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12 juillet 2022

 L’œuf de cristal

de H. G. Wells

****+


Un œuf, mais pas de poule en vue

Trouvée sur internet, je n'ai pas de photo de couverture pour illustrer cette histoire.

Nouvelle de science fiction, « L’œuf de cristal » nous fait entrer dans la petite boutique d'un antiquaire, Mr Cave, sur les pas d'un clergyman et d'une de ses connaissances. Il a vu en vitrine un bel œuf de cristal qui lui semble avoir toutes les qualités pour décorer son intérieur. Quand il interroge le vieil antiquaire sur le prix de l'objet, il a la surprise de s'entendre réclamer une forte somme, mais l'attrait de l’œuf est si grand, qu'il accepte. Il s'entend alors répondre qu'en fait, l'œuf de cristal ne peut lui être vendu car il a déjà été retenu.

Intervient alors l'énergique et peu agréable épouse de l'antiquaire qui exige la vente de l'objet. Le commerçant ne peut obtenir qu'un report de deux jours...

Derrière les scènes de ménage qui s'ensuivent, le lecteur le moins perspicace aura deviné que cet œuf doit avoir quelque chose de particulier, de très particulier même. Nous découvrirons quoi, sur les pas de Mr Cave et de Mr Wace, jeune aide-préparateur à St Catherine's Hospital, passionné de choses scientifiques, dont il s'est fait un allié.

Le lecteur plus averti remarquera beaucoup de similitudes entre ce Mr Wace et le jeune préparateur passionné de sciences que fut H.G. Wells, et pas seulement la proximité phonétique des noms.

C'est une nouvelle intéressante dont on peut imaginer que l'idée a été inspirée à Wells par les prémices d'une invention qui allait bouleverser le monde... mais bien plus tard. Ajoutez-y quelques Martiens, et la sauce prend très bien quand on mélange avec ce vieux monde victorien. Ça a même beaucoup de charme.



09 juillet 2022

L’Étoile 

de WELLS Herbert George 

***+


Neptune est heurtée par une énorme masse lumineuse venue des confins de l'espace. La collision est colossale.  Les deux astres se mêlent. Mais cet accident énorme a modifié les trajectoires d'autres étoiles et la foule qui observe les événements, d'abord avec une simple curiosité, puis avec un intérêt scientifique, puis avec crainte, constate que la lune a changé d'orbite et qu'elle se rapproche de la terre. D'autres astres voient également leurs trajectoires modifiées, avec les conséquences physiques que tout cela peut avoir...

Nous avons ici un récit catastrophe. L'auteur veut frapper son lecteur pour bien lui marteler que nous qui nous croyons si forts et omnipotents, et notre terre elle-même, sommes en fait fragiles et à la merci d'un simple hasard cosmique. 

HG Wells parsème le récit de ce qui se passe dans l’espace, de multiples scènes minuscules (une ligne parfois) mais très imagées, du quotidien terrien habituel. Il les montre tels des millions de fourmis très occupés à leurs minuscules affaires "importantes" sous l'infini des cieux et l'infinité de ses possibles. Comme il le dira un an plus tard  dans « La guerre des mondes », il ne faut pas se prendre pour les rois de l'univers, quelque chose d'inconnu peut tomber du ciel à tout instant et nous anéantir.

En attendant, il décrit amplement tous les catastrophiques effets terrestres de la moindre perturbation de l'univers proche, et en l’occurrence, du frôlement de la terre par Neptune et l'astre inconnus mêlés : déluges, raz de marée, changements extrêmes de températures, irruptions volcaniques, tremblements de terre etc. 

Pour enfoncer le clou, il imagine des Martiens observant la terre et ne voyant là qu'un intéressant phénomène sans grande importance, un peu comme quand nous voyons une explosion solaire. Ce qui cause des millions de morts sur terre peut sembler anodin vu de très loin. Simple question de point de vue...

978-2258074064






10 juin 2022

L'homme invisible

H.G. Wells

*****

Lutte à mort

« L'homme invisible » a été le troisième roman de science-fiction qu'H.G. Wells a écrit, après « La machine à explorer le temps » et « L'ile du Dr Moreau ». Et là encore, comme dans La Machine, il a mis le doigt sur un vieux rêve de l’humanité : l'invisibilité – et mieux, il l'a comblé. Un rêve que tous les hommes partagent. Combien de fois avons-nous dit ou songé « J'aimerais être une petite souris (ou invisible) pour savoir ce q... », Etre là où on peut voir, entendre, faire tout ce que l'on veut, sans que personne ne le sache. Dès l'antiquité, l'homme en a rêvé, et en cette fin de 19ème siècle, Wells allait arriver à faire presque croire à ses contemporains que les foudroyants progrès de la science que leur époque connaissait, allaient permettre de le réaliser, voire, l'avaient déjà permis à certains génies... C'est que notre auteur, journaliste de vulgarisation scientifique à cette époque, maîtrise assez bien son sujet pour lui faire prendre au maximum les apparences d'une possibilité scientifique réaliste. Il s'appuie sur de vraies recherches, et glisse juste, le petit bémol fictionnel qui leur permettrait d'avoir pour conséquence l'invisibilité. C'est la base de la science-fiction (comme son nom l'indique) et le lecteur n'en demande pas plus. Cela lui suffit pour embarquer dans la grande aventure et suivre Griffin, l'homme invisible.

Ce qui, à mes yeux, fait l’intérêt du livre, en dehors de cette mine de possibilités qu'est l'invisibilité, c'est la psychologie des personnages. Griffin, notre homme invisible, est un cas ! Si Wells s'était contenté de nous montrer, par l’entremise d'un gentil héros, toutes les aventures qu'un homme invisible pouvait connaître, cela aurait encore été amusant, mais son roman aurait été bien inférieur. Loin de là, il s'est choisi un personnage principal dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a une forte personnalité, atypique et malcommode, et il l'a laissé l'exprimer. Du coup, la tension est tout de suite très forte, et loin du ronron d'un conte, on se trouve dans une histoire où tout est possible et où l'on se demande toujours jusqu'où cela ira.

C'est vrai que Griffin est peu sympathique, malhonnête, voire criminel... Il a dès le départ, le chic pour se faire détester de tous, même des chiens. C'est qu'il déteste tout le monde, lui aussi. Le monde l'agace, il ne supporte personne et il est blessant avec tous. Mais la société en a tout autant à son égard. Pour ma part, je vois aussi Griffin comme un surdoué caractériel qui a toujours pâti de sa non conformité à la norme et qui maintenant, entend tirer tout le parti possible (jusqu'à la pire mégalomanie) de sa trouvaille. Du moins, au départ. La situation difficile dans laquelle il se trouve lui met les nerfs à vif, ce qui n'arrange pas sa patience. Son état physique n'est pas fameux et se détériore. Evidemment, à un moment, d'excès en excès, il dérape dans la folie... (D'ailleurs, n'en fallait-il pas dès le début pour expérimenter sur lui-même son produit ?) Mais, comme on le verra, là encore, le monde ne lui fera pas de cadeau. Il s'estime au dessus des lois, mais de toute façon, il n’avait plus sa place dans le monde (à part comme bête de foire). Il vole, on le trahit, il tue, on le poursuit comme du gibier... Il y a beaucoup de violence dans ce roman, de pression, d'injustice, d'abus. De part et d'autre. Tout le monde abuse de son pouvoir dès qu'il en a un et la vox populi n'est pas plus tendre que lui. Griffin, s'y prend mal, il ne maîtrise rien. Il a un gros QI, mais un petit QE*, on sait maintenant que c'est un mauvais mélange...

