22 juin 2021

 

A quand les bonnes nouvelles ?

de Kate Atkinson

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Quatrième de couverture :

« Dans un coin paisible de la campagne du Devon, une petite fille de six ans, Joanna Mason, est le témoin d’un crime épouvantable. Trente ans plus tard, l’homme qui a été condamné pour ce crime sort de prison. A Edimbourg, Reggie, qui a seize ans et qui est bien plus futée que les gamines de son âge, travaille comme nounou chez un médecin, le docteur Hunter. Mais quand celle-ci disparaît, Reggie est la seule personne qui semble s’en apercevoir. En ville, l’inspecteur en chef Louise Monroe est aussi à la recherche d’une personne disparue, David Needler, sans se rendre compte qu’un de ses vieux amis – Jakson Brodie – se précipite vers elle. »

Troisième aventure de notre détective préféré, Jakson Brodie, ce volume nous le montrera marié et même mort (brièvement, ouf!) mais globalement égal à lui-même. Mais le personnage principal sera peut-être tout de même plutôt la jeune Reggie, ou même le docteur Hunter, sans parler de l’inspectrice en chef Louise Monroe. Cette abondance de personnages marquants contribue à la fois à la richesse du roman, et à sa complexité qui, pour le coup, m'a semblée un peu exagérée. Il est parfois un peu difficile de s'y retrouver parmi tous ces personnages dont on peut avoir oublié les noms et qu'on peut en conséquence, avoir un du mal à remettre en scène et le fait que deux affaires du même acabit soient mêlées n'a rien arrangé. En tout cas, c'est un problème que j'ai parfois eu. Soit dû à une trop grande complication, soit à l'insuffisance de mon attention. Le thème central ici est la violence masculine destructrice tournée contre les femmes et les enfants.

En tout cas, les aficionados retrouveront tout ce qui particularise les romans policiers de Kate Atkinson et apprécieront cette nouvelle aventure pleine de femmes résistantes et courageuses et de quelques hommes qui relèvent le niveau de leur genre, sans parler de l'inégalable Jackson.

978-2253126546

20 juin 2021

La mort d'Ivan Ilitch 

de Léon Tolstoï

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Fascinant

« La mort d'Ivan Ilitch » est un livre qui m'a littéralement fascinée. On y dit l'histoire d'un homme, le récit de ce que fut sa vie, jusqu'à ce point qui nous attend tous : la mort. Ce qui est fascinant dans ce roman, c'est qu'au moment où Ilitch, réalise que c'est vraiment de sa mort qu'il s'agit, qu'il y est arrivé, nous pouvons parfaitement saisir ce qu'il éprouve; et nous-mêmes, nous parvenons à entrapercevoir notre propre fin.

La violence de cette découverte pour tout homme, est annoncée dès le début du livre lors de la visite qu'un ami fait à la nouvelle veuve. Comme on lui raconte la dure agonie d'Yvan, un moment, il réalise qu'il serait possible que cela lui arrive aussi. Et bien vite, il chasse cette pensée car il ne pourrait la supporter. Nous en sommes tous là, pauvres humains. A ne pouvoir regarder notre mort en face. Ilitch était ainsi également et en cela, il est notre frère.

Si Tolstoï, sur ses vieux jours est devenu d'une religiosité assez fanatique, par contre, il n'est guère question ici de religion. C'est à la rencontre, d'abord incrédule, puis épouvantée, de l'homme et de sa mort que nous assistons. C'est une rencontre matérielle et qui n'a rien d'abstrait. On n'y parle pas de monde meilleur, ni même d'une autre vie, mais bien de celle-ci, qui s'échappe.

On peut, dans ce récit, être plus sensible au récit de la vie conventionnelle d'Ilitch; moi, ce que j'ai retenu de cet ouvrage, c'est le récit de sa mort, de sa découverte horrifiée de sa propre fin et là, il n'y a plus de convention qui tienne. La vie d'Ivan Ilitch, n'est pas notre vie, mais sa mort, c'est la nôtre, c'est celle de chaque humain. C'est l'humanité qui s'y retrouve.

PS : Quant au "rein flottant", si quelqu'un sait ce que c'est et si même cela existe vraiment qu'il soit assez aimable pour me l'expliquer. (Ah oui, les relations patient-médecin aussi valent la description.)

