange voisin Menshiki, quel était le secret du peintre Tomohiko Amada, propriétaire de la maison, peintre ayant créé ce tableau dont est issu le Commandeur et ce que deviendrait ce personnage fantastique. Où se trouve le réalisme, où commence le fantastique, qu'est-ce qui est sain, qu'est-ce qui est trouble mental ? ...
   
   Ce second tome ne déçoit pas. Il est au moins au niveau du premier pour la puissance de la créativité. La jeune modèle du personnage principal disparaît, les recherches restent vaines. Et finalement, dans la chambre de la résidence où agonise le vieux peintre, tout bascule : "Une trappe s'ouvre dans un coin de la chambre. Un personnage étrange en surgit, qui l'invite à entrer dans le passage souterrain." (l' , le narrateur)
   Mais où Haruki Murakami nous a-t-il entraînés? Dans quel monde sommes-nous? "Quand je levai la tête, je constatai qu'il n'y avait pas de ciel."
   Qu'y a-t-il, quand il n'y a pas de ciel?
   
   Le monde des rêves peut-il avoir prise sur celui de l'éveil? Et quelles en sont les conséquences? "Moi aussi, j'avais dépassé les contraintes physiques de la réalité."
   
    Des personnages dépouillés, avec quasiment rien en dehors de ce qui touche à l'histoire qui fait l'objet du roman. Des personnages hygiénistes et méticuleux, froids et déterminés... et des objets. Des accessoires avec marques citées, modèle et marque, avec une précision importune, indiquant ainsi qu'ils sont partie importante du personnage. Chez Murakami, les objets sont peu nombreux, on évolue dans un décor dépouillé, mais ils sont traités comme des marqueurs importants. Cela me surprend toujours, moi qui ne vois habituellement en eux que des accessoires...
   
   Une petite fixation sur la croissance de la poitrine chez les adolescentes, et comme toujours avec Murakami, de la musique aussi; ici Le chevalier à la rose nous accompagne et nous emporte tout du long des deux tomes. 2.


978-2714478399 

02 décembre 2020

 Le Meurtre du Commandeur 

1 - Une idée apparaît 

de Haruki Murakami

****+


L'éditeur nous promet avec ce nouveau roman d'Haruki Murakami "une œuvre exceptionnelle", comment résister? D'autre part, les romans de cet auteur ne le sont-ils pas toujours plus ou moins? Avec ou sans la quatrième de couverture dithyrambique, je me serais précipitée pour lire cette nouvelle fourniture, et j'aurais constaté qu'il y a en effet comme un nouveau concept: le thriller lent et l'histoire de fantôme non bienveillant qui ne fait pas peur.
   
 Vous l'aurez remarqué, les thrillers vont toujours à toute allure, pour ne pas vous laisser le temps de réfléchir, vous bousculer et vous déstabiliser. Celui-ci, non, il prend tout son temps et vous laisse réfléchir autant que vous le voulez, il vous y incite même, et pourtant, vous ne vous en sortez pas mieux. Vous êtes pris.
   
    Vous l'aurez remarqué également, les histoires de fantômes aux pouvoirs surnaturels, quand ils ne sont pas de bons gros marshmallows de la littérature pour enfants, déclenchent la peur, et pour commencer, celle des personnages du roman où ils apparaissent. Rien de semblable ici. Le narrateur voit apparaître ce spectre et l'accepte comme tel. Il ne se réjouit ni ne craint sa présence. Il la prend simplement comme un fait objectif et n'émet aucune conjecture sur ses intentions. Il n'était pas là avant, mais maintenant il y est. Il ne sait ni pourquoi, ni ce qu'il veut, mais il ne s'en préoccupe pas vraiment et ne se sent pas menacé (alors qu'il le pourrait). Cette peur des personnages est nécessaire pour déclencher celle du lecteur. Ici, le lecteur se captive pour ce qui arrive, mais adopte la position "wait and see" du narrateur.
    Mais que je vous en dise plus à son sujet.
   
   Cet homme jeune, peintre professionnel, vient de vivre six ans de bonheur sans nuage avec son épouse Yuzu quand un soir, elle lui annonce qu'elle ne "peut" plus vivre avec lui, sans lui donner la moindre explication. Elle reconnaît ensuite aimer un autre homme. Notre peintre, qui l'aime toujours autant et n'a perçu aucun signe avant-coureur, accepte là aussi les faits sans les discuter et part immédiatement, abandonnant tout ce qui faisait sa vie jusqu'à ce moment. Il achète une voiture d'occasion et part sur les routes, sans le moindre but, avalant les kilomètres, les paysages et les motels, sans destination ni projet. Quand sa voiture rend l'âme, il décide de cesser son errance et de se trouver un logement. Son meilleur ami a hérité de la demeure isolée en pleine montagne de son père, peintre célèbre et accepte de la lui laisser en location contre le gardiennage.
   