Ceux qui croient que Wells est un auteur pour enfant se trompent lourdement et font preuve d'ignorance.


* Quotient émotionnel

978-2253004851



15 mai 2022

 MOIS H. G. WELLS 

*

Bon, alors voilà j'ai fait cet après-midi un petit dessin qui pourrait servir de logo pour nos mois Wells. (Faut pas être difficile dans la vie)



Vous n'aurez plus qu'à le copier et lui adjoindre le lien  

Qui peut participer? Tout le monde. Si vous n'avez pas de blog, je vous ferai une place sur la Petite LISTE.

Qu'est-ce qu'on gagne? Rien.

Quelles sont les règles? A partir de tout de suite et jusqu'à fin juillet, si vous voulez bien participer, il faudra lire et chroniquer sur votre blog  avec un lien vers ici, un roman ou une nouvelle d'H. G. Wells. Vous venez me mettre le lien ici dans les commentaires et je vous ajouterai sur la fiche récapitulative en espérant que cela vous vaudra de nouveaux visiteurs.

On peut trouver les textes de Wells en ebooks gratuits sur internet. On peut même les avoir en audio gratuit ici: Littératureaudio.com

Je prends aussi les biographies de Wells, comme celles de Laura El Makki, par exemple ou de Joseph Altairac

Tadloiducine qui habite sur le blog de Dasola, fera de même avec les films et les BD inspirés de romans de Wells, 

C'est parti !



25 février 2022

Invasion

de Luke Rhinehart


*****


Billy Morton est patron pêcheur à Long Island. Sur son vieux rafiot et aidé de deux matelots pas trop performants, il gagne de quoi faire vivre sa petite famille car, s'il a dépassé les soixante-dix ans, Billy n'en a pas moins épousé une femme bien plus jeune avec laquelle il a eu deux enfants. Les Morton coulent des jours paisibles. Mais la vie de Billy n'a pas toujours été paisible. Américain de base, convaincu des valeurs de la mère patrie, il est parti au Vietnam quasiment la fleur au fusil. C’était il y a bien longtemps, bien longtemps donc que ses yeux se sont décillés sur l'impérialisme de son pays et le capitalisme qui exploite les millions de gens comme lui. Après le Vietnam, il y a eu beaucoup de manifs, de revendications, de drogues, d’alcool et de filles et puis, cela aussi a passé et il est resté un vieux philosophe à la lucidité et au sens critique aiguisés, retiré au bord de la mer et vivant de sa pêche.

Mais voilà qu'un jour, à l'heure de rentrer au port, un étrange ballon de fourrure saute sur le bateau et y revient aussitôt quand les matelots le jugeant non comestible, le rejettent à la mer. Comme il est impossible de s'en débarrasser, les marins choisissent de l'ignorer. Une fois rentrés au port, les matelots s'en vont et Billy également mais le ballon le suit et monte avec lui dans sa camionnette. C'est ainsi que débutent les relations entre la famille Morton et un extraterrestre qu'ils vont baptiser Louie. Louie semble n'avoir qu'une occupation et qu'un but dans la vie : jouer. Option pas prévue par les pontes du Pentagone... Je vous laisse découvrir la suite des évènements qui nous est racontée par des extraits du récit qu'en fera Billy Morton intercalés entre des extraits tirés de « L'Histoire officielle de l'invasion des Extraterrestres » en plusieurs volumes.

Ce roman est un pur régal. D'abord, on ne s'y ennuie pas une seconde avec ces E.T aux réactions complètement imprévisibles ; ensuite, Rhinehart n'a pas son pareil pour utiliser cette trame pour démonter le fonctionnement mortifère de son pays. On se régale d'autant plus qu'il a choisi de le faire par l'humour et non par la charge. C'est bien plus efficace et tout aussi assassin, plus, sans doute même. Le ton aussi, qui est la façon dont Billy s'exprime et raconte, est on ne peut plus jubilatoire. Il se révèle être un homme extrêmement sympathique (à mes yeux, du moins),

"Avec les années, je me suis rendu compte que pour tous les êtres humains, avoir raison, c'est une mauvaise stratégie.Plus je suis convaincu d'avoir raison, plus je rends les autres autour de moi malheureux, plus je me rends moi-même malheureux. Si j'aime bien débiter des conneries, c'est que justement, pendant que je les radote, il n'y a aucune chance que je m'imagine avoir raison."

plein d'humour

« Pour une fois, c'était moi qui ne disais rien,. J'avais besoin d'un petit moment pour organiser mes idées. Ce qui aurait pu prendre plusieurs heures, si j'avais beaucoup d'idées à organiser, mais heureusement j'en avais que deux ou trois alors j'ai tout réglé en moins de huit secondes. »

et de ressources et n'ayant pas froid aux yeux (sans parler de son impitoyable lucidité). Quant aux ballons de fourrures, quels lanceurs d'alertes! Ou plutôt, ils en serianet s'ils ne préféraient pas aller jouer.

« Et votre univers est seulement le deuxième où on a trouvé des créatures ayant développé des armes capables d'anéantir presque toute vie sur leur planète, tout en ayant une intelligence tellement sous-développée qu'elles songent à utiliser ces armes. »

Croyez-moi, vous ne pouvez pas vous dispenser de cette lecture et je laisserai le mot de la fin aux E.T. :

"Si les êtres humains pouvaient juste laisser tomber cette idée d'être le centre de tout, à la fois en tant qu'individu et en tant qu'espèce, vous seriez guéris. Vous seriez enfin unis par l'envie de vivre, d'apprécier la vie, comme toutes ces créatures que nous pouvons voir jouer autour de nous. Mais non. Il y a trois ou quatre mille ans, pour je ne sais trop quelle raison, vous avez décidé que vous étiez le peuple de Dieu, que vous étiez le centre de la création.

Et les résultats sont désastreux."


PS : En cours de route, une petite allusion masquée à l'homme-dé que je vous laisse découvrir.





05 février 2022

Les Jardins statuaires 

de Jacques Abeille 

*****


En hommage à Jacques Abeille qui vient de mourir.

Je classe ce livre dans les romans de fantasy compte tenu de son sujet, mais rien dans son écriture ne se rattache à ce genre. Contrairement aux règles habituelles du genre, nous avons une écriture d'une très grande qualité littéraire, une portée poétique remarquable et un vocabulaire d'une infinie richesse. Nous avons également un rythme lent, réfléchi, pesé, qui n'est pas celui que l'on trouve généralement dans ces récits plus attachés à tenir le lecteur en haleine de rebondissement en course effrénée. Ici, Jacques Abeille tient son lecteur «en réflexion» plutôt qu'en haleine, mais il le tient aussi bien et je n'ai jamais été tentée de le lâcher.

L'œuvre de Jacques Abeille s'impose sans que quiconque songe à le contester, comme hors norme et chacun semble avoir l'intelligence de l'accepter pour telle.