978-2070394333

16 juin 2021

 L'homme est un dieu en ruine 

de Kate Atkinson

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Le hasard a voulu que je lise ce roman très peu de temps après avoir lu « La séparation » de Christopher Priest et quelle n'a pas été ma surprise de constater plus que des ressemblances ! Le moins qu'on puisse dire c'est que « La séparation » (2003) et « L'homme est un dieu en ruine » (2014) ont des airs de famille, allant jusqu'à des scènes (par exemple la façon dont se constituent les équipages des bombardiers) et des relations de personnages (par exemple flirt avec l'amie de sa sœur pendant la guerre) semblables. Désireuse apparemment de remercier les auteurs sur les travaux desquels elle a appuyé son roman, K. Atkinson le fait suivre d'une liste de « sources » assez conséquente, mais C. Priest n'y apparaît pas.


Ce roman compose un diptyque avec « Une vie après l'autre » qui tournait autour d'Ursula Todd, sœur de Teddy que nous suivons ici, mais les deux sont tout à fait distincts et peuvent se lire tout à fait indépendamment l'un de l'autre. Nous suivons ici la longue vie de Teddy depuis son enfance jusqu'à son décès, rencontrant en chemin et sans ordre chronologique, les personnes dont ils sera proche, ses frère et sœur, sa femme et ses sœurs, sa fille, ses petits enfants etc. 

Une part importante du roman le suit alors qu'il était pilote de bombardier pendant la seconde guerre mondiale et qu'il aurait dû selon toute probabilité ne pas survivre à cet épisode.


 Comme d'habitude, le talent de l'auteur tient à son habileté à saisir les personnages et leur psychologie. Pas beaucoup de jugements mais beaucoup de choses très justes montrées. Il y a aussi le thème des relations familiales et de leur haut pouvoir de destruction ou de réparation, ainsi que le thème plus large de la guerre, de la nécessité tactique de l'abus de la force (écraser impitoyablement l'ennemi pour ne pas lui permettre d'en faire de même de vous) et de la culpabilité qui plus tard, ronge les survivants... Tout est bien mené mais ce n'est pas une lecture simple. Si vous avez aimé « Une vie après l'autre », vous aimerez celui-ci, mais il faut savoir qu'on n'est pas dans la même veine que les romans policiers ou amusants de l'auteur.

9782253071334 

13 juin 2021


Le mendiant 

de Naguib Mahfouz 

****+

Démon de midi et dépression

 Omar al-Hamzâwi, 45 ans, avocat à succès qui rêvait d’être poète, est atteint par la dépression. C’est une petite phrase anodine qui va déclencher l’avalanche. De ces choses que l’on dit sans y penser vraiment, au Caire comme ici, et qui ont la profondeur philosophique (ni plus, ni moins) de nos «On est bien peu de choses…» 

  Peu à peu, tout perd sens pour lui, famille, travail, position sociale et même amitié. Il reste l’amour. Il s’y jette donc avec l’ardeur du désespoir, piétinant à l’occasion son couple, l’amour tendre et dévoué de sa femme, de ses filles, mais «Je ne peux pas faire autrement.» En clair, la peur de la mort le talonne et il cherche à tout prix comment la museler. 

 «Peut-être qu’une lumière jaillira dans ta poitrine à la manière de l’aube qui point pour déloger la peur du néant!» 

 Et le retour d’un ami d’enfance, je ne vous dis pas dans quelles circonstances, le confronte sans grand effet positif à celui qu’il fut à 20 ans. Le soutien compréhensif d’un autre ami de toujours ne saura l’aider. 

  Les choses évolueront ainsi pendant de longs mois, nous faisant vivre les essais qu’il tente pour retrouver un sens à sa vie. Vous savez, ce genre de questions que l’on ne se pose que lorsque l’on n’a plus la réponse. 

  Je soupçonne que ce roman nous offre une fenêtre sur les préoccupations de son auteur à une certaine période de sa vie, (mais qui ne traverse pas ce genre de crise ?) et qu’il s’est aventuré à poursuivre ici les raisonnements et les évènements jusqu’à leur possible conclusion, se donnant à vivre, par procuration, ce qu’il n’a pas vécu lui-même, nous offrant cette même expérience. 

  C’est à ce titre un roman d’une grande qualité puisqu’il nous offre une fenêtre sur un problème humain que beaucoup rencontrent, et, utilisant ses personnages et, les faisant évoluer dans cette situation, il nous révèle diverses possibilités, risques… Il améliore ainsi notre expérience de la vie, notre connaissance de l’humain. Ce qui est la gloire de l’œuvre littéraire. 

  Pour l’écriture, j’ai été étonnée de voir dans une même page, parfois dans un même paragraphe, les "je" ou "tu" ou "il" représenter la même personne (Omar en l’occurrence). Mais, le premier moment de surprise passé, je n’ai pas été dérangée par ce procédé qui n’a gêné ni ma lecture ni ma compréhension. Par contre, j’ai eu, jusqu’à la fin, davantage de difficultés avec les dialogues, pourtant courts, dans lesquels il m’est très souvent arrivé de ne plus savoir qui parlait et de ne plus parvenir à identifier les positions des interlocuteurs. Je ne sais pas à quoi cela est dû. 