   Dans sa jeunesse, après avoir été un peintre attiré par l'art moderne, il avait renoncé à ses ambitions créatrices quand il avait eu à gagner l'argent du ménage, et qu'il s'était alors mis à peindre des portraits sur commande et par pur souci commercial, alors qu'il méprise cette activité. Cependant, la surprise est que ses portraits sont de plus en plus appréciés et qu'à son grand étonnement, beaucoup admirent énormément son talent en la matière. Lui, persiste à n'y voir qu'une forme mineure de peinture. Une fois installé dans la chalet de l'artiste, il compte se mettre au travail dans un nouveau registre, puisqu'il a cessé toute activité en quittant sa femme et sa vie antérieure. Mais rien, ne lui vient et il patiente. Il a par ailleurs découvert un tableau secret du peintre qui occupait les lieux avant lui: c'est le Commandeur du titre, et d'autre chose aussi, que vous découvrirez. Rapidement, son ex-agent lui apprend qu'il a reçu une demande de portrait si faramineuse qu'il lui est impossible de la refuser... Le narrateur, qui arrive au bout de ses économies est stupéfait de l'énormité de la somme promise et ne peut qu’accepter.
   
   Nous faisons alors la connaissance d'un nouveau personnage. L'étonnant Menshiki, n'est pas seulement immensément riche, c'est également un homme aussi étrange que mystérieux. Que veut-il exactement? Il apparaît bientôt que ses attentes ne se limitent pas à son portrait... Et quelle est cette histoire de fantôme, d'esprit, d'idée qui apparaît? Notre peintre perd-il la raison? Se fait-il manipuler? Ou faut-il accepter les évènements tels que, comme il le fait, sans les discuter?
   
   Derrière cette intrigue très captivante, le lecteur découvrira une vraie réflexion sur la création artistique en peinture et des considérations sur le bouddhisme, l'éveil, la mort, les liens du sang etc. Le personnage phare est bien conforme aux habitudes de Murakami, un homme posé et réfléchi, adepte des tâches ménagères, peu enclin aux emportements... Et pourtant. Ce premier tome se termine sur une ouverture inattendue, qui, je pense, vous surprendra. En tout cas, elle m'a surprise, moi. Et je plonge sur le tome 2.


978-2714478382

15 mai 2020

Alfred E. Van Vogt. Parcours d'une œuvre 
Joseph Altairac
***
J'ai acheté ce livre parce que Van Vogt m'intéresse et que j'avais beaucoup apprécié la bio de Wells par cet auteur, mais il n'en est pas de même de ce "Van Vogt".
Tour d'abord, ce n'est pas une biographie (comme le titre l'indique d'ailleurs: "Parcours d'une œuvre"), je n'y avais pas assez prêté attention, j'ai eu tort, car ce qui m'aurait intéressé, c'est bel et bien une bio de Van Vogt. Ce livre m'a donné l'impression qu'il avait eu une vie guère plus passionnante que celle d'un bureaucrate, alors, vrai ou faux?
Joseph Altairac passe surtout beaucoup de temps et de pages à s'intéresser au fond scientifique des fictions de Van Vogt. Pile ce qui ne m'intéresse pas du tout. C'est ballot! Dans les romans de SF, je saute toujours les chapitres d'explications pseudo scientifiques, sachant très bien que cela ne mène à rien, et voilà qu'ici, on ne me parle que de ça (pour me dire d'ailleurs que... ça ne mène à rien).
Bref, me suis forcée à aller au bout parce que ça ne fait que 100 pages (mais l'air d'en avoir le double).
Un malentendu.
Néanmoins suivi d'une bibliographie pleine d'informations qui elle, vaut le coup d'œil. En fait, elle justifierait même l'achat du volume par tous ceux qui s'intéressent à la production de Van Vogt.

"Les lecteurs ne comprennent rien à la théorie de la relativité? L'auteur non plus. Mais ces histoires de distorsions spatio-temporelles sont tout de même bien séduisantes. Pourquoi n'imaginerait-il pas lui aussi, se substituant aux scientifiques, des lois physiques bizarres, plus déroutantes encore que les vraies?"


"Aussi, les conditions idéales pour la chasse à l'idée de SF sont-elles une teinture superficielle de connaissances et une profonde ignorance, en même temps qu'un cerveau agile. Il faut lire les pages scientifiques dans les mêmes journaux que ses lecteurs et n'en pas savoir plus."