Examinons donc ce que nous avons là: Un gros livre de presque 500 pages, à la calligraphie soignée et à la couverture splendide. Et un récit que je qualifierais de «méditatif»: Un voyageur arrive dans un pays totalement inconnu. Il s'installe dans une auberge et un client lui propose de lui faire visiter un des domaines clos dont est constitué ce pays. Ce voyageur est le narrateur, c'est par ses yeux que nous découvrirons ce monde et son histoire. Il découvre lors de sa visite que dans ces domaines poussent des statues et que le travail des hommes (les jardiniers) consiste à les «cultiver», en faire le commerce, les gérer et que c'est là tâche grave et qui ne s'accomplit point à la légère. En fait, toute vie dans ce pays des jardins statuaires est ritualisée, par les livres, par les récits, par les chants, par les règles inviolables qui s'imposent à tous. 

Le voyageur est tellement impressionné par ce qu'il découvre qu'il entreprend de relever par écrit tout ce qui constitue ce monde et au bout d'un moment... « Il s'est passé quelque chose d'assez inattendu. J'ai eu l'imprudence de faire part de mon projet à quelques personnes, de qui j'espérais des renseignements, et même des encouragements. Et, en effet, j'ai obtenu ce que je croyais souhaiter, mais très vite, on est allé au-delà de mon attente. Des contradictions ont surgi dans le monde dont je voulais tracer le chiffre.»(273) Il lui faut donc enquêter plus avant alors que dans le même temps grandit son renom et le respect dont tous entourent son travail. 

C'est que dans ce monde des Jardins, l'écrit est rare et sacralisé. «La plupart des jardiniers, en effet, quand ils ont un moment de loisir, le passent à la bibliothèque. Ils lisent, ils méditent et, à l'occasion, ajoutent quelques notes à la masse du texte.» (63)

Et ce travail de décrire ce monde qu'entreprend le voyageur, lui donne bien sûr obligation de le visiter dans tous ses recoins -et nous avec lui- ce qui, au bout d'un moment, ne peut se faire sans qu'il en fasse un peu partie, même dans un rôle latéral -nous pas-. 

Ce que je pourrais dire de plus juste sur ce livre, c'est qu'il est vraiment beau. Tant par le fond que par la forme. Beau et intelligent. Une visite d'un pays imaginaire qui nous amène à envisager des possibilités, des images, des vies autres. Le plus passionnant étant que l'analyse et l'imagination de J. Abeille se portent tout particulièrement sur les liens sociétaux et les préoccupations intellectuelles de ce monde étrange.

Ce roman fait partie d'un «Cycle des contrées» dont la première publication remonte à 1982 et qui est constitué de 9 gros livres. Mais celui-ci est une histoire intégrale en lui-même et n'oblige pas à lire la suite. Ne nions pas que si on n'y est pas obligé, on en est néanmoins tenté. Ne serait-de que pour retrouver la belle écriture de J. Abeille dont je vous donne tout de suite un aperçu:

«Je m'assis en dehors du cercle du bûcher, aussi près que possible du gouffre, et me mis à filtrer le temps. Que faire d'autre, une fois encore, sinon remettre au creuset la masse du passé pour l'exposer de nouveau au feu de l'imagination. Un à un, au fil de la songerie, glissaient les souvenirs comme des perles à l'orient incertain. Leur succession restait énigmatique, d'une raison qui n'était pas en moi assis immobile au rebord du monde. Et j'avais beau ressasser cette mixture d'émotions, je ne trouvais plus le moindre projet au fond de mon crible.» (447)


Le Cycle des Contrées :

     • Les Jardins statuaires

    • Le Veilleur du Jour

    • La clef des ambres 

    • Un homme plein de misère : Les Barbaries + La Barbarie

    • Les Voyages du Fils

    • Chroniques scandaleuses de Terrèbre, signées Léo Barthe

    • La Grande Danse de la réconciliation, dessins de Gérard Puel

    • Les Mers perdues, dessins de François Schuiten

    • La Vie de l'explorateur perdu 

      


Citations :

Retour

" Je n'ai jamais aimé à revenir sur mes pas, encore moins renouer avec ceux de qui je me suis une fois séparé. Lorsque le charme est tombé, on ne peut trouver que déconvenue dans ces retours incertains. »


Vérité

"J'ai déjà laissé entendre que rien de ce que l'on peut dire n'est tout à fait juste, soupira finalement le plus vieux, mais on peut toujours essayer d'approcher."


Alcool

"Oui, ça vous étonne, je ne bois plus. Ça aussi, ça a fini par cesser, à force de vous voir vivre ici. Et c'est pénible. Ce n'est pas vraiment l'alcool qui me manque, ce qui me manque c'est le sillon dans lequel j'étais jusqu'à maintenant. J'ai peine à supporter cette exaltation qui me prend, cette sorte d'espoir qui s'est mis à survoler l'ennui de vivre. Et je ne peux pas plus me remettre à boire que je ne pouvais m'en empêcher il y a seulement quelques jours. Ça s'est arrêté brusquement quand j'ai installé votre bureau. »


Ecriture 

"Les mots étaient là, s'appelant les uns les autres, glissant à pleines phrases dans un espace mental d'une absolue vacuité. Cela dépendait si peu de moi que je comptais me soumettre sans délai à cette pure dictée. »

« Je voulus me mettre à la tâche et ne parvins à rien. L'ordre de mes idées, quelque soin que j'en prisse, ne cessait de se défaire. Les mots se retiraient, aucun souvenir ne consentait à me guider la main. Et je finis par douter tout de bon, devant tant de difficultés, du bien-fondé de mon projet."




05 janvier 2022

La guerre des mondes

de H. G. Wells

*****

Passionnant ! 

Et comme ce roman a bien vieilli ! Sauf si vous êtes allergique à l'écriture classique vous allez passer un excellent moment avec cette "Guerre des Mondes" que tout le monde croit connaître, mais que peu ont vraiment lu. Eh bien, vous avez tort. Même si vous pensez connaître l'histoire (c'était mon cas) , cela vaut vraiment la peine d'être lu, et, comme le souligne J. Altairac dans son ouvrage "Il semble bien qu'avant Wells, il n’existe qu'un seul texte décrivant l'invasion de la terre par des extraterrestres . (...) Et revoilà Wells dans le rôle de créateur de thèmes de science-fiction. L'invasion extraterrestre va devenir, comme le voyage dans le temps, un des motifs les plus exploités du genre."

Et à propos, pourquoi "Martiens" et non "Marsiens", puisqu'ils viennent de Mars ? Eh bien, je vous le dirai vers la fin de ce commentaire, vous aurez au moins appris quelque chose.

Revenons à notre histoire. Nous sommes à Londres et sa proche banlieue, à la toute fin du 19ème siècle. Les Martiens, donc, débarquent près de Londres, dans des fusées (pas de soucoupe) qui atterrissent au rythme de une par jour. Les Anglais, déjà amplement persuadés de leur supériorité sur le reste du monde, ne doutent pas non plus beaucoup de l'élargir à cette nouvelle engeance. Pour l'instant, on observe, sans que cela déclenche un grand émoi dans la capitale toute proche et en répétant abondamment que la gravité bien plus forte sur Terre que sur Mars, les condamnera à une pénible et lente reptation...