Wikipédia : Najib Mahfouz (arabe : نجيب محفوظ, Naǧīb Maḥfūẓ), né le 11 décembre 1911 au Caire et mort le 30 août 2006 dans la même ville, est un écrivain égyptien contemporain de langue arabe et un intellectuel réputé d’Égypte, ayant reçu le prix Nobel de littérature en 1988. 

978-2742735426 

10 juin 2021

 Le der des ders 

de Didier Daeninckx 

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Détective privé en 1920

   1919, ancien soldat, rentré du front il y a peu, physiquement indemne, René Griffon s'est fait détective privé. Son fond de commerce : reconnaître les Gueules Cassées que leurs familles réclament, même lorsque cela n'est qu'à fin de divorce, car il est très long d'attendre que le «Disparu» soit homologué «Décédé», ce qui permet «à la vie de continuer». L'action est placée. On est dans le cynisme et l'amertume de l'après-guerre presque aussi désenchantée chez les vainqueurs que chez les vaincus.

     Mais pas de soldat inconnu cette fois, l'enquête est un peu différente. Un colonel fait appel à ses services pour réduire à l'impuissance un maître chanteur, et cela sera pour notre héros l'occasion de découvrir encore quelques données qui ne contribueront pas à lui faire retrouver meilleure opinion du monde, de la société, de l'Etat.

     Didier Daenincks nous livre là un bon polar, bien écrit et à l'intrigue bien menée, qui capte notre intérêt d'un bout à l'autre. Comme à son habitude, l’œuvre est toute entière portée par la «conscience de classe» de son auteur et son juste désir de pourfendre les injustices sociales. «Ce secteur truffé d'usines métallurgiques, d'ateliers de laminage? En le traversant il n'était pas rare de se prendre des bouffées d'acide en plein nez quand un ouvrier, à demi asphyxié par une trop longue pause au-dessus des bacs d'électrolyse, venait reprendre souffle sur le trottoir. On en rencontrait des dizaines comme ça, entre 15 et 40 ans maxi?» Ce militantisme, cependant, ne nuit en rien au récit.

     Mais, à mon avis, la grande réussite de cet ouvrage, c'est d'avoir si bien su faire revivre la France de 1919-1920. Tout est parfait jusque dans les plus petits détails. Je me suis plusieurs fois demandé en le lisant, comment il avait pu mener un tel travail de documentation et savoir tout ce qu'il sait sur ce monde si proche et si lointain. Il n'est pas assez vieux pour l'avoir vécu lui-même. Ces poilus et leurs familles n'étaient même pas ses parents, mais ses grands-parents. Je ne connais pas moi-même aussi bien le monde dans lequel mes grands-parents ont vécu. C'était l'époque des "Fortifs", Levallois était encore à la campagne et tous les foyers n'avaient pas l'électricité. C'était l'époque où il y avait encore si peu de voitures dans les rues qu'il suffisait, même à Paris, de savoir la marque et la couleur du véhicule que l'on recherchait pour le retrouver rapidement. N'imaginez pas, cependant, un épisode de «La brigade du Tigre». L'action et les mentalités sont assez modernes pour que l'on ne retrouve pas du tout le côté désuet de ce feuilleton.

     Pour couronner le tout, la fin est tout à fait inattendue.

     A lire.

    

   PS: Tardi en a fait une belle bande dessinée.

978-2070408061 

04 juin 2021

  Écoutez nos défaites 

de Laurent Gaudé

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On apprend de tout, si on est capable d'apprendre

   Mariam, archéologue irakienne atteinte d'un cancer incurable alors que son monde s'effondre détruit par les fanatiques religieux, et Assem, agent des services secrets français qui commence à douter du bien fondé de ses actions ("Avons nous jamais gagné ?") se rencontrent un soir dans un hôtel international. Ils sont tous deux habitués aux "brèves rencontres" qui leur conviennent mieux, à ce moment de leur vie, que les liaisons plus durables, ils se quitteront donc le lendemain après un dernier regard. Pourtant, cette fois, l'un comme l'autre sent bien qu'il aurait pu y avoir un vrai lien, d'ailleurs Mariam a glissé un cadeau dans la valise d'Assem...

     Nous allons tout au long du livre de Laurent Gaudé, suivre alternativement ces deux personnages à un moment déterminant de leur existence : ils sont seuls, libres, ont atteint l'âge des bilans et il n'est que temps d'en tirer les conclusions et, éventuellement, de corriger le tir. Autour d'eux, le monde en furie. Ceux qui ont la puissance et la richesse semblent douter de ce qui les a portés jusque là, tandis qu'autour, les forces les plus primaires mettent à profit leurs hésitations pour donner libre cours à leurs appétits de destruction.