 Et ce n'est pas faux, sauf que les Martiens n'ont jamais eu l'intention de se déplacer sur Terre, ils ont des machines, pour s'occuper de cela. Machines qui correspondent bien à ce qui est dessiné sur la couverture de l'édition Folio montrée ici. Après un temps de récupération, les machines se mettent en marche pour vaquer à leurs affaires. Les Terriens s'interposent, les Martiens les écrasent. On envoie l'armée, les canons, de plus en plus gros, d’autant que c'est vers Londres qu'ils vont. Il n'y a même pas vraiment de bataille, les envahisseurs s'en débarrassent comme nous nous débarrasserions  d'insectes envahissants... et poursuivent sans y prêter plus d'attention. Les populations fuient dans la plus grande pagaille. Le pays tout entier cesse bien vite de fonctionner. Pour tout arranger, on ne tarde pas à s'apercevoir que les Martiens se nourrissent du sang des humains, et les fusées continuent d'arriver : une par jour...

Le récit nous en est fait par un narrateur (ressemblant énormément à Wells lui-même) qui se trouvait non loin du lieu de la chute de la première fusée et qui, d'une curiosité insatiable, tient beaucoup à observer tout ce qui se passe. A un moment, son récit est complété par celui de son frère qui se trouvait à Londres même.

Par ailleurs, "Il est à mon avis absolument admissible que les Martiens puissent descendre d'êtres assez semblables à nous"... mais qui seraient beaucoup plus avancés dans l'évolution et auraient atteint un niveau qui nous réduit en comparaison, au rang d'animaux. A ce propos, Wells esquisse une prise de conscience de la réalité animale et de la nécessité qu'il y aurait à respecter en eux l'être vivant, au stade d'évolution où il est, même s'il est bien inférieur au nôtre. C'est assez avancé pour l'époque. "A coup sur, si nous ne retenons rien d'autre de cette guerre, elle nous aura cependant appris la pitié, la pitié pour ces âmes dépourvues de raison qui subissent notre domination."

En cours de route, nous verrons exposée par un autre personnage, une philosophie élitiste, eugéniste et dictatoriale dont on voit à son développement que, sur ces bases qui peuvent paraître défendables, ne peut s'installer qu'une épouvantable dictature stérile. Par ailleurs, un développement nous fera la surprise de rejoindre une idée développée dans "La machine à explorer le temps", nous aidant à mieux la comprendre.

Et alors, les Martiens ont-il gagné ? Eh bien, regardez autour de vous, vous aurez la réponse. Mais alors comment ??? Pour le savoir, il vous faudra le lire. N'hésitez pas.

En fin de roman, le narrateur tire la morale de la terrible leçon que les Terriens viennent de recevoir, elle tient en deux règles :

Ne pas se prendre pour les rois de l'univers, quelque chose d'inconnu peut tomber du ciel à tout instant et nous anéantir.

Inversement, puisqu’ils peuvent venir chez nos, nous pourrons aussi bientôt aller sur d'autres planètes et il faut y réfléchir.

J'adore Wells.

Néanmoins, je ne peux résister à vous présenter la terrible cuisine anglaise (surtout à l'époque) "Nous réparâmes nos forces en absorbant le contenu d'une boite de tête de veau à la tortue et une bouteille de vin." Ça fait envie.

Hum, et donc, nos marTiens... Le nom de la planète Mars vient du latin (Mars, Martem, Martis, Marti, Marte). L'adjectif martial par exemple a la même racine. Il semble que les deux écritures (martien et marsien) aient coexisté un moment en français. Mais c'est "martien" qui s'est imposé.


978-2070308552 



26 décembre 2021

 Les enfants d'Icare

d' Arthur C. Clarke

*****


Science fiction

 Publié en 1953.

Encore un de ces romans situés par l'auteur dans le futur et qui est devenu du passé pour nous. J'aime bien, cela nous permet de faire notre malin et de distribuer bons points et corrections avec la plus parfaite assurance. Sentiment confortable. Publié en 1954, la période ici visée débute un peu après 1975 et dure, à la louche, 2 siècles ou un peu moins.

Dans cette fin des année 1970 donc, de gigantesques vaisseaux spatiaux ont pris position au dessus des capitales du monde. Elles renferment des extraterrestres que personne n'a vus et qui règnent sur le monde en n'imposant qu'une seule loi: interdiction de la guerre et d'infliger des souffrances inutiles, y compris aux animaux. Ils n'ont pas eu besoin eux-même de violence pour s'imposer, leur supériorité tant matérielle qu'intellectuelle, étant infiniment trop écrasante pour que des humains puissent espérer quoi que ce soit d'une tentative de rébellion. A contrario, ils ont soit négligé ceux qui s'y risquaient quand même, soit ont réduit leurs efforts à néant, sans jamais se livrer à la moindre mesure de rétorsion. (Très décourageant pour des résistants). En clair, ils sont tout puissants et bienveillants.

  Les extraterrestres, que les humains ont choisi d'appeler «les Suzerains» puisqu'ils ont tout pouvoir, laissent les humains vivre à leur guise dès lors qu'ils respectent la règle énoncée ci-dessus, mais cette seule modification du comportement humain, va peu à peu transformer la terre en une sorte de paradis où finalement, l'homme est plus heureux qu'il n'a jamais su l'être quand il allait à sa guise et alors que les humains étaient sur le point de détruire leur propre planète (guerre, surexploitation, pollution...) lorsque les Suzerains sont apparus. Cette fois, on a bien l'impression d'être dans «le meilleur des mondes»...

Mais finalement, il reste quelque chose que les humains sont incapables de maîtriser, même en faisant des efforts: leur curiosité. Les Suzerains n'ont jamais été vus par quiconque, ils refusent de se montrer. Pourquoi? Que cachent-ils. L'humain est un être qui ne peut accepter cette zone d'ombre.

Je ne vous en raconte pas plus. Vous voyez déjà que le point de départ est captivant, que la trame se tient, c'est "épais", il y a du matériau pour mener des extrapolations assez riches et je peux vous dire que le lecteur n'est pas déçu. La chose qui m'a frappée dans ce roman (à part le fait que l'idée était excellente), c'est le rythme. On n'est pas dans le récit speedé que l'on trouve le plus souvent aujourd'hui. Ce n'est pas lent non plus, mais c'est "posé". Clarke prend le temps de raconter son histoire, de préciser les divers arrière-plans et d'envisager des péripéties. Il écrit dans le confortable. Il prend son temps pour que son histoire, ample et riche, soit bien traitée et exploitée. J'ai aimé cette façon de faire. On attend parfois un moment (comme pour savoir à quoi ressemblent les Suzerains), mais on est jamais déçu, comme je vous le disais, le fond est toujours à la hauteur des espérances du lecteur. J'ai apprécié la précision du monde utopique auquel Clarke donne vie. Il ne lésine pas sur les détails, mais bon, ce n'est pas gênant. Il n'hésite pas non plus à évoquer de grands problèmes comme la création artistique, la sociologie, la philo ou la psychologie. Et tout est intelligent et intéressant, tandis qu'un coin de notre cerveau continue à se demander où vont nous conduire les Suzerains...

Un excellent travail de Science fiction donc, que je vous conseille très vivement.  

Et encore une fois le titre français me plonge dans un abîme de perplexité, le titre original "Childhood's end" étant moins étonnant (pour ne pas dire incongru).


PS: Ce qui est amusant, rétrospectivement, c'est que tous les auteurs de SF de cette époque étaient persuadés qu'à la nôtre (d'époque) l'homme serait allé sur la lune, Mars, Vénus au moins, et peut-être encore d'autres planètes. Aucun n'avait envisagé que nous nous serions détournés de l'exploration spatiale. Amusant, non?