     Mais de tout temps, le monde a été guerre, fureur, destruction, et souvent, victoire du plus sauvage. C'est ce qu'expérimente Grant : pour gagner, il a dû perdre, perdre une partie de son humanité, faire des choses qu'il n'aurait pas dû faire... et aller au-delà. Seul des trois exemples historiques (on trouve avec lui, Hannibal et le Négus Hailé Sélassié) qui nous sont donnés, à avoir gagné, il a cependant perdu dans la guerre toutes ses illusions et même sa foi en sa propre clémence, en sa loyauté et sa justice. La victoire qu'il a apportée à son camp, est une défaite. Il y a perdu son humanité, et avec lui, beaucoup de ses hommes.

     Ces combats, dont le roman est entièrement fait, se répondent en écho, ceux de Mariam et d'Assem rejoignent ceux des grandes pages de l'histoire, et également ceux des vies des lecteurs, car tous, à des degrés divers, nous combattons, nous remportons des victoires ou subissons des défaites et tous ceux qui réfléchissent un peu savent la part d'ombre qu'il y a dans toute victoire, l'enrichissement qu'il y a dans toute défaite.

     Un très excellent roman qui aurait dû avoir un prix à sa sortie à l'automne 2016, si tout cela avait un sens.

978-2330066499

02 juin 2021

 Meurtre chez tante Léonie 

d'Estelle Montbrun

****+


Ah, Marcel !..

   Pour ce qui est du style, il est au-dessus de tout reproche. Il faut dire que ce roman fut rédigé par une authentique littéraire. Estelle Montbrun (nom de plume) est même allée jusqu'à me faire redécouvrir deux ou trois mots que je ne connaissais pas ou que j'avais oubliés, comme « onomastique »* (non, ce n'est pas pour faire tenir les vitres).

  A noter qu'Estelle Montbrun a écrit ainsi une jolie petite série de polars littéraires, "Meurtre chez Colette", "Meurtre à Petite-Plaisance" (Yourcenar), "Meurtre à Montaigne", "Meurtre a isla negra" (Neruda) que je conseille vivement aux amateurs.

  Pour ce qui est du plaisir culturel, n'étant pas spécialiste de Proust, j'ai appris certaines choses et qui plus est, je l'ai fait avec plaisir.

     Pour ce qui est du roman lui-même, mon goût allant aux romans policiers «classiques»: énigme à découvrir, fil conducteur, indices, études du milieu et de caractères etc. j'ai été comblée.

   Je me suis régalée avec ce polar auquel je mets sans hésiter 5 étoiles dans son genre.

     L'énigme est intéressante, les personnages bien croqués et la découverte des dessous plein de mesquineries et d'âpreté du monde universitaire comme de celui de l'édition m'a enchantée. Ce monde où l'on fréquente «quelques personnes choisies en fonction de leur degré d'utilité pour aider à grimper l'échelle sociale»...

     Le commissaire Foucheroux (celui qui «ressemble à Al Gore») est assez sympathique, tout comme son adjointe. C'est avec intérêt qu'on les voit progresser sur la piste de l'assassin. Les faux indices se mêlent aux révélations tronquées, lors de l'enquête et des interrogatoires. On se délecte. On devine juste un peu avant le détective, exactement comme il se doit. On se trouve très intelligent et c'est parfait.

  

   PS : onomastique= qui a rapport aux noms propres.

978-2878582284 

31 mai 2021

L'affaire Jane Eyre
de Jasper Fforde
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Quand les littéraires s’amusent…

Présentation de l'éditeur:

"Dans un monde où la littérature fait office de religion, la brigade des LittéraTec élucide plagiats, vols de manuscrits et controverses shakespeariennes. L'agent Thursday Next rêve, elle, d'enquêtes explosives, quand le cruel Achéron Hadès kidnappe Jane Eyre. Dans une folle course-poursuite spatio-temporelle, la jeune détective tentera l'impossible pour sauver l'héroïne de son roman fétiche."

Je me suis enfin décidée à entamer cette série si prometteuse dont tout le monde me disait tant de bien. Il faut dire que je venais de lire cinq gros Günter Grass et mon cerveau en surchauffe demandait une récréation. Magnanime, je la lui accordai. Voici le bilan:

   Thursday notre héroïne,est décidée et dégourdie et il ne faut pas oublier que son caractère a été endurci par sa participation à la massacrante guerre de Crimée. Je n’ai pas eu trop de mal à m’intéresser à son sort et, sans qu’elle soit le héros avec laquelle je peux entrer en communion, je ne l’ai néanmoins pas trop rejetée.
  
   Mais la merveille, c’est le monde que Fforde nous offre ici!! Une inspiration tout à fait remarquable a saisi notre auteur pour ce coup-là ! J’admire. (Un exemple entre mille, l’extraordinaire représentation théâtrale de Richard III ). Et puis, les déchirures de l’espace-temps ont toujours donné lieu à un maximum de paradoxes insolubles (n’y réfléchissez pas un soir de migraine) et j’en ai toujours été très très friande, alors lorsqu’on on y ajoute une porte sur les mondes littéraires imaginaires, cela prend tout de suite une dimension ! …
  
   Pourtant, je me dis que l’auteur a dû se donner tellement à la création de cet univers si nouveau et si riche qu’il a un peu oublié de travailler à fond ses caractères; et peut-être est-ce une lacune qu’il aura à cœur de combler lors des épisodes suivants… dans ce cas, je monterai volontiers jusqu’à 4 étoiles ½ . Irai-je jusqu’à 5??
  
   Pour ma part, le n° 2 est déjà acheté et il attend dans ma PAL que mon cerveau ait à nouveau besoin d’une petite récré, ce qui, je le sens, ne devrait pas trop tarder.
  
   Et puis, autre chose, les couvertures en édition de poche! Je les adore, elles sont fabuleuses, leur illustrateur a eu une idée de génie et je n’achèterais pour rien au monde une autre édition que 10/18.
  
   PS : Quant à savoir qui a vraiment écrit les pièces de Shakespeare… eh bien, même cela, vous l’apprendrez.

Série Thursday Next

L'Affaire Jane Eyre,  The Eyre Affair, 2001
Délivrez-moi !, Lost in a Good Book, 2002
Le Puits des histoires perdues, The Well of Lost Plots, 2003
Sauvez Hamlet !, Something Rotten, 2004
Le Début de la fin, First Among Sequels, 2007
Le Mystère du hareng saur, One of Our Thursdays Is Missing, 2011
Petit enfer dans la bibliothèque, The Woman Who Died a Lot, 2012


978-2264042071


29 mai 2021

Inspecteur Canardo 

de  Benoît Sokal

 L'Amerzone - Un misérable petit tas de secrets - 

Le Buveur en col blanc - La Fille qui rêvait d'horizon

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   Après le si attachant Jack Palmer, je poursuis ma docte étude approfondie des détectives improbables en bande dessinée et me voici aujourd’hui avec l’Inspecteur Canardo le bien et mal nommé.

   Bien parce qu’effectivement c’est un canard, avec un bec, pattes palmées et tout; et mal parce qu’il ne semble pas être inspecteur de quelque police que ce soit (mais peut-être l’était-il dans les premiers albums, que je n’ai pas lus). Il est détective privé. Il a l’uniforme et il achète clairement son imper mastic chez le même fournisseur que J. Palmer et Columbo. Le sien est un modèle spécial avec bouteille d’alcool vissée à la poche droite (dans la gauche, c’est son flingue. Savoir si Canardo est droitier ou gaucher…). Autre chose qui est vissée: son mégot, à ses l… euh, son bec. Canardo est buveur, fumeur mais par contre totalement insensible au charme féminin; masculin aussi d’ailleurs. Ni amour, ni amitié, Canardo est un grand pessimiste misanthrope revenu de tout, assez dépressif mais, bien soutenu par l’ustensile de la poche droite, il n’éprouve pas le besoin de geindre sur la vie et son sort. Ce qui nous soulage d’autant.

     Il connaît des aventures, parfois petites et proches, parfois grandes, parfois sans envergure (histoire d’héritage égaré), parfois exotiques ou mythiques (quête d’oiseaux légendaires au fin fond de l’Amazonie), parfois pleines d’action (avec crapauds pseudo hells angels et coups de feux dans tous les sens), parfois sans le moindre coup de feu, parfois avec un suspens poignant, parfois sans… C’est dire qu’il n’y a pas de stéréotype dans ces albums. A chaque lecteur d’avoir des préférences en ce domaine. Chaque aventure est totalement indépendante des autres, on peut les lire comme on les trouve.

     Pour cette fois, j’ai basé ma docte étude sur quatre titres que je vous livre dans l’ordre où je les ai lus.

     J’ai commencé avec "L'Amerzone" particulièrement cynique qui a fixé mon attention sur cet incroyable canard capable de colères existentielles et, bien que tout à l’inverse de sa grande sortie philosophique, je sois sans doute davantage à la recherche de pureté et de sagesse que de nature humaine par la vinasse, j’ai apprécié. Un très bon album exotique, philosophique et avec de l’action.