978-2811209452 

03 décembre 2021

 

Le Club des policiers yiddish 

  de Michael Chabon

***+


 Tout d'abord, il faut préciser que ce roman policier est une uchronie (ce qui lui a valu le Prix Hugo qui couronne des ouvrages de science fiction). Cependant, il y a gros à parier que les amateurs de science-fiction n'y trouveront pas leur compte car l'imagination uchronique se limite à situer l'action dans un monde tel qu'il aurait pu être si le le projet Ickes pour l'Alaska (1939) avait été mené à terme. Il consistait à attribuer aux Juifs fuyant l'Europe une terre d'asile provisoire dans un bout de l'Alaska. Le monde en question n'est guère différent de ce que furent les grosses villes américaines pleines de gangsters, sauf qu'ici, les gangster sont tous juifs pratiquants voire orthodoxes, comme la majorité de la population, partageant le territoire avec des Indiens autochtones peu nombreux. La cohabitation des deux peuples n'a pas toujours été tendre, mais on est arrivé à une espèce de statu quo. Ces gens sont les descendants directs des rescapés des camps.

"Le père de Landsman, de retour de fraîche date d'une tournée des camps de la mort et de déportation européens, venait d'arriver seul à Sitka à bord du Williwaw. Il avait vingt cinq ans, il était chauve et presque édenté. Il mesurait un mètre quatre-vingt-deux pour soixante trois kilos, Il dégageait une drôle d'odeur, tenait des propos bizarres et avait survécu à toute sa famille."

De plus, on arrive au terme du mandat que les Juifs avaient sur ce territoire : il va leur falloir partir ! Tout le monde est très tendu. L'ambiance est bien rendue.

"Noceurs et touristes ont cédé le pas à une population de personnages interlopes et d'immigrés russes, une poignée de Juifs ultra-orthodoxes et une bande de semi-professionnels bohèmes, amoureux de l'ambiance de fête gâchée traînant dans le voisinage, telle une guirlande de Noël accrochée à la branche d'un arbre dénudé."

 On a donc plutôt affaire à un roman policier. L'inspecteur Landsman, divorce malheureux et alcoolique (que c'est original !) vit dans un hôtel particulièrement minable où un junkie vient d'être abattu. Ce n'est pas une affaire bien passionnante, mais comme cela a eu lieu pratiquement "chez lui", il se sent vexé et décide d'essayer d'élucider l'affaire qui, d'allure quelconque au départ, se révèle de plus en plus grosse et compliquée au fil des recherches...

 Alors, c'est un gros livre (presque 500 pages), qui, je l'ai dit ne plaira sans doute pas aux amateurs de science-fiction, et, je le précise maintenant, sans doute pas davantage aux amateurs de romans policiers car il est vraiment peu lisible. Le gros problème est un problème de clarté. D'abord, il y a le vocabulaire. Énormément de termes yiddish, au point qu'un glossaire a été ajouté en fin d'ouvrage. Cela part d'une bonne intention, mais cela ne suffit pas. Déjà, beaucoup de termes n'y sont pas et puis, s’interrompre toutes les dix lignes pour aller chercher à la fin de l'ouvrage ce qu'on peut bien être en train d'essayer de vous raconter, franchement, ça n'aide pas à maintenir le fil de l'histoire. Fil de l'histoire qui est déjà, bien compliqué, tordu et emmêlé, le lecteur a du mal à s'y retrouver. Les passages abrupts d'un moment ou d'un lieu à un autre n'arrangent rien non plus. Il y a aussi des personnages que j'ai mal identifiés, ou confondus... Bef, je me suis plusieurs fois retrouvée à me demander ce que je pouvais bien être en train de lire... Pourtant, je ne sais pas trop pourquoi, pur entêtement ou peut-être quand même une belle écriture par moments ou un personnage sympa comme son adjoint Berko, géant mi-juif, mi-indien, qui sera d'ailleurs pas mal oublié et évacué n'importe comment à la fin du roman. Fin qui ne sera d'ailleurs pas plus claire que ne l'ont été toutes les pages précédentes. 

"Je pensais que je travaillais pour tout le monde. Tu sais, le service public, le respect de la loi. Mais, non, en réalité je travaillais pour Cashdollar."

 En conclusion, je me demande bien comment ce roman abscons a pu avoir des prix. Encore un grand mystère de l'entre-soi éditorial, je suppose. Clairement, ça ne valait pas le temps que j'y ai passé. J'ai cependant décidé d'essayer de lire un autre roman de Michael Chabon parce qu'il y a tout de même "quelque chose", mais cette fois, j'ai décidé d'avance de ne pas insister s'il recommence dans le même style hermétique puisque je sais maintenant que "le moment où ça s'arrange et où le livre s'éclaire" n'arrive jamais. Je vous tiens au courant.

 


978-2264050441

08 novembre 2021

 Klara et le Soleil 

de Kazuo Ishiguro

****+


Extrait de la quatrième de couverture :

"Klara est une AA, une Amie Artificielle, un robot de pointe ultra performant créé spécialement pour tenir compagnie aux enfants et aux adolescents. Klara est dotée d'un extraordinaire talent d'observation, et derrière la vitrine du magasin où elle se trouve, elle profite des rayons bienfaisants du Soleil et étudie le comportement des passants, ceux qui s'attardent pour jeter un coup d’œil depuis la rue ou qui poursuivent leur chemin sans s'arrêter. Elle nourrit l'espoir qu'un jour quelqu'un entre et vienne la choisir."

 Moi qui lis tous les romans d'Ishiguro, je ne me sentais pas très attirée par celui-ci car je pensais qu'il allait porter sur ce qui fait (ou ne fait pas) mentalement la différence entre un humain et un robot et je craignais que les réponses qui seraient proposées n'aillent pas dans le sens que je vois, moi. Je ne sais pas pourquoi je craignais cela. Une lubie, sans doute. Quoi qu'il en soit, ce problème n'est pas évoqué dans ce roman.

Vous l'avez compris, on est à une époque où les AA sont courants et couramment utilisés. Ils servent en particulier d'ami personnels aux enfants. Ils les accompagnent partout, les aident, les protègent veillent sur eux et surtout, les empêchent d'éprouver la solitude. Avec cette histoire, on est dans une sorte de réalisme fantastique, entre la science-fiction et la poésie. Klara, le robot, a développé un mode de pensée qui lui est propre. Comme ses systèmes sont particulièrement sensibles, ce mode de pensée est un peu plus élaboré et compliqué que celui des autres AA, mais sans que cela fasse d'elle un être vraiment exceptionnel. Et comme toute sa vigueur vient de l'énergie solaire, elle a tendance à voir dans le soleil un dieu qui régirait le monde. Nous voyons ainsi comment une intelligence artificielle développe ses raisonnements à partir des données dont elle dispose. Comme tout le récit passe par ses yeux, c'est sur la base de ce système de croyances que nous allons évoluer, jauger les situations et réagir en conséquence.

C'est un roman de formation qui se situe dans un monde pas si éloigné du nôtre, avec ces "oblongs", ses villes et sa pollution. Ce qui est différent, c'est qu'à l’adolescence, certains jeunes sont "relevés" et d'autres non. Selon quels critères? on cherche à le deviner. J'ai cru un moment que c'était un choix des parents mais cette supposition n'est jamais vraiment confirmée, ou en tout cas, ce n'est pas la seule et il semble finalement que cela tienne à leur niveau social, leur richesse, ce qui serait proche de ce qui se passe réellement dans notre monde actuel. Toujours est-il que les adolescents "relevés" feront des études qui leur ouvriront un bel avenir et que les autres, non. Josie, la jeune-fille dont Klara devient l'AA, est relevée, mais Rick, son ami d'enfance et de cœur, ne l'est pas. Quel sera leur avenir ? Malheureusement, cette "intervention", "l'édition génétique", qui ouvre un avenir supérieur n'est pas sans risques et certains adolescents ne la supportent pas. Josie, dont la sœur est morte au même âge, est maintenant malade et ses jours sont en danger. Nous verrons Josie, Rick et leurs entourages à ce moment clé de leurs existences et les changements que cela entraînera.

C'est un beau roman, profond et sage, sans mièvrerie mais pas sans sentiments. Selon son habitude, Kazuo Ishiguro a su saisir une société, une problématique humaine et des personnages au cœur pur pour nous faire atteindre à une vérité par le biais d'une fiction poétique. A la fin du livre, pour tous, une page est tournée.


Kathel l'a lu aussi 


 978-2072909207 

29 juin 2021

 Breakfast of Champions

Kurt Vonnegut

****+

Imbroglio d'auteurs de SF

Un livre avec des dessins. J'adore ! Qui a dit que c'était les seuls à mon niveau ? En tout cas, en l’occurrence, il n'y aurait pas de quoi rougir, car il vaut mieux avoir l'esprit plutôt ouvert et délié pour comprendre le maximum de tout ce qu'il y a dans ce roman foisonnant et aux multiples niveaux. Quant aux dessins, pour en revenir à eux, ils sont de l'auteur lui-même qui aimait bien utiliser ses dons graphiques. 

Tout au long de ce récit, le narrateur tient à expliquer les choses dans le détail même pour ce que tout le monde connaît (comme le principe de l’arme à feu, par exemple) et les dessins y aident. On en vient à imaginer un prof extraterrestre expliquant le monde terrien à de jeunes E.T. Il faudra attendre la fin du roman pour s'assurer qu'il n'en est rien et ne donc, plus bien saisir le sens de cette façon de faire. Du moins, en ce qui me concerne.

Le narrateur est un écrivain de la cinquantaine du nom de Philboyd Studge. Ecrivain médiocre, « Mon ami Knox Burger me disait l'autre jour d'un roman qu'il paraissait aussi indigeste que s'il avait été écrit par Philboyd Studge ». Il a lui même créé l'écrivain médiocre Kilgore Trout, qu'on avait déjà croisé dans « Abattoir 5 » et que l'on retrouvera encore dans « Timequake » et « Galapagos » (mais dans ces trois cas, ce sera Vonnegut qui le créera). Ce personnage est donc quelqu'un d' important dans l’œuvre de Vonnegut. On a beaucoup dit qu'il représentait Theodore Sturgeon* (trout truite, sturgeon esturgeon) mais il serait bien léger de ne pas voir tout ce qu'il y a aussi de Vonnegut en lui.

 Ce Trout est un écrivain de SF qui a beaucoup été publié, mais peu lu. Il réussit ce paradoxe en étant édité par une maison de livres pornographiques qui n'utilisent ses œuvres que pour mettre un peu de texte entre les photos... Trout s'y est résigné mais cet arrangement ne lui vaut qu'un maigre salaire qui lui permet à peine de vivre. Aussi est-il très surpris quand il reçoit une invitation à être le conférencier d'honneur d'une réunion artistique, ayant été présenté comme « le plus grand auteur américain » par le milliardaire local, sponsor de l'évènement, totalement inculte et qui a fait glisser son enthousiasme des photos vers les textes. On appelle cela une sublimation, il me semble.

L'évocation des œuvres de Trout rappelle au lecteur la richesse de l'imagination débridée de l'âge d'or de la SF. C'est à peine exagéré et on se régale. Ce temps-là me manque, les auteurs savaient ce qu'inventer veut dire et ne reculaient devant rien. On rencontre aussi quelques idées que K. Vonnegut a lui-même utilisées dans d'autres romans. Bref, notre Kilgore Trout se rend donc sur place, mais en stop, ses moyens ne lui permettant rien d'autre, et il y va bien décidé, une fois au micro, non pas à caresser l'auditoire dans le sens du poil, mais à leur crier toute la misère dans laquelle les écrivains se débattent. Et a la leur montrer aussi, en se présentant, maigre, crotté (au sens propre d'ailleurs, suite à une pénible péripétie du voyage) et dans une tenue aussi minable que ridicule. Le périple donnera lieu à des rencontres pas banales qui nous seront racontées.

La ville où il se rend est celle de Dwayne Hoover, vendeur de voitures  « fabuleusement rupin » pour sa part. Rupin mais obèse, multidivorcé et surtout, en train de perdre la raison sans que personne ne s'en rende compte. Nous allons le suivre pendant plusieurs jours, connaître qui il rencontre ou côtoie, et constater l’aggravation de son comportement erratique.

Contrairement à ce que dit ma quatrième de couverture (il y a eu plusieurs éditions), la rencontre ne se fait qu'à la fin du livre, mais elle sera explosive.

Le style (celui de Philboyd Studge, donc, réputé ennuyeux) se veut assez objectif, ne répugne pas aux explications détaillées, aux listes et aux caractéristiques techniques (incluant la taille du pénis), et étonne constamment le lecteur. La couleur de peau est toujours annoncée. Peut-on mieux dire que chaque couleur implique une position ? 

Kurt Vonnegut aborde comme toujours les sujets qui lui tiennent à cœur. Ici, la pollution et l'écologie, le racisme, la religion (nous aurons plusieurs mythe originaux de la création), la création littéraire, l'art**. Il expose dans ses romans, et celui-ci particulièrement, une version simplifiée de sa vision du monde. C'est une vision désabusée qu'il présente sans concession mais en choisissant le ton de l'humour, cette « politesse du désespoir ». 

« Il se trouvait sur cette planète abimée tout un lot de « Communistes ». Ceux-ci avaient une théorie selon laquelle tout ce qui pouvait rester de la planète devait être partagé plus ou moins également entre tous ceux qui n'avaient jamais demandé, après tout, à vivre sur une planète perdue. Et, pendant ce temps, les bébés ne cessaient pas d'arriver, vagissant et gigotant, et poussant des cris pour avoir du lait.

En certains endroits, on voyait des gens essayer de manger de la boue ou de sucer des cailloux, tandis qu'à quelques pas des bébés étaient en train de naître.

Et ainsi de suite.

Le pays de Dwayne Hoover et de Kilgore Trout, où l'on ne manquait encore de rien, était opposé au communisme. On y estimait que les Terriens bien nantis ne devaient pas être contraints de partager avec d'autres, à moins qu'ils n'en aient envie, et la plupart n'en avaient pas la moindre envie.

Ainsi, personne ne les y obligeait.

Tout le monde, apparemment, en Amérique, agrippait tout ce qu'il pouvait et s'y cramponnait. Certains Américains étaient réellement très forts à ce jeu du prends-tout-et-cramponne-toi. Si bien qu'ils se trouvaient fabuleusement rupins. Et d'autres ne parvenaient même pas à mettre la main sur le minimum vital. »

Un roman riche et qui suscite ma sympathie.