     J’ai ensuite lu "Un misérable petit tas de secrets", tout à l’opposé puisqu'au fond des secrets de famille de la majorité silencieuse, mais que j’ai tout autant aimé. J’ai adoré l’astuce sans vergogne du voyage dans le temps et les considérations, pour le coup, sur les humaines faiblesses.

     Tout cela pour passer au "Le Buveur en col blanc", une surprise puisque je l’ai trouvé totalement sans intérêt. Je me demande encore pourquoi Sokal a fait cela… Passons donc.

     Heureusement, j’ai alors découvert "La Fille qui rêvait d'horizon", mon préféré peut-être de ces quatre-là. Un truc aussi amoral que le reste (Canardo a compris depuis longtemps que la vie n’est pas morale) et un peu grandiose avec de grands horizons et un Canardo pour le coup très déprimé… j’adore. Mais je pense qu’il m’a manqué d’avoir lu auparavant un autre album dont l’histoire est évoquée (mais pas le titre). Je pense que ce doit être «La marque de Raspoutine».

     Je n’ai pas dit ? Ah oui, le dessin est excellent; des humains à visage animal très très réussis vraiment, des décors précis et justes mais sales. Il y a beaucoup de poussière, de toiles d’araignées et de salissures apparemment liquides et inidentifiables (tant mieux)... Je me suis plusieurs fois arrêtée pour scruter les détails de ces scènes. Décor particulièrement glauque dans «Le buveur».

     Monsieur Canardo, vous aurez le droit de rester dans ma bibliothèque déjà surchargée pourtant.

    

   0. Premières enquêtes (1979)

   1. Le Chien debout (1981)

   2. La Marque de Raspoutine (1982)

   3. La Mort douce (1983)

   4. Noces de brume (1985)

   5. L'Amerzone (1986)

   6. La Cadillac blanche (1990)

   7. L'Île noyée (1992) .

   8. Le Canal de l'angoisse (1994)

   9. Le Caniveau sans lune (1995)

   10. La Fille qui rêvait d'horizon (1999)

   11. Un misérable petit tas de secrets (2001)

   12. La Nurse aux mains sanglantes (2002)

   13. Le Buveur en col blanc (2003)

   14. Marée noire (2004)

   15. L'Affaire belge (2005)

   16. L'Ombre de la bête (2006)

   17. Une Bourgeoise fatale (2008)

   18. La fille sans visage (2009)

   19. Le voyage des cendres (2010)

   20. Une bavure bien baveuse (2011)

   21. Piège de miel (2012)

   22. Le vieux canard et la mer (2013)



26 mai 2021

 La traversée du Mozambique par temps calme 

de Patrice Pluyette

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   Prix Amerigo Vespucci 

"Il jouit de sa fantaisie"

   Allez, comme je l’ai déjà dit, des liens imprévus s’établissent entre les lectures que nous faisons et je reprends comme titre de ce commentaire une phrase clé du dernier roman de J.C Somoza, que j’avais lu juste avant celui-ci*. Car si j’ai jamais lu un livre "plein de fantaisie", c’est bien cette «Traversée du Mozambique». 

       Tout comme «L’automne à Pékin» de Vian qui ne se passait ni en automne, ni à Pékin, on ne traversera pas ici le Mozambique (ou alors, sans le savoir) et le temps ne sera pas très souvent calme. Il n’empêche que tout lecteur un tant soit peu sensible à la poésie des mots ne peut éviter la force d’attraction de ce titre envoûtant et que l’auteur a su tendre là un filet qui en capturera beaucoup. Sans qu’ils aient à le regretter d’ailleurs, les pages intérieures étant à la hauteur du titre. 

       Et c’est ainsi que je me suis trouvée avec un texte aux allures de récit de voyage scientifico-aventureux dans la plus grande tradition -du 19è siècle à Indiana Jones- mais truffé de détails loufoques, se rattachant à l’onirisme, au farfelu ou/et à la poésie. Cela attaque dès les premières pages."… nos deux types embarquent clandestinement à bord d’un cargo pour l’Europe, couchés sur le flanc dans une cage de la dernière soute, déguisés en barzoïs." ! Je saluai cette déclaration de mon premier éclat de rire et m’embarquai avec eux, nantie d’un sourire qui n’allait plus me lâcher jusqu’à la dernière page. 

       C’est ainsi que j’ai découvert les fabuleuses aventures de Belalcazar, capitaine et archéologue, qui bien avant d’être tout cela, avait senti au plus profond de lui l’appel de la cité de l’or et s’était lancé dans sa première expédition. 