* En clin d’œil, Philip José Farmer quant à lui a publié « (Le Privé du cosmos » sous le pseudo de K. Trout

** A noter à ce propos la présence dans ces pages de Rabo Karabekian, le peintre de « Barbe bleue ». C'est un peintre abstrait à succès et il fait dans un bar, face à des gens qui l'accusent d'être un fumiste,  une déclaration de foi sur l'art moderne qui bouleverse le narrateur. 

978-2290006603

16 mai 2021

La séparation 

de Christopher Priest 

***+

SF

L'histoire débute ainsi : L'attention de l'historien et auteur à succès Stuart Gratton, spécialisé dans la seconde guerre mondiale, est attirée par l'évocation dans un texte de Churchill, d'un pilote de bombardier du nom de Sawyer, qui serait objecteur de conscience. La chose lui semble impossible et il entreprend de fouiller un peu cette piste pour en savoir plus sur ce Sawyer. Autant dire qu'en vous révélant d'entrée de jeu qu'il y a deux jumeaux Sawyer, la quatrième de couverture détruit tout de suite ce premier élément de surprise voulu par l'auteur.

Les recherches de l'historien se révèlent fructueuses puisqu'elles lui font découvrir que les frères Sawyer ont été médaillés olympiques britanniques aux jeux de 1936. Ils ont à cette occasion rencontré Rudolf Hess dont il va être beaucoup question tout au long du récit. En effet, dans la nuit du 10 au 11 mai, "décolle seul, secrètement, pour l'Écosse aux commandes d'un avion Messerschmitt, soi-disant sans en informer Hitler, afin de proposer un traité de paix séparée avec le Royaume-Uni, peu avant l’attaque-surprise allemande contre l’Union soviétique, violant le pacte de non-agression. En Allemagne, son départ imprévu est publiquement assimilé à une désertion. À son arrivée, en Écosse, sa démarche n'est pas prise au sérieux ; il est arrêté et maintenu en détention jusqu'à la fin de la guerre, puis il est transféré à Nuremberg pour y être jugé avec les principaux responsables nazis : reconnu coupable de complot et de crime contre la paix, il est condamné à la prison à vie" (Wikipedia). Cela, c'est la réalité, mais « La séparation » va imaginer les trois principales possibilités : Hess n'arrive pas en Angleterre car son avion est abattu, il y arrive mais n'est pas cru, il y arrive réellement mandaté et la guerre cesse sur le front ouest en 1941 au détriment des Russes. Cela offrait bien évidemment un sacré terrain de jeu à l'imagination. Je pense qu'il n'était pas du tout nécessaire de le compliquer, je dirais même de l'encombrer autant que l'auteur l'a fait. Pas un personnage principal mais deux, qui se ressemblent au point que ni les autres personnages, ni le lecteur ne les distingue. Les jumeaux ont même nom, mêmes initiales. Les chapitres sautent de l'un a l'autre sans qu'on le sache tout de suite. Quand on y ajoute des hallucinations... on peut dire que cela est compliqué au point d'en devenir franchement obscur. D'ailleurs, au bout du compte, je n'ai pas réussi à bien démêler l'étrange implication de l'historien (relevez son nom) dans tout cela...

Donné pour une uchronie, ce roman n'en est en fait pas vraiment une. Je ne veux pas livrer la chute mais ceux qui le liront le constateront. « La séparation » a reçu plusieurs prix, ce qui me met en porte-à-faux avec mes réserves sur ce roman d'un auteur que j'apprécie pourtant beaucoup habituellement.  C'est vrai qu'il a su avec maîtrise mener les grandes scènes et que je pense que c'était difficile à faire. On ne peut qu'admirer l'art de l'auteur confirmé (et doué), mais si j'ai lu sans peine les 450 et quelques pages de ce roman, je ne me suis cependant jamais laissée vraiment emporter par ce récit trop trompeur pour qu'on s'y fie. 

978-2070356980



11 mai 2021

  

Dune - I et II 

de Frank Herbert

*****

SF

Ce roman est le premier du Cycle de Dune. Édité en un tome aux États Unis (1ère publication 1965), il a toujours été publié en français en 2, voire 3 volumes compte tenu de son épaisseur. Nous appellerons ici "Dune" la totalité de ce 1er tome original, quelle que soit la version de sa lecture.

"Dune" est un des chefs-d'œuvre de la littérature de science fiction des années 60. Il est en particulier marqué par l'ampleur de la vision et du monde imaginé et l'ambition des thèmes traités:

Nous sommes dans un empire planétaire dirigé par un empereur qui règne sur les Grandes Maisons dans un monde soumis par le besoin d'une denrée (l'Épice) que l'on ne trouve que sur la planète désertique, et aux conditions de vie plus que difficiles d'Arrakis, aussi appelée "Dune". La Maison des Atréides succède à celle des Harkonnens à la tête de ce fief. Les deux familles sont ennemies mortelles. Les Atréides incarnent l'honneur et les qualités de courage et de cœur, alors que les Harkonnens sont d'une cruauté, d'une lubricité et d'une cupidité sans limites. Mais les deux sont passées maîtresses dans l'art de la politique, de la stratégie et de la trahison. Machiavel est un débutant à côté de ces comtes, empereurs et barons.

L'action commence au moment de la passation de pouvoir. Les Atréides arrivent sur Arrakis et le comte sait bien que tout y est piégé pour lui et que l'Empereur aidera en sous-main le baron Harkonnen à lui nuire, mais il compte tout de même essayer de tirer parti des richesses de la planète. Il est accompagné de sa concubine, Dame Jessica, et de son fils: Paul Atréides, 15 ans. Dame Jessica est une Bene Gesserit, c'est à dire qu'elle appartient à un ordre totalement féminin qui a su s'organiser un grand pouvoir qu'elle consacre à sélectionner les hérédités en vue de la, naissance d'un «Kwisatz Haderach»: être mâle hors du commun, doté de pouvoirs intellectuels presque illimités. Les Bene Gesserit incarnent le pouvoir mental de la société.

Ce monde compte aussi une Guilde des transporteur dont le pouvoir est immense car il a la main-mise sur tout le transport interstellaire, et la CHOM (Combinat des Honnêtes Ober Marchands) qui représente les intérêts commerciaux qui sont comme on le sait, toujours primordiaux. Ah, encore une chose! Suite à une catastrophe antérieure, ce monde refuse toute technologie robotique.

Ce qui est clair, c'est que Frank Herbert ne prend pas ses lecteurs pour des imbéciles et ne les soupçonne jamais de n'avoir aucune envie de réfléchir. Son monde est un monde intelligent, tout comme le sont tous ses personnages. Les motivations sont fines et complexes, les projets minutieux et retors, comme les sont les ressorts de l'intrigue. Les pouvoirs extraordinaires que Paul Atréides développe progressivement ne servent jamais de panacée face à une situation inextricable. Ils sont des outils utilisés intelligemment en soutien à l'action menée.

"Dune" s'offre à plusieurs niveaux de lecture. Il sera dévoré par les plus jeunes comme un superbe et haletant roman d'aventure et même de formation puisqu'il accompagne Paul de ses 15 ans dominés par ses parents à sa totale émancipation (pour le moins). Les aînés choisiront peut-être d'y lire entre les lignes. L'Épice leur fera penser au pétrole et autres richesses fossiles d'autant que les modes de vie des Fremen évoquent fatalement les Touareg et autres peuples de pays dotés de richesses minérales. Les Bene Gesserit évoquent un mélange de religion et d'intellectualisme pour lequel on établira facilement des parallèles avec des éléments connus de nos sociétés. Quant aux contre-pouvoirs du transport et du commerce... il n'y a même pas à chercher. Grande force positive de ce roman: l'importance primordiale donnée à l'éducation. L'éducation est la clé de tout, sans elle, même les héros ne seraient rien.

Un livre que tout adolescent devrait lire et qu'on devrait tous relire plus tard, au moins une fois, mais sans doute plus, à différents stades.


Cycle de Dune:

- Dune

- Le Messie de Dune

- Les Enfants de Dune

- L’Empereur-Dieu de Dune

- Les Hérétiques de Dune

- La Maison des mères


978-2221252055


23 avril 2021

 Le monde inverti 

de Christopher Priest 

*****


SF

Titre original : Inverted World

 Prix British Science Fiction du meilleur roman 1975.

 C'est pour ce roman, publié en 1974 et qui fut son deuxième, que Christopher Priest est principalement connu. Totalement différent du précédent (« Le rat blanc » ou « Notre île sombre »), le style de ce monde inverti fait penser à Asimov. C'est dire que c'est à la fois, très bien fait, original, basé sur des explications pseudo-scientifiques, et un peu démodé, mais pas trop, ça se lit encore tout à fait bien, comme Asimov d'ailleurs.

Nous allons suivre notre personnage principal Helward Mann de son entrée dans l'âge adulte à son âge mûr et découvrir le très étrange monde dans lequel il vit. Ce monde, considéré comme une cité indépendante, avec son gouvernement élu, est totalement clos, sans vue sur l'extérieur, et Helward  est sur le point de découvrir cet extérieur grâce à sa nouvelle fonction qui exige qu'il y accède. Il va découvrir que cette cité est beaucoup moins grande qu'il ne l'avait supposé, beaucoup plus vulnérable aussi, et qu'elle se déplace sur des rails pour se maintenir proche d'un point appelé Optimum et qui lui même se déplace. Tout autour ce sont des zones semi-désertiques cependant peuplées de quelques indigènes faméliques. Nous allons découvrir peu à peu les particularité physiques très étranges de ce monde où ni l'espace ni le temps ne se manifestent comme nous y sommes habitués. La fin nous donnera plus d'explications.

Ce roman captive son lecteur en lui donnant à découvrir progressivement un monde tellement étrange mais cohérent, ayant ses lois physiques naturelles, mais différentes des nôtres ; avec son organisation sociale aussi, également différente. On dévore le livre poussé par la curiosité et le désir d'en savoir plus, de comprendre comment cela marche et également de voir comment tout cela se terminera car il est visible que la cité ne pourra pas avancer ainsi éternellement et même que l'on n'est pas loin de ses limites. Mais pas loin... entendons nous, le temps lui aussi ne se déroule pas là-bas comme ici. Vous verrez.

 Si vous vous intéressez un peu à la Science-fiction, ce Monde inverti est un indispensable qui, pour son originalité, sa complexité et sa maîtrise n'est pas prêt d'être détrôné.

978-2070421497 

20 avril 2021

 Notre île sombre 

ou

Le rat blanc 

de Christopher Priest 

****+

Titre original : Fugue for a darkening island

 Paru en 1972 et traduit d'abord en français sous le titre Le rat blanc, le roman a été salué au départ comme particulièrement antiraciste puis, au 21ème siècle, comme raciste. Il me semble que cette dernière accusation tienne pour beaucoup au fait que le mot « nègre » y était couramment employé, mais c'est oublier qu'à l'époque il était couramment employé partout et n'avait pas de connotation spécialement raciste, du moins le "negro" anglais. Par exemple, on parlait sans problème d'"Art nègre". Aujourd'hui le mot est tabou. Compte tenu de ce malentendu, Priest a révisé son roman avant sa dernière réédition et la version française que je viens de lire n'avait rien de raciste. Je pense que ce genre de discussion n'a pas lieu d'être. Il y avait bien les britanniques d'un côté et les envahisseurs africains de l'autre, mais on comprend bien que le problème, c'est l'invasion, pas la couleur de leur peau. Ils auraient été vikings, cela aurait été pareil. On comprend bien aussi le bien fondé des motivations des deux camps. D'ailleurs au départ, le héros fait partie des Britanniques qui voudraient accueillir les immigrés mais la situation est telle qu’ils n'en sont bientôt plus là. Voilà l'histoire :

 Les pays riches ayant sur-exploité les richesses naturelles de l'Afrique au-delà de toute mesure sans s'y investir du tout et en laissant les pires situations sociales, spoliations, guerres, massacres etc. s'y développer aussi bien que la destruction de la nature, les incendies, désertification etc. tant que cela ne gênait pas trop leurs affaires, le continent est devenu totalement non viable au sens strict du terme et les survivants réfugiés n'ont d'autre choix que de s'emparer de n'importe quel navire et de tenter de gagner d'autres parties du monde. Le phénomène est mondial. Ils débarquent n'importe où et en particulier chez les anciens colonisateurs dont ils parlent la langue. C. Priest, d'une façon assez typiquement british ne considère que la Grande Bretagne, négligeant les autres pays traversés avant d'arriver chez eux. Pas de vision mondiale, ni même européenne. Mais bon... Au prix de milliers (ou bien plus) de morts, des réfugiés parviennent à atteindre Londres dans des paquebots pleins, des cales aux ponts, de milliers de personnes dont beaucoup n'ont pas survécu au voyage. Pour les autres, à peine touché terre, ils s'enfuient en tous sens et se répandent dans la ville. Ces débarquements sauvages se poursuivant constamment (les Africains n'ont pas d'autre choix) les «envahisseurs» sont bientôt assez nombreux pour se regrouper et s'organiser d'autant que les businessmen qui ont réduit leur monde en cendres sont tout prêts à leur vendre toutes les armes qu'ils veulent. Les affaires sont les affaires. Nous suivons le personnage principal qui en quelques mois va basculer d'une vie bourgeoise et moralement médiocre de professeur peu inspiré, avec épouse, fille, maîtresses etc. à une existence de desperado dépourvue de tout et prêt à tout. Le roman vous raconte comment.

Le début m'a fait penser à «La guerre des mondes», de H.G. Wells, quand les deux héros se rendent sur les lieux où les deux vaisseaux (maritime et spatial) ont touché terre et observent l'arrivée des intrus. Il y a vraiment un parallèle entre ces deux scènes. Ici, le héros n'a rien de particulièrement sympathique. C'est plutôt un «homme moyen», le sujet c'est plutôt la situation et la façon dont elle survient et se développe. Comme souvent en science fiction, l'auteur a voulu explorer un danger en le poussant à son extrême. C. Priest dit qu'il a voulu faire un roman-catastrophe moderne et il y a parfaitement réussi puisque cette fiction de 1972 a l'air d'avoir été écrite hier. Par contre, peut-être parce qu'il a également des ambitions littéraires, la structure choisie (récit éclaté dans le temps en passages brefs, sans avertissement) rend la compréhension un peu difficile au début. C'est néanmoins passionnant.

Moralité, veillons bien à ce que l'Afrique (ou toute autre partie du monde) soit un continent où il fait bon vivre car, "Il apparut bientôt qu'on ne pouvait échapper nulle part à la chute de l'Afrique."

978-2070469031