   "Il part pour les Andes quelques semaines plus tard, seul et sur un coup de tête, en barque. Il ne connaît rien aux grandes expéditions, ni à la navigation. La traversée en barque dure neuf semaines. Il échoue à quelques kilomètres de son lieu de départ, inanimé, père adoptif d’un baleineau tournant autour de la barque et le poussant par à-coups de la queue vers la côte." 

       Cette première tentative sera suivie de plusieurs autres jusqu’à celle que nous suivons aujourd’hui. Cette fois, Belalcazar s’embarque avec un équipage composé de deux indiens du nord de l’Alaska, une cuisinière et une assistante (Florence Malebosse) étrange et quasi invisible ayant d’ailleurs une grande facilité à paraître et disparaître selon que l’auteur a besoin d’elle ou non pour son histoire. Il en sera de même d’une seconde assistante (Sophie). Patrice Pluyette, ne s’embarrasse d’ailleurs pas trop de ses personnages, qui peuvent apparaître (comme Jean Philippe), en pleine mer et disparaître idem sans que l’on se soucie trop de savoir d’où ils viennent ou s’ils sont morts ou vivants, pour de bon ou non et si on les reverra ou pas. 

       Mais le lecteur fait volontiers avec ces circonstances improbables, pas plus improbables d’ailleurs que le voyage lui-même vu que, parti du sud de l’Europe pour le Pérou, notre Belalcazar va se retrouver pris dans les glaces de la banquise, où il rencontrera d’ailleurs un autre voyageur de son acabit: un aérostier qui lui, cherchait à remonter la source du Nil. 

       Il arrive même que notre auteur semble parfois quelque peu démuni face à une péripétie inattendue "… il est probable que notre histoire s’arrête dans trois pages sans plus de personnages à notre charge que cette bête (ce qui semble être un fauve menaçant) dont nous ne saurions à elle seule tirer une histoire en rapport avec le sujet de la nôtre sans ennuyer le lecteur." Mais heureusement, égalant en persévérance ses personnages, l’auteur ne se décourage pas et poursuit. "Nous dirons donc que les hommes et femmes composant ce récit, nonobstant le danger rôdeur, ne perdent pas leur courage, continuent chaque matin à démonter le camp pour mener à bien leur progression lente et difficile, tous les soirs à planter la tente dans un endroit différent, toutes les nuits à trembler dans leur lit en s’obligeant à prier, à invoquer l’aide d’un dieu tout puissant à défaut d’un car de CRS armés."  

  Ce qui donne au lecteur l’heureuse occasion de lâcher un peu son rationalisme habituel et de s’offrir un beau voyage au pays de l’Or denrée commune –mais alors, a-t-il toujours une si grande valeur? - par l’entremise d’un beau récit où la denrée la plus commune est la haute fantaisie. 


* "Daphné disparue"

 978-2757814628

23 mai 2021

 Daphné disparue 

de José Carlos Somoza

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L’écrivain et/est son personnage

       Ce que je remarque, au moment d’entamer ce commentaire de ma lecture, c’est que ce que j’ai l’intention de dire n’a aucun rapport avec ce qui est déclaré en 4ème de couverture. Si ce commentateur a bien lu le même livre que moi, c’est qu’il l’a lu d’une toute autre façon. Et pire encore, cette 4ème m’aurait plutôt incitée à ne pas m’intéresser davantage à ce roman. Ce qui m’a amenée à me souvenir de ce que J.C. Somoza dit des "rabats", plus rares chez nous, et qui doivent être l’équivalent espagnol de la 4ème de couv. Mais le rabat, c’est aussi l’étiquette que l’on colle sur un livre ou sur un auteur et dont le pouvoir est immense: 

   "Nous savons que «La Bible» prétend être la parole de dieu, tandis que «Les Mille et une nuits» sont un recueil de contes fantastiques. Le rabat, c’est ça: ce que nous savons, ou croyons savoir, sur ces livres. Maintenant, imaginons que «La Bible» et «Les Mille et une nuits» aient échangé leurs rabats il y a des millénaires: à ce stade, les aventures de Yahvé constitueraient un délice pour les petits enfants, pendant que de nombreux dévots seraient morts pour Aladin ou auraient été torturés pour avoir nié Schéhérazade… et ne croyez pas que j’exagère: le rabat est comme le cours d’une rivière, et notre lecture coule toujours soumise à ses limites." (p. 78) 

       Il faut donc que j’oublie ce que je viens de lire sur cette couverture, et que vous lirez aussi si vous le voulez, pour retrouver ce que moi, j’ai ressenti à cette lecture. 

   On recommence. 

       Tout d’abord, une image de couverture que je trouve très belle. Eh oui, ça compte, c’est elle qui capture le regard et amène les "vue basse" comme moi à venir lire le titre, l’auteur, puis la quatrième et quelques lignes chez le libraire ou la critique dans le magazine (dans mon cas, ce qui valut mieux)… et sortir le porte monnaie. 

       Ensuite, un univers fabuleux et captivant, pour un auteur dont, ça y est, c’est décidé, je vais tout lire, pour l’immense plaisir qu’il me procure. 

       Donc voilà de quoi il s’agit : Un homme se réveille dans une clinique. Il vient d’avoir un accident de voiture dont il est sorti miraculeusement indemne, si ce n’est qu’il est totalement amnésique. La seule chose qu’il finit par savoir sur lui, c’est ce qu’on lui dit: qu’il est écrivain et vit seul avec une vieille bonne ; et un petit carnet noir qui était en sa possession et sur lequel il lit : "Je suis tombé amoureux d’une femme inconnue". C’est peu. 

        Désireux de se retrouver, il décide de partir de cette phrase et de rechercher cette femme. Sa vieille bonne lui apprend qu’il avait dû passer la soirée dans un restaurant appelé "La forêt invisible" et il part donc de là et du fait bientôt découvert qu’il est un romancier très apprécié. "J’avais perdu la mémoire, j’ignorais donc si j’étais génial. Je l’étais peut-être, ou je l’avais été, mais pour le savoir je devrais le demander aux autres." 

       Arrivé là, on s’aperçoit que, malgré les apparences, loin de s’embarquer dans un roman policier, on part dans une étude littéraire, étude en rouge, monde fantastique ou le possible et l’impossible se fondent et où , sous couvert de rechercher une identité puis un assassin, on enquêtera en fait plutôt et de manière approfondie sur le fait littéraire, sur ce qu’est «être écrivain», sur le monde des écrivains, sur leurs rapports avec leurs personnages, leurs confrères, leurs éditeurs, la création, le succès ou l’insuccès, la fiction, la réalité, la vie etc. 

   "La police résoudrait-elle mes problèmes littéraires ?"(p. 66) 

       On y vivra certes l’enquête du héros qui traque ce qui se cache derrière son amnésie, mais plus encore ce qui se cache dans la littérature et n’hésite pas à suivre la piste à l’intérieur de divers processus de création (y compris et même, en particulier, la création à contrainte). D’ailleurs, cette expérience d’écriture à contrainte vécue par le personnage nous amène (sans que l’auteur ait même à nous le suggérer) à nous interroger sur la construction complexe du roman que nous-mêmes sommes en train de lire. 

       Vous l’avez déjà compris, c’est un vrai régal pour le/la passionné(e) de livres, une délectation de toutes les pages, portée par une écriture "pleine de fantaisie". Une réussite totale à mon sens. 

978-2742777334

21 mai 2021

 Les voyages de sable 

Jean-Paul Delfino 

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Quatrième de couverture :

« Par une nuit de neige qui finit par immobiliser Paris, monsieur Jaume se rend dans un café de la rue Saint-André-des-Arts. En veine de confidences, il raconte à Virgile, un bistrotier désabusé, la malédiction qui le frappe. Monsieur Jaume est immortel.

Toute la nuit durant, et avec la promesse de lui révéler son secret, il va confier à Virgile ses multiples existences passées. Né à Marseille en 1702, il fuit la grande peste, part à l'aventure en Afrique, cultive le café en Guyane, meurt à cent reprises et revient à la vie autant de fois. Peintre d'ex-voto au Brésil, guetteur de cadavres sur le Rhône, négrier à l'occasion, clerc de notaire à Paris, ermite au Portugal ou spectateur de la révolution de 1848, Jaume connaîtra l'amour, l'amitié et la trahison.

Tout d'abord sceptique, Virgile l'écoute. Puis, peu à peu, sa curiosité s'éveille et il se laisse prendre au jeu. Être immortel semble bien tentant. Mais n'est-ce pas le pire cadeau que le sort puisse offrir à un homme ?

Avec Les Voyages de sable, Jean-Paul Delfino nous invite à une longue traversée poétique et fantastique, où une nuit dure trois siècles et l'arrière-salle d'un café ouvre sur les cinq continents. »


Le hasard a mis entre mes mains cet auteur dont j'ignorais tout. Lecture facile et agréable qui fait voyager dans le temps et dans l'espace, mais cependant œuvre sans enjeu qui devrait ravir les adolescents mais qui à mon avis, laissera les adultes sur leur faim. 

Pourtant, pour les ados, je le conseille vraiment. Ils se passionneront pour cette histoire qui leur fera réviser sans même qu'ils s'en rendent compte, histoire et géographie. Sans doute même qu'il souriront en rencontrant au détour du chemin un petit prince qui aura un peu mélangé ses cartes...


9782847